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JEAN CONTRUCCI |
Le Vol Du GerfautAux éditions HC EDITIONSVisitez leur site |
3443Lectures depuisLe jeudi 11 Janvier 2018
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Une lecture de |
Je m’appelle Jean-Gabriel Lesparres, ex prix Goncourt, couvert de prix et directeur littéraires des éditions Fontange, depuis des années je suis harcelé par mon éditeur qui me réclame un nouveau roman. J’ai réussi à finir Le vol du gerfaut, mais le résultat n’est pas à la hauteur. Je ne veux pas avoir écrit le livre de trop. Ce roman ne doit pas sortir. J’ai une idée : me faire voler le manuscrit. Manuscrit écrit à la main, à l’ancienne et sans aucun double. J’ai payé un jeune homme pour ce boulot. Des mois plus tard je reçois un manuscrit venu des État Unis, j’ouvre et je découvre Le vol du gerfaut, signé du nom d’une inconnue. Je vais mener l’enquête pour savoir comment mon manuscrit a pu traverser l’atlantique. Appel à un détective privé pour retrouver ce petit voyou pour savoir ce qu’il a fait du manuscrit. Puis d’un ami truand à qui j’ai servi de nègre autrefois pour publier ses mémoires, on va faire parler mon voleur. Accrochez-vous ça va tanguer ! Jean Contrucci, s’inspirant du vol du roman de François Nourissier en 1994, affaire dans laquelle il fut aux premières loges car journaliste au Provençal, nous livre un roman qui ne laisse aucun répit au lecteur. Suspens, action, émotion, humour, critique du monde de l’édition Le Vol du gerfaut est tout cela, mais aussi une réflexion sur les affres de la création, le manque d’inspiration, la peur d’écrire le livre de trop. Écrit avec élégance et un sens aigu du tempo il nous tient en haleine de la première à la dernière page.
4° de couverture : Jean-Gabriel Lesparres ne publiera pas son dernier roman. Son éditeur, ses lecteurs, la presse et le monde de l’édition le lui réclament depuis dix ans, mais il ne cèdera pas. “Au terme d’une carrière littéraire et mondaine qui a fait de moi une éminence grise dotée du pouvoir de faire ou défaire les réputations, je me trouvais dans la peau de celui à qui on vient de retourner son manuscrit. Sauf que j’étais à la fois le candidat et l’examinateur.”
Jean-Gabriel Lesparres est en panne d’inspiration, depuis des années son éditeur lui réclame un nouveau roman, mais il n’est pas satisfait de ce Vol du gerfaut, et il ne veut pas finir comme son ami Paul Delamare à qui on avait refusé son dernier roman, même si « ses livres étaient d’un grand écrivain, ils avaient une voix singulière, mais trop subtile, trop fine, trop élégante, trop profonde pour ce monde criard où règnent l’esbroufe et le culot. Il jouait du violoncelle au sein d’une fanfare de cirque. Personne n’entendait sa musique. » Du grand art !
Roman. Parution le 11 janvier 2018. 240 pages. 19,00€. Cela sent le vécu ! Obtenir le Prix Goncourt, c’est bien, c’est gratifiant pour un auteur, et pour sa maison d’édition aussi ! Mais pour certains écrivains, qui en ont fait l’amère expérience, se profile alors une sorte de blocage ou alors le succès auprès des lecteurs n’est plus au rendez-vous. Pour Jean-Gabriel Lesparres, le phénomène se traduit autrement. Il a bien écrit un autre roman, mais il n’est pas satisfait de sa prose. Et son éditeur, le presse de lui remettre son manuscrit. Lesparres est un écrivain de la vieille école. Pas d’ordinateur, pas de machine à écrire. Il rédige son texte sur des feuilles volantes de couleur verte, puis il retranscrit ce qu’il a écrit, après rectifications, améliorations, sur des carnets à spirales, le tout au crayon de papier, sans ratures grâce à la gomme dont il n’oublie pas se munir. C’est sa jeune femme, ancienne attachée de presse dans la maison d’édition où il publie, qui remet au propre avant présentation à l’éditeur. Mais le manuscrit n’est pas à la hauteur de ses espérances. Il sait qu’il vaut mieux. Il est écrivain, mais également critique littéraire, et directeur littéraire, et il n’est pas imbu de lui-même. Il est lucide, et fier. Il préfère louvoyer auprès de Fontange, son ami éditeur depuis vingt-cinq ans, et lui promettre de lui remettre le manuscrit à son retour de vacances en Sicile. Dix ans se sont écoulés depuis son grand succès goncourisé, L’Ariette oubliée, puis la publication de La vie antérieure, deux ans que son inspiration déclare forfait, mais il ne peut continuellement se dérober. Il fait part de son intention de ne plus rien publier à son ami Paul Delamare, lequel est un écrivain véritable, possédant un réel talent, mais comme certains peintres maudits, il ne sera reconnu qu’après sa mort. Peut-être. D’ailleurs ses ouvrages n’étaient tirés qu’à mille cinq cents exemplaires environ, et lorsque Fontange lui a refusé un texte, il n’a pas trouvé d’appui de la part de Lesparres. Celui-ci regrette le geste qu’il n’a pas osé faire, lui tendre la main, l’aider, obliger Fontange à l’éditer quand même. Non, il a fermé les yeux, s’est recroquevillé, malgré une amitié de cinquante ans. Toutefois, de leur discussion jaillit une idée que Lesparres va mettre en pratique, le destin aidant. Et si son manuscrit était volé ? Il n’effectue jamais de double, et donc si ce jet unique était barboté, cela lui retirerait une épine du pied. Le destin va le mettre, alors qu’il musarde dans la bonne ville d’Arles, en face d’un peintre qui propose ses œuvres. L’homme est jeune et comme tous les artistes, démuni. Un marché est conclu. Manuel Botero, l’artiste peintre, volera la mallette tandis que Lesparres attendra ses bagages lors de son débarquement à l’aéroport de Marseille-Provence et que Laure sera partie baguenauder. Tout se passe à la perfection, sans incident, sauf que le voleur appointé ne se conforme pas exactement selon les souhaits de l’écrivain. Cette mallette de luxe est retrouvée non loin de l’endroit désigné, certes, quelques semaines plus tard, mais dans un état neuf, comme si elle venait d’être déposée. Botero a affirmé par téléphone avoir détruit la copie du manuscrit, mais ne pas l’avoir incinéré, à cause du risque d’incendie. Lesparres remet sa démission à Fontanges, lors d’un entretien particulièrement houleux. Il en profite pour demander à Martine, leur secrétaire, de lui renvoyer le courrier qui arriverait à son nom. Et un jour, dans une enveloppe matelassée, lui parvient les épreuves non corrigées d’un roman écrit par une jeunette, roman intitulé Les Trophées d’après un recueil de José Maria de Herredia. Or en compulsant cet ouvrage qui sera mis en vente dans quelques semaines, Lesparres constate qu’il s’agit de Son Roman, Comme un vol de gerfaut, remanié dans deux ou trois passages dont il n’était pas fier.
