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CHLOE CHAMOUTON |
Femmes D'exception En BretagneAux éditions LE PAPILLON ROUGE EDITEUR |
449Lectures depuisLe samedi 23 Novembre 2013
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Une lecture de |
La femme d'exception n'est pas une exception... Connues ou méconnues, ces femmes que nous présente Chloé Chamouton méritaient bien que l'auteur leur consacrât quelques pages, à part une peut-être qui ne me semble pas à sa place ici. Mais foin de toute polémique, feuilletons cet ouvrage et découvrons celles qui d'une façon ou d'une autre force notre respect, quel que soit le domaine dans lequel elles se sont illustrées, aussi bien dans le monde des arts, de la science, de l'engagement humanitaire ou politique, de la religion, du patrimoine... au travers des siècles. Autant se débarrasser tout de suite, de celle qui à mon sens n'a pas vraiment sa place dans ce recueil, c'est à dire Madame de Sévigné. Elle qui a usé de nombreuses plumes d'oie (pauvres bêtes !) pour écrire ses lettres à sa fille mais à d'autres personnes comme son cousin Coulonges. D'ailleurs je me suis perdu un peu dans la datation et la chronologie, mais ce n'est qu'un détail. En effet la brave marquise dans ses épîtres se moquait ouvertement des pauvres Bretons en les regardant du haut de son château de Vitré : faner est la plus jolie chose au monde, c'est retourner le foin en batifolant dans une prairie. Et pour rester dans l'actualité, en 1675 elle s'insurge contre les Bonnets rouges qui se révoltent contre la hausse des taxes du papier timbré (Comme quoi le pouvoir est toujours timbré) en écrivant On dit qu'il y a cinq ou six cents bonnets rouges en Basse-Bretagne qui auraient bien besoin d'être pendus pour leur apprendre à parler. Un peu plus loin : Dès qu'ils voient les soldats, ils se jettent à genoux et disent mea culpa, c'est le seul mot de français qu'ils sachent. Moi, j'en connais d'autres en français comme errare humanum est, par exemple, grosso modo. Attachons plutôt à découvrir ou redécouvrir quelques figures plus sympathiques, même si au premier abord elles ne sont guère reluisantes. Ainsi Marion du Faouët née dans une famille de miséreux, qui travaillent comme journaliers ou colporteurs selon les saisons. A l'âge de dix ans elle perd son père. Elle entame sa "profession" de voleuse à dix-huit ans. Tandis que sa mère s'installe sous les arbres ou au porche d'une chapelle pour vendre ses babioles, Marion en profite pour dévaliser les étals bien approvisionnés ou délester le bourgeois d'une bourse trop encombrante pour lui. Et peu à peu elle attire autour d'elle une quarantaine de malandrins devenant à vingt-trois ans chef de bande. Mais de ses rapines elle en redistribue une partie aux miséreux, ce qui n'empêchera pas la populace de la huer lors de ses arrestations. Elle fut considérée comme une Robin des bois en jupon, ce qui attire toujours la sympathie. Si certaines personnes trouvent que les femmes ont la langue bien pendue, pour Marie-Victoire de Lambilly cette facilité d'élocution fut bénéfique pour son entourage. Née à Rennes en 1767, Marie Victoire épouse un gentilhomme de la région, Jean-Baptiste de la Villirouët qui a treize ans de plus qu'elle. Dans sa jeunesse elle fut une jeune fille impétueuse, franche, déterminée. Fidèle, aimante, elle éprouve une admiration sans borne pour son mari. Or la Révolution passe par là mais tous deux sont profondément chrétiens et royalistes. Jean-Baptiste part pour Jersey rejoindre l'Armée des Princes. Comme elle est l'épouse d'un insurgé elle est placée en prison dans un ancien couvent. Elle nie toute activité politique mais ses accusateurs n'en ont cure. Elle pense à ses enfants aussi elle écrit de longues lettres, touchantes, émouvantes, choisissant ses mots avec soin, et les administrateurs du district lui permettent de recevoir ses enfants durant la journée. Ce n'est qu'une première étape, et ses facultés naturelles d'avocate, profession qui alors n'était pas exercée par une femme, lui permirent d'autres soulagements et obtenir des libertés pour son entourage et les siens. Anita Conti, dont vous avez peut-être lu le nom au fronton d'établissements publics, écoles par exemple, était une personne qui n'avait pas peur de se jeter à l'eau. D'ailleurs, c'est ce que fait son père en la balançant à la mer, alors qu'elle n'a qu'un an, à trente mètres du rivage, histoire de lui apprendre à se débrouiller. Ce contact avec