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Dimension New-york 2


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Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Cyberbabel. Recueil collectif concocté par Philippe Ward. Préface de Didier Forray. Collection Fusée N°58. Editions Rivière Blanche. Parution mai 2017. 514 pages. 35,00€.

Malgré quelques flétrissures, la Grosse Pomme est toujours goûteuse !

L'avantage de ce genre de recueil réside dans le plaisir de retrouver des auteurs dont on apprécie les écrits mais également de découvrir de nouvelles plumes prometteuses.

Chacun traite son sujet selon sa sensibilité, ses connaissances, ses envies, son imaginaire, ses réminiscences, son approche par l'anticipation, la science-fiction, le roman noir ou autre. En deux pages ou en un peu moins de soixante dix, chaque auteur insère une part de lui-même, avec passion, avec fougue, avec talent.

Ce qui suit ne va peut-être pas vous intéresser, alors passez allègrement ce passage et rendez-vous à la présentation de certains textes, pas tous, car cela deviendrait fastidieux.

Certains ouvrages m'attirent plus que d'autres pour des raisons personnelles, et lire une nouvelle, un roman dont New-York est le décor, le théâtre, possède un attrait particulier et me ramène à ma tendre enfance. Je ne vais pas tout dire, je ne suis pas à confesse, mais mes parents ayant travaillé sur des paquebots de la Compagnie Générale Transatlantique, une ligne Le Havre-Southampton-New-York, et pour mon père des escales dans les Antilles, New-York a toujours représenté une destination de rêve et en même temps une forme de danger latent et insidieux. Les noms de Harlem, Manhattan, Brooklyn, le World Trade Center, résonnaient à la maison, la statue de la Liberté était érigée dans mon esprit, des chanteurs comme Bing Crosby étaient souvent évoqués, et en voyant les scènes de rues du film West Side Story et les affrontements entre bandes de jeunes, c'était comme si je les avais déjà vécues par procuration. Bien sûr, par la suite, d'autres d'images se sont infiltrées dans mon esprit, mais celles de la jeunesse demeurent indélébiles. Stop, fin des confidences, passons au sujet de cette chronique.

Parmi toutes les nouvelles répertoriées dans ce fort volume, j'en ai choisi quelques-unes qui pour moi sont représentatives de l'esprit qui anime Philippe Ward, l'initiateur et concepteur de cette anthologie sur la Grosse Pomme que vous dévorerez jusqu'au trognon. Eclectisme dans la manière d'aborder le thème central, et opportunité de confronter de vieilles plumes à de nouveaux auteurs.

Avec Bunny, Serguei Dounovetz ne met pas en scène le lapin facétieux créé par Tex Avery puis Bob Clampett, mais un Français, le narrateur, qui débarque à New-York, avec l'adresse d'un hôtel, adresse fournie par Monsieur Cuong. Bientôt Noël, et la ville est sous la neige. Son taxi l'emmène à Spanish Harlem, puis il se rend à Chinatown, dans une échoppe de barbier, pour découvrir Koliane, la nièce de Monsieur Cuong, assassinée. Dans la pure lignée des nouvelles noires, Bunny entame ce recueil de bien belle manière.

Alors, forcément, Meurtre au Weaden Palace de Manon Jean, semble un peu fade à côté. Le corps d'Alexandra Reilly, la secrétaire personnelle d'un célèbre homme d'affaires, est découvert dans une décharge. Il n'a rien à y faire, même si en affaires les moyens pour arriver ne sont pas toujours honnêtes. Aussi un binôme, féminin-masculin, de policiers nouvellement créé est chargé de l'enquête, qui sera résolue par Emilia. Ambiance classique dans une enquête classique mais une plume prometteuse qui a été découverte lors d'un concours Plumes Noires au Salon Polar et BD de Bon-Encontre, concours organisé pour de jeunes talents lycéens.

Avec Paul Art, qui ne se nomme pas ainsi mais ce n'est pas le sujet de cette chronique, nous découvrons New-York sous un aspect inhabituel. Celui d'une femme ainsi surnommée à cause de ses jambes immenses comme des gratte-ciels. Elle aurait pu se nommer également Tour Eiffel, mais c'est New-York qui est venu spontanément à l'esprit de ses interlocuteurs. Michel et le narrateur reçoivent la visite de New-York, qui veut leur proposer un petit travail. Ils ont raccroché les gants, officiellement, même si de temps à autre ils visitent des maisons dans la campagne où ils se sont retirés. Ils ont beau protester, rien n'y fait, on ne résiste pas à New-York. Le titre de la nouvelle Le nègre de New-York.