C’en est trop et Lesparres décide de rechercher Botero, en engageant un détective qui, oh heureux hasard, habite le même immeuble que son ami Delamare auquel il a rendu visite. Delamare est bien malade, un cancer le rongeant, tandis que c’est le remord qui ronge Lesparres. Mais l’écrivain à l’inspiration défaillante n’est pas au bout de ses surprises, le lecteur non plus. Et ce qui, dans la seconde partie, aurait pu ressembler à un vaudeville se mue peu à peu en une tragédie avec son lot de magouilles, de machinations, d’entourloupettes, de quiproquos, de malentendus, de retournements de situations, d’analyses erronées, et de mensonges. Si la seconde partie est consacrée à l’enquête, et aux recherches de Lesparres concernant l’identité de celui, ou celle, qui lui a joué ce tour pendable, la première est une plongée dans les milieux éditoriaux et dissèque les affres d’un écrivain honnête qui se rend compte que ce qu’il vient d’écrire n’est pas de son meilleur cru. Il ne veut pas décevoir éditeurs, critiques littéraires, lecteurs. Il ne veut pas, contrairement à certains de ses confrères, être publié à tout prix, se reposant sur une gloire qui perdure, mais peut se déliter au premier accroc. Son éditeur raisonne en commercial, déclarant Mieux vaut le livre d’un médiocre qui se vend qu’un auteur de génie qui devient improductif, tandis que Lesparres réagit en esthète. Mais il pose une question essentielle, que nous collectionneurs impénitents nous nous posons souvent sans pouvoir la résoudre avec satisfaction : Cette bibliothèque amoureusement constituée de coups de cœur éprouvés tout au long d’une vie vouée aux écrivains et à la lecture n’avait plus d’autre valeur que celle de procurer quelque argent de poche à une bande d’étudiants qui ne lisaient plus rien d’écrit en dehors des textos. Enfin, petit clin d’œil qui n’était pas prévu au moment de la rédaction de ce livre, et qui prend sa portée au moment où est publié, mais ça c’était prévu depuis un moment, le dernier manuscrit de Jean d’Ormesson : A moins d’être une célébrité, le manuscrit d’un écrivain mort n’intéresse plus personne.
Jean-Gabriel Lesparres connait un double malheur : celui d’avoir été primé ; celui d’avoir été critique littéraire. Cette malédiction bicéphale où il se débat le conduit naturellement au doute, au doute quant à la qualité de sa prose. Et son éditeur, qui lui a déjà versé quelque argent, a beau le presser de lui remettre son dernier manuscrit, ce doute gangreneux n’en disparait pas pour autant. En fait, Jean-Gabriel Lesparres est convaincu que ce roman, auquel il vient d’apposer un point final, constitue son écrit de trop, celui qui risque de le révéler aux yeux de tous comme un usurpateur. Alors, Jean-Gabriel Lesparres organise, avec la complicité d’un jeune artiste rencontré par hasard, le vol de son manuscrit, unique manuscrit de son dernier roman… Tout se déroule à merveille, malgré les doutes de son éditeur quant à la véracité du vol, jusqu’à ce que tout déraille, jusqu’à ce que ce manuscrit supposé disparu réapparaisse, comme par magie, par vengeance ! Jean Contrucci, qui a su enchanter son lectorat en l’entrainant dans une exploration fictive de sa ville et de ses mystères en ces débuts de siècle dernier, en le plongeant dans un romantisme noir ou dans la résurrection sanglante d’une Massalía assiégée, convie, dans cette fiction acide et cynique, amusante et captivante, ces susdits lecteurs à s’immerger dans le milieu littéraire, ses haines, ses doutes, ses aigreurs, ses trahisons, ses envies, ses jalousies. Une fois de plus, Jean Contrucci fait preuve de son immense talent de conteur ! Il ne reste plus à souhaiter qu’il n’ait jamais la même idée saugrenue que celle qu’il prête à son auteur de fiction… |
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