|
|
COLLECTIF |
Autour De MinuitAux éditions IN8Visitez leur site |
755Lectures depuisLe mardi 20 Fevrier 2018
|
Une lecture de |
Destiné aux amateurs de textes courts, le coffret “Autour de minuit” propose – dans une présentation soignée et originale – quatre livrets qui sont autant de nouvelles. Écrites par des auteurs qui comptent dans le monde du polar noir : Carlos Salem, Marin Ledun, Elena Piacentini et Anne-Cécile Dartevel. Quatre univers différents, mais une même volonté de sortir du lot, grâce à des nouvelles de qualité supérieure. La nuit de Valentín, de Carlos Salem : Poe reste fidèle à sa réputation de pilier de bistrot, amateur de galipettes avec des serveuses pas farouches. Cette nuit-là, c’est une blonde armée d’un flingue qui va diablement l’exciter. L’érection magistrale devient rare chez Poe. Par contre, cette femme fatale, c’est le summum de ses fantasmes. Elle dit avoir besoin de lui pour retrouver son ex-amant, Valentín. C’est typiquement le genre de séducteur qui fascine ses conquêtes, inexplicablement. Le duo commence la tournée des maîtresses de Valentín, d’Almudena à Marlene, ce qui ne se passera pas sans heurts. L’érection de Poe ne faiblit pas, mais il n’est pas près de comprendre la psychologie féminine. Il vaut mieux conserver son sang-froid dans certaines circonstances. “Marlene regarde la blonde. La blonde regarde Marlene. Elle fait deux têtes de plus qu’elle, et la chanteuse paraît plus chétive et fragile que jamais, comparée à cette féroce walkyrie. Au lieu de répondre, Marlene fait volte-face et se dirige vers sa loge, après nous avoir invités d’un geste à la suivre. La blonde lève l’arme et la lui appuie sur la nuque. Marlene continue à marcher de ce pas aérien qui me rendait fou. Dans sa loge, elle nous sert des verres, sans un regard pour l’énorme automatique logé entre les mains de la blonde.” Wild Girl, d’Anne-Céline Dartevel : Mona est une drôle de fille. Avec son amant Fred, elle habite dans une caravane défraîchie, pour ne pas dire miteuse. Se shootant aux pétards et à la vodka, Fred écrit au kilomètre des romans que personne ne veut publier. Mona est une artiste. Ces temps-ci, elle se produit sur scène au Paloma Café. Déguisée en Debbie Harry, elle interprète les chansons de Blondie, dans un spectacle de transformistes. Mona est un homme, oui. Ce soir-là, ses parents septuagénaires ont assisté au show. Les Vieux, Mona n’en garde vraiment pas de bons souvenirs. Enfance chaotique, maltraitance. Un pèlerinage chez eux ne serait certainement pas une bonne idée pour Mona. Sur scène, elle donne le maximum. “Je me déhanche au rythme un peu mollasson de la batterie. Ma cape en fausses plumes est la première à voler dans le décor. Je défais ensuite ma jupette d’un geste sec et l’envoie valdinguer côté jardin. Dans le public, ça siffle et ça gueule à tout va. J’enchaîne sur Atomic mais le batteur, frappé d’apathie, me bousille l’intro. J’ai beau me démener comme une bête de somme, ça ne sonne pas aussi rock que je le voudrais. Je finis par Denis, le moins connu des titres de Blondie…” Gasoil, de Marin Ledun : La station-service de Victor fait partie du paysage local, et elle est plutôt bien située. Depuis trente-deux ans, trimant du matin au soir, Victor se montre arrangeant avec la clientèle, sympa envers les jeunes. Mais il est conscient que ça ne va pas durer éternellement. La concurrence est acharnée sur les carburants, les commerciaux de l’enseigne sont impitoyables dans des cas comme le sien. Il veut encore y croire. S’il ne s’était pas produit un accident la nuit précédente, ça aurait été sûrement possible. Victor n’en est pas responsable, il n’a fait que son métier. Aussi dramatique soit-elle, l’histoire pouvait s’arrêter là. Mais le destin choisit souvent la plus noire des solutions. Le pompiste pouvait-il agir autrement ? “Victor ne disait jamais rien. Il les aimait bien, les gosses comme Ziber parce qu’ils étaient nés au même endroit que lui et qu’il avait été comme eux. Pas trop d’avenir, pas assez de fric, juste le présent à vivre, quelques pièces à mettre dans un réservoir et que le monde aille se faire foutre ! Voilà comment il s’était retrouvé mécano, puis pompiste. Voilà comment Ziber s’était retrouvé dans un ravin. Victor avait eu plus de chance, si l’on peut dire…” Le dernier homme, d’Elena Piacentini : Ce hameau presque mort, ces quelques maisons vides, ça fait une trentaine d’années que Horace les connaît. Jeune instituteur, il enseigna dans une classe unique qui accueillait une douzaine d’enfants venant des villages environnants. À l’époque, il remarqua deux frères, les Cafani, très dissemblables parmi les élèves. Séverin, un gamin taciturne et rêveur, était l’opposé de son cadet de deux ans, Antoine, extraverti et volubile. Pour la retraite, Horace est venu s’installer dans une des maisons de ce hameau fantomatique. Le cas de Séverin l’intéressait toujours, trois décennies plus tard, pour son caractère anthropologique. L’enseignant pense être lucide. “Certains ont déclaré que la vie les avait séparés. Ils ont tout faux, ils confondent l’effet et la cause. À la naissance, les frères étaient antipodes, la logique voulait qu’ils suivent des trajectoires opposées. Antoine a quitté le hameau à sa majorité et a ouvert un bar sur la côte. Séverin est resté. Ce n’était pas un choix par défaut, mais une vocation et une affinité qu’il portait en lui depuis l’enfance. Il était de ce royaume, fait par lui et pour lui. En osmose avec la plus infimes de ses composantes… La vie de Séverin était là. Le bruit, les espaces confinés, les lumières artificielles, il en aurait crevé.” |
Autres titres de |