l'eau salée lui donnera le goût de la faune marine en particulier et de la biologie marine en général, et elle deviendra la première femme océanographe, établissant des cartes marines des lieux de pêche, cartes qui n'existaient pas. Pourtant ce n'est pas si vieux que ça, puisqu'elle a vécu de 1899 jusqu'en 1998. Elle fréquentera de nombreux écrivains ou hommes politiques dont Jean Giraudoux, Edgar Faure ou encore Pierre Mac Orlan qui la baptisera Celle-qui-écoute-parler-les-livres. Mais la mer ne sera pas sa seule occupation. Puisque j'ai écrit le mot occupation, penchons-nous sur le cas de Jeanne Bohec surnommée la plastiqueuse à bicyclette. Née à Plestin les grèves, sympathique commune des Côtes d'Armor, Jeanne Bohec rêve de devenir capitaine, d'un navire qui bourlinguerait sur toutes les mers. Mais elle poursuit des études scientifiques et devient aide-chimiste. Le 18 juin 1940 elle part de Brest pour rejoindre l'Angleterre sans avoir entendu l'appel en provenance de Londres. Elle a du mal à se faire accepter comme combattante, elle ne mesure que 1,49 m, mais elle est persévérante et revenue en France, grâce à ses talents de chimiste, elle fabrique des bombes avec des produits qu'elle parvient à trouver dans les commerces. Elle se déplace à bicyclette, ce qui est plus pacifique aux yeux des occupants, étant même prise en stop sur les camions allemands, la soldatesque prenant en pitié cette jeune femme. Revenons à la mer, puisque l'eau est un élément majeur de la Bretagne, et à une femme, non moins courageuse que celles déjà présentées, mais dont les exploits sont tombés dans les oubliettes de la mémoire collective, en dehors de la Bretagne, mais que les Ouessantins n'ont pas oubliés. Le 2 novembre 1903, Rose Héré qui a alors bientôt quarante-quatre ans, sans instruction et ayant toujours travaillé comme domestique sur l'île, va, parce qu'elle s'est réveillée plus tôt que d'habitude, peut-être à cause d'un pressentiment, sauver la vie de quatorze marins dérivant à bord d'un canot. Le Vesper, un cargo transportant du vin et des bougies à destination de Rouen, s'est fracassé contre les nombreux rochers et écueils qui entourent l'île de Ouessant. N'écoutant que son courage elle va se lancer à l'eau, accrochée toutefois à un filin que les marins lui ont lancé et qu'elle fixe au rivage. Car Rose Héré ne sait pas nager! Le destin de Jeanne de Belleville sera également lié à la navigation, parce que son mari Olivier de Clisson a apporté son soutien à Jean de Montfort en intelligence avec les Anglais contre Charles de Blois, neveu de Philippe VI de Valois au début de la guerre de Cent ans. Outre la manière usée par le roi de France pour attirer Olivier dans un piège, un prétendu tournoi, ce sont les suites réservées à son corps qui enflamment la belle Jeanne de Belleville. Elle deviendra pirate (et non corsaire comme je l'ai lu à plusieurs reprises dans le texte) animée par une soif de revanche bien légitime. Il ne faut pas mépriser une femme amoureuse ! Ces femmes décrites dans ce livre ne sont pas toutes des aventurières ou rebelles, elles sont aussi courageuses, ou encore se sont fait connaitre par leur façon de vivre. Ainsi Marie Dorval qui deviendra une tragédienne donnant la réplique à Frédérick Lemaître, devenant la maîtresse d'Alexandre Dumas puis d'Alfred de Vigny, devenant sa muse et son inspiratrice, se liant d'amitié avec George Sand. On ne peut passer sous silence Céleste de Chateaubriand, l'épouse du célèbre vicomte; Juliette Drouet le grand amour de Victor Hugo; Liane de Pougy célèbre courtisane élevée sous la férule d'une éducation religieuse dans un couvent de Sainte-Anne d'Auray dans le Morbihan et qui finira ses jours comme novice dans une congrégation religieuse; Joséphine Pencalet, qui mena la révolte des sardinières pressurées dans les usines de conserve à Douarnenez ou encore Marie-Angélique Duchemin première femme française à se voir décerner la Légion d'honneur. En tout vingt portraits de figures exemplaires bretonne, même si certaines ont dérogé à la morale, qui nous sont proposés dans un ouvrage dont chaque chapitre est précédé d'une photographie plus ou moins ancienne. Malgré les petites réserves émises quant à certaines erreurs dans les datations ou l'emploi peu approprié de certains mots, je conseille cet ouvrage à tous ceux, Bretons ou non, qui apprécient les hommages, mérités, apportés aux femmes, à la Femme et qui s'intéressent aux exploits, retentissants ou non. |