|
|
JOY CASTRO |
Après Le DélugeAux éditions SERIE NOIREVisitez leur site |
910Lectures depuisLe jeudi 20 Novembre 2014
|
Une lecture de |
La Nouvelle Orléans, au printemps 2008, trois ans après le désastre causé par l'ouragan Katrina. Âgée de vingt-sept ans, la brune Nola Céspedes est aujourd'hui journaliste pour le Times-Picayune, après ses études à l'université Tulane. Fille d'une réfugiée cubaine qui l'a élevée sans père, Nola est issue d'un quartier populaire détruit depuis. Encore peu aisée, elle circule dans sa vieille Pontiac Sunfire, et habite en colocation avec Uri, un serveur gay. Côté sexe, Nola privilégie les rencontres “one shot”. Elle compte plusieurs copines, noires ou hispaniques, plus fortunées qu'elle. Outre Fabi et Soline, commerçante avisée, Nola est assez proche de Calinda. C'est une des rares Noires employées au bureau du procureur. Un contact utile pour obtenir des dossiers, en vue de l'article que Nola va devoir traiter. À l'heure où l'étudiante Amber Waybridge vient de disparaître à l'hôtel Copper Pot, Nola se voit proposer par son rédacteur en chef une enquête sur les pédophiles et violeurs qui ont profité du désordre de Katrina pour s'évaporer. Alors que la loi de Megan les obligerait à se signaler aux autorités. Un bon sujet pour sortir de la rubrique Loisirs du journal. Mais, par définition, ces clandestins n'ont pas intérêt à se faire connaître. Après une visite à un psy spécialisé dans les délinquants sexuels, une visite à la prison d'Orleans Parish lui donne une première approche de la question. Mike Veltri, un ex-condamné, accepte néanmoins de témoigner. Dans cette ville où tout le monde est armé, Nola s'est munie d'un Beretta, sécurisant pour une jeune femme devant rencontrer des pervers sexuels avérés. Ancien directeur adjoint d'école habitant le typique Vieux Carré de La Nouvelle Orléans, Blake Larusse est prêt à parler de son passé, lui aussi. Il y aura un autre témoin anonyme, un brin narcissique, fier de vivre maintenant non déclaré, en marge du système. Javante Hopkins a certainement gardé des instincts sadiques, et ne paraît pas à Nola d'une grande sincérité. Outre ces adresses obtenues grâce à Calinda, la journaliste interroge quelques femmes sensibilisées. Bourgeoises de Garden District sévères avec ces délinquants qui seraient une menace pour leurs enfants, ou habitantes de quartiers modestes fatalistes par nature, ça complète le sujet à traiter. Quant à l'affaire Amber Waybridge, la police ne semble pas très active pour la résoudre. On finit par retrouver son cadavre mutilé. En parallèle, Nola continue à rendre chaque dimanche visite à sa mère, encore paumée bien qu'elle ait un job et un logement. Une fois par semaine, une petite fête réunit Nola et ses copines. Calinda est au courant, mais les deux autres ignorent son enquête en cours. Si la jeune femme refuse d'être complaisante dans un article sur une “plantation”, domaine touristique qui oublie d'honorer la mémoire des esclaves noirs, Nora redécouvre sa ville. Si fascinante malgré tous ses défauts. Toutefois l'ombre du prédateur plane toujours. Avant qu'il fasse une autre victime, sosie d'Amber Waybridge, Nola va tenter d'agir… À travers le regard d'une native de La Nouvelle Orléans, l'auteur dresse un portrait nuancé de l'évolution de cette ville particulière. Depuis l'installation des Français il y a plus de trois siècles, son histoire est d'une richesse infinie. Du Couvent des Ursulines au Vieux Carré du Quartier Français, on nous rappelle çà et là quelques aspects du passé. Avec Nola, nous visitons aussi bien les rues animées de Charles Street ou Royal Street, les parcs tel celui dédié à l'ornithologue Audubon, que les endroits moins brillants de l'agglomération. Sans doute a-t-on relogé une partie de la population dans des “shotgun shacks”, ces bungalows longs qui font proprets, mais la discrimination n'est pas éteinte ici. Les Noirs restent peu souhaité dans le décor urbain vivant pour l'essentiel du tourisme. À l'inverse, quand il s'agit de crimes sexuels, ils sont les tout premiers désignés. Pourtant, dans les fichiers de police, toutes les races sont représentées à peu près à égalité. “Dans plusieurs États, plus d'une centaine de délits différents, dont le recours aux service d'une prostituée, peuvent valoir à leur auteur la triste qualification de «délinquant sexuel» ; en Louisiane, ils incluent les «crimes contre nature» qui vont du sexe oral à la zoophilie et à la nécrophilie. Autant dire que très peu de ces «criminels» constituent une menace pour la société mais, depuis l'instauration de la loi de Megan, ils sont tous mis dans le même sac.” Joy Castro relativise avec raison cette stigmatisation censée rassurer les voisinages. Sans être dupe, non plus, des pervers qui se prétendent (faussement) guéris après la prison. Derrière ses attraits festifs, la ville est menaçante, voire dangereuse, et la possession d'armes par les civils n'arrange rien. Le côté polar ou roman noir sont bien présents dans cette histoire, bien sûr. Néanmoins, ce qui en fait l'intérêt majeur, c'est ce qui concerne la sociologie. Y compris via la psychologie de la journaliste Nola, entre attirance et répulsion. Si elle fréquente des copines riches, dont Fabi Torres d'une famille mexicaine fortunée, elle a vécu le sort des hispaniques pauvres dans la ville en Noirs et Blancs. Au-delà d'une intrigue policière convaincante, voilà un suspense plein de qualités. |