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THOMAS H. COOK |
La Vérité Sur Anna KleinAux éditions POINTSVisitez leur site |
1537Lectures depuisLe jeudi 14 Janvier 2016
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Une lecture de |
– Inédit – Quelques semaines après les attentats du 11-Septembre, rendez-vous est pris à New York entre Paul Crane, agent secret néophyte, et le vieux Thomas Danforth. Ce dernier est né en 1910. Fils d'un homme d'affaires ayant fait fortune dans les importations, Danforth hérita de sa société dès la fin des années 1930. C'était alors un dandy parlant plusieurs langues, voyageant à travers le monde pour son métier, fiancé à une Cecilia qui serait une épouse parfaite. Début 1939, son ami Robert Clayton le contacte pour contribuer à une mission d'espionnage baptisée "le Projet". Danforth est intrigué, mais modérément convaincu. Il s'agit de prêter sa propriété du Connecticut, pour l'entraînement d'une jeune espionne. Il fait la connaissance de cette Anna Klein, plus polyglotte que lui encore. Son allure fragile, son air décidé, et ses origines incertaines fascinent bientôt Thomas Danforth. Un nommé LaRoche, pas Français malgré son nom, initie Anna Klein : “Elle avait appris le morse et comment utiliser et réparer une TSF, avec la même dextérité qu'elle avait maîtrisé le maniement d'une arme à feu et, pour l'heure, elle apprenait à fabriquer une bombe. Il avait remarqué son étonnante capacité à changer d'identité… Mais c'était le don qu'elle avait pour les langues étrangères qui impressionnait le plus Danforth.” C'est l'ancien communiste Ted Bannion qui met en place la mission d'Anna, avec Clayton pour adjoint. Tous deux doivent être sûrs de l'entière fiabilité de la jeune femme. Troublé par le passé brumeux d'Anna, probablement Juive, Thomas Danforth s'est demandé s'il faisait preuve d'antisémitisme. Demandant à “faire partie du Projet”, tandis qu'Anna entre en clandestinité, il va subir l'apprentissage de la torture. Il se montre capable de résister. En mai 1939, Danforth est à Paris, soi-disant pour son métier d'importateur, en compagnie d'Anna. Ils vont tous deux se déplacer vers le camp de Gurs, dont les réfugiés espagnols pourraient servir de renforts. Encore que cela reste flou. Ils font un détour par Londres, où ils retrouvent Clayton. Un de leurs contacts en Allemagne, un certain Rache, annonce que la situation se complexifie, et qu'il faudrait agir vite. Mais Anna reste lucide sur leur rôle : “Nous ne sommes que de petits espions.” Au retour à Paris, le contact français Christophe a été assassiné. Le couple se réfugie un moment à Orléans, ce que leur offre l'occasion d'assister à un meeting d'Eugène Deloncle, chef fasciste. Il est encore temps pour Anna et Danforth d'approcher la cible : Adolf Hitler en personne. Toujours sous le prétexte des affaires, ils entrent en Allemagne et arrivent à Berlin. Ils ne sont pas plus suspectés que d'autres quand ils trouvent le moyen d'être en présence du chancelier nazi. Mais tous les attentats visant le Führer ont été soit déjoués, soit annulés. Et Danforth va perdre de vue Anna, réalisant qu'il serait trop imprudent de rester dans ce pays à l'orée de la guerre. Par la suite, il restera impliqué dans les services secrets. Afin de savoir ce qu'est devenue Anna, se refusant à croire en sa mort sacrificielle. Son autre but, c'est de comprendre pourquoi et par qui cette mission a été faussée… Comme dans “Le crime de Julian Wells” (Éd.Seuil, 2015), Thomas H.Cook se sert d'une affaire d'espionnage pour base du récit. C'est un moyen pour retracer la grande Histoire, autour de la Seconde Guerre Mondiale. “Nous avons des décennies à parcourir, Paul, des continents à traverser. Vastes étendues pour une petite parabole” dit Thomas Danforth à son interlocuteur novice. En alternance, la conversation de 2001 à New York entre eux deux, cède la place aux scènes vécues par le vieil agent secret à partir de 1939. Une expérience que Danforth ne peut qu'associer à “la perte de l'innocence”, face à la cruauté et à la complexité des enjeux d'un conflit mondial. Ce qui a une résonance particulière ici, cet entretien ayant lieu dans le New York post-attentats du 11-Septembre. Certains milieux en sont déjà conscients : l'Europe politico-militaire est en ébullition quand s'achève la guerre d'Espagne. Les Russes temporisent avec le pacte germano-soviétique. Américains et Anglais ne sont pas prêts au combat. La France écoute les populistes. Seule l'Allemagne nazie peut imposer sa force. Comploter contre Hitler alors que la tourmente est inéluctable, en est-il encore temps ? Les sentiments de Danforth le poussent à suivre Anna dans ce défi. Pourtant, s'il tient à "rester avec elle", ce n'est pas du pur romantisme. Les parfums de mystère autour de la frêle jeune femme sont si envoûtants pour lui. Tout est d'une splendide habileté dans un roman de Thomas H.Cook. Même les digressions d'un personnage ont du sens, tel un artiste-peintre rajoutant çà et là une pointe de couleur indispensable. Au centre de l'histoire, il nous présente deux héros, culturellement proches, mais aux parcours infiniment éloignés. Celui de Danforth est classique de la bonne société américaine d'alors, qui se laissait parfois tenter par l'aventure. Le trajet de vie d'Anna Klein s'avère bien plus obscur, avant leur rencontre, et donc aussi ensuite. Courage ou traîtrise de son côté dans cette affaire, possible duplicité féminine ? Pour expliquer cette éventualité, on notera une référence au roman “Le faucon maltais”. Cet inédit, d'une écriture impeccable et d'une grande richesse en péripéties véridiques, ignore les frontières des genres littéraires : un roman de qualité supérieure, tout simplement. |
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