Avec Piet Legay, on lit du lourd. D'abord parce que sa nouvelle Réplique Mortelle est la plus longue du recueil, 67 pages, et qu'il s'érige en vieux briscard de l'écriture, ayant tâté de tous les domaines. Cela débute comme une scène de gentil batifolage, scène perturbée par un homme qui se plaint de sa tête, laquelle vient de s'ouvrir comme une noix de coco. Puis Vlad Slavek qui gémit parce qu'il a soif. Pas sûr que le traitement que lui réservent des inconnus va lui étancher sa déshydratation, avec un bloc de ciment aux pieds. L'agent spécial Muldoon et sa coéquipière l'agent Hoang sont chargés d'enquêter pour un couple qui a cru apercevoir dans la foule leur fils disparu depuis des années, tandis que des promeneurs sont les témoins d'événements étranges. Un éclair se produit et d'un seul coup apparaissent des personnes, trois environ, qui se dispersent rapidement. De petits faits qui bientôt vont trouver leur explication mais n'en disons pas trop.

Mille Milliards de New-Yorks, de Boris Darnaudet, est à la nouvelle fantaisiste ce que la chanson à texte est à la chanson de variété. Un peu comme La mémoire et la mer de Léo Ferré par rapport à La danse des canards. C'est beau, de la prose poétique qui se veut joyeuse mais m'a semblé légèrement opaque.

Tout aussi opaque, mais c'est normal, car je suis plus roman noir, policier, historique que science-fiction, chacun ses thèmes de prédilection, Le jardinier de Central Park de Jean-Pierre Laigle. Dans quelques centaines d'années, voire de milliers, la Terre ne sera plus ce qu'elle est. Une lapalissade peut-être, mais qu'il est bon de prendre en compte. New-York par exemple n'est plus qu'un champ de ruines, les gratte-ciels ressemblent à des chicots, et dans Central Park, le poumon de New-York qui s'est recroquevillé sur lui-même, officie Petr Equart, l'expert agricole en chef de la base. Les survivants vivent dans les sous-sols, et ne peuvent se déplacer que dans des scaphandres, l'air étant raréfié, pollué. Une mission archéologique martienne, dirigée par Jana Klen, arrive à bord d'une navette. Petr Equart montre son domaine à la visiteuse et celle-ci précise sa mission, ou du moins ce qui est supposé être sa mission.

Pour Jean-Pierre Favard, New-York New-York, c'est un rengaine qu'écoute en boucle Fanny, sa copine de lit. D'ailleurs New-York est le centre du monde pour la jeune femme qui n'a que ce mot dans la bouche, la chanson, les livres, l'histoire, les musées, l'origine concernant l'appellation de la Grosse Pomme. Cela a le don d'énerver le narrateur, mais après tout Fanny a le droit de posséder ses centres d'intérêt. Et peu à peu le narrateur est imprégné de New-York comme un drap de plage peut l'être de sable quand il a bien été piétiné.

J'aurai pu vous entretenir de Micky Papoz, de Eris et Sandman, de Laurent Whale, de Barbara Sadoul, de Bruno Poschesi, et de tant d'autres, mais ma chronique aurait été trop longue et puis le plaisir de la découverte aurait été éventé.

Ce recueil vous incite à découvrir les faces cachées d'un New-York tentaculaire, une ville qui ne dort jamais, et un troisième volume est en route car il y a tant à écrire sur cette mégapole. Alors dégustez, dévorez jusqu'au trognon cette Grosse Pomme, mais attention, pas comme des goinfres. Non, en prenant de petites bouchées, en mastiquant bien, en reprenant sa respiration, en laissant le suc s'écouler sur votre langue, en savourant, gardant en bouche parfois quelques morceaux, un petit verre de cidre pour digérer et hop, on reprend un fragment, tout en sachant qu'à chaque fois la saveur est différente.

SOMMAIRE :

DOUNOVETZ Serguei : Bunny

MANON Jean : Meurtre au Weaden Palace

LAIGLE Jean-Pierre : Le jardinier de Central Park

ART Paul : Le Nègre de New-York

WHALE Laurent : 5430 mètres et quelques

SADOUL Barbara : Une bonne fille

LEGAY Piet : Réplique mortelle

BERTIN Jérôme : 343

DARNAUDET Boris : Mille milliards de New-York

ISS Raymond : La poésie des ruines

DESCAMPS Mathis : J'aurai pu

ERIS & SANDMAN : Manhattan Project

FERNANDEZ Fabien : Disparition

LUNE AF : Sidney un soir d'octobre

GUITTARD Arnaud : Las Cloacas de Nueva York

POCHESCI Bruno : Le grand trognon

LORIN Patrick : L'incident Wulf

JOBT Gulzar : La réussite de Kelly Dow

JESSALYN : Elle ne dort jamais

BOULANGER & SCARDIGLI : Zone de turbulences spectrales

LEOURIER Christian : Tr. 225/1 NY

PAPOZ Micky : Besoin d'ailleurs ?

HENRY Leo : Les Femmes-Limites de Terra Prima

FAVARD Jean-Pierre : New-York, New-York

MORIN Philippe : Grand Central Station : Terminus

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