Un long moment de silencePaul ColizeEditions la Manufacture 2013Quelle peut être la vie d’un petit garçon, que son premier souvenir obsède ? 1954. Sa mère, la main accrochée à un téléphone, s’effondre en apprenant la mort de son époux. Une vie placée sous le signe de l’attentat aveugle qui a fait dix-sept morts en Egypte. Les terroristes, aussitôt abattus par la police, n’ont rien révélé de leurs motivations.Qui était ce père ? Que faisait-il en Egypte ? N’est-il que la victime d’un hasard qui l’aurait mis là au mauvais endroit, au mauvais moment ? Ou bien… ? C’est le « Ou bien » qui obsède.Stan, à l’âge adulte, voudrait répondre à ces questions pour mieux les oublier. Pour oublier peut-être aussi qu’il vit seul comme un rat mort et que son cynisme l’isole plus qu’il ne le protège des autres et du monde. Chef d’entreprise, autoritaire, cassant, sans aucune illusion sur personne, il use des femmes comme d’autres le font de l’aspirine. Elles ne servent qu’à assouvir une pulsion dont l’amour est absent, la considération et la tendresse tout autant.C’est un long chemin que va prendre Stan. Une longue enquête qui va remonter le temps jusqu’à la seconde guerre mondiale, quand les familles étaient dispersées ou brisées dans des mouvements de population fuyant et refluant, cherchant à échapper aux combats.C’est un long chemin qui remonte aussi le courant de l’histoire du peuple juif et des chasseurs de nazis à la façon Wiesenthal.C’est enfin un long chemin au cœur de sa propre famille et de son éternel sentiment d’abandon.Le cynisme hargneux de Stan est un des ressorts puissants du roman, et l’on peut soupçonner Colize de se délecter au portrait de cet enquêteur atypique qui fouille un présent récalcitrant toujours prompt à protéger un passé encore douloureux.Usant de l’enquête comme d’une plaque révélatrice des secrets d’autrefois et de leurs effets contemporains, Paul Colize bâtit un thriller historique, dont l’humanité et la sensibilité ne se révèlent que peu à peu, page après page, pour s’achever sur une conclusion stupéfiante.La construction très travaillée, en aller-retour entre les époques concernées, donne au lecteur tous les fragments d’un puzzle qu’il lui faut recomposer. C’est tout le talent de l’auteur de ménager une conclusion imprévue.Ne surtout pas lire la « note au lecteur » figurant en fin de livre avant d’en avoir achevé la lecture, mais ne pas l’omettre : elle plante une dernière banderille qui rappelle encore une fois que le roman noir est le meilleur miroir possible de notre époque.
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