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REED FARREL COLEMAN |
Le Mythe D'isaac BeckerAux éditions OMBRES NOIRESVisitez leur site |
909Lectures depuisLe jeudi 10 Decembre 2015
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Une lecture de |
Rescapé du camp d'extermination nazi d'Auswitch-Birkenau, Jacob Weisen s'arrangea pour devenir Américain. Son interlocutrice Ava Levinsky ne pouvait que favoriser son dossier. Jacob ne faisait-il pas partie de ces héros anonymes qui refusèrent la fatalité ? Son ami Isaac Becker, interné dans le même camp, avait écrit en cachette un ouvrage intitulé “Le livre des spectres”. Une sorte de témoignage sur la vie et la mort à Birkenau. Manuscrit dont s'empara l'officier hitlérien Kleinmann, qui le garda dans son bureau. Isaac Becker et Jacob Weisen prirent de gros risques pour récupérer ce “Livre des spectres” : il fallut tuer Kleinmann. Tandis que Jacob parvenait à faire sortir l'ouvrage du camp, bien empaqueté, Isaac fut mortellement persécuté par les nazis revanchards. Jacob supposa que “Le livre des spectres” avait dû disparaître dans une ferme polonaise non loin d'Auswitch. Mais, une fois obtenue la nationalité américaine, d'abord sous le nom de Jack Wise, puis reprenant son identité, Jacob ne souhaitait qu'une chose : ne plus jamais reparler de cet épisode. Non pas à cause d'une pudeur courante chez les anciens prisonniers des camps de la mort. Plus simplement, parce que cette version héroïque était presque totalement mensongère. Certes, Isaac Becker fut une victime des nazis après avoir éliminé Kleinmann pour retrouver "son livre", objet qui disparut dans la tourmente de la fin de la guerre. Mais Jacob n'était nullement l'ami d'Isaac Becker et n'a pas participé à la scène, telle qu'il la décrivit pour convaincre Ava Levinsky. Quelques années plus tard, à New York, il retrouva par hasard la jeune femme, qui devint bientôt son épouse. Les autorités juives ayant la culture de la mémoire, Jacob fut obligé de renouveler publiquement son témoignage sur l'affaire du “Livre des spectres”. Ce qui eut un certain impact international, quand des médias relayèrent sa version. Toute sa vie, jusqu'en 2011, Jacob porta ce fardeau du mensonge. Pourtant, dès 1952, d'autres gens suivirent le parcours du fameux livre-fantôme. Même si les noms de Bronka Kaczmarek, Daniel Epstein, Max Baumarten, Ernst Flech, n'évoquaient rien pour Jacob. Si on retrouvait l'objet, il était décidé à répondre qu'il s'agissait d'un faux, bien imité, mais que ce n'était pas le livre qu'il avait empaqueté, qui causa la mort d'Isaac Becker… Il est bon de préciser que le résumé qui précède ne dévoile rien d'autre que ce qui est très tôt expliqué autour de Jacob Weisen. Un personnage dont la vie d'après-guerre est basée sur une version fausse. Dans l'interview qui conclut cette novella, Reed Farrel Coleman le voit comme “un être pragmatique qui est piégé dans la toile de ses propres mensonges”. Éprouver ou pas de l'empathie pour cet homme, n'est pas forcément ce qui vient à l'esprit du lecteur. Car, dans cette collection de l'éditeur Otto Penzler, c'est toujours “le livre” qui est au centre des romans courts proposés. Avec une belle habileté, l'auteur fait en sorte que le récit n'apparaisse pas linéaire. Il nous invite à voyager géographiquement et dans le temps. Il n'est jamais inutile de souligner les atrocités d'Auswitch-Birkenau. On peut considérer que Reed Farrel Coleman y ajoute la notion de destin, l'existence de certains ayant un "arrière-plan" plus négatif, plus sombre qu'ils ne le montrent. Si, par définition, une novella n'est pas un texte long, ça peut offrir une intensité non négligeable. Ce que démontre “Le mythe d'Isaac Becker”. |