|
|
MASSIMO CARLOTTO |
À La Fin D’un Jour EnnuyeuxAux éditions METAILIEVisitez leur site |
2572Lectures depuisLe jeudi 22 Fevrier 2013
|
Une lecture de |
Pour Giorgio Pellegrini, son club restaurant La Nena symbolise sa parfaite réussite sociale. C’est le rendez-vous de tous ceux qui possèdent un poids économique et politique en Vénétie, dans le Nord-Est de l’Italie. Giorgio Pellegrini sait ce qu’il doit au député et avocat Sante Brianese. Il l’a protégé pour faire oublier son passé d’activiste d’ultra-gauche, et ses quelques errements criminels. Avec le député et avocat, Giorgio possède un réseau d’escort girls, dirigé par Nicoletta. Le meilleur moyen de corrompre l’essentiel des décideurs de la région. Certes, le parti de Brianese est de moins en moins majoritaire face aux padanos, mais il sait toujours tirer son épingle du jeu. La solution pour ne jamais avoir de problèmes avec les prostituées, c’est de les remplacer souvent. Cholokhov, l’ami Russe de Giorgio, y pourvoit sans problème. Restant dans l’ombre, le Russe est un atout précieux pour Giorgio. S’il se montre cynique avec ses employées putes, il ne l’est guère moins avec son épouse Martina. Elle n’est pour lui qu’un jouet, pas uniquement sexuel, dont il manipule à sa guise l’emploi du temps. Son besoin de domination s’exerce également sur Gemma, la meilleure amie de Martina. Non pas qu’elle lui soit utile comme objet de sexe supplémentaire, mais le fait de dominer et de pervertir les deux femmes apporte un équilibre à Giorgio. D’autant plus en cas de crise, c’est sur elles qu’il passe sa tension. Justement, il vient de s’apercevoir que l’avocat Brianese l’a grugé de deux millions. Le politicien prétend que tel est le risque des affaires, et promet en faire récupérer autant à Giorgio. Ce dernier se renseigne auprès d’un ami, client et imprimeur. Non, son ami député l’a bien arnaqué, dans les grandes largeurs. Pas question d’une rupture brutale avec Brianese, mais il va réagir avec violence. Une mise au point entre Giorgio et le politicien devrait établir de nouvelles bases saines entre eux. Pourtant, le système ne fonctionne plus correctement. Nicoletta avoue à Giorgio qu’il est actuellement doublé par tous ses anciens amis, proches du député. Sans doute est-ce Ylenia, l’assistante de Brianese, qui gère l’opération contre Giorgio. Si le point faible c’est le réseau de prostitution, autant le fourguer aux Maltais. Heureusement, il peut toujours compter sur l’ami russe Cholokhov. Le revers électoral subi par le député entraîne quelques soucis financiers pour le restaurant de Giorgio. C’est alors que l’avocat le fait placer sous la domination de la ’ndrangheta, la mafia calabraise. Un trio de comptables venus blanchir le fric mal acquis chez lui, ça ne peut qu’attirer les embrouilles. Giorgio entend rester propre, en apparence, tout en écartant ces malfaisants… “J’étais né pour baiser mon prochain, et ça me plaisait salement. Ça me donnait le sentiment d’être vivant. J’avais la nette sensation d’avoir absorbé l’énergie vitale de ceux que j’avais éliminé, mais peut-être était-ce seulement l’euphorie du vainqueur ou de celui qui est revenu chez lui sain et sauf, et qui n’y croit pas encore…” Ce roman affiche une noirceur redoutable. À la fois fascinant et répugnant, tels sont les qualificatifs qui viennent à l’esprit. Les jeux de pouvoir n’ont jamais été autre chose qu’un panier de crabes, on le sait. On a ici le sentiment d’approcher le summum du cynisme et du narcissisme, dans un “chassé-croisé de l’entubage”. Chacun préserve cette once de puissance, qui lui permet d’afficher son statut social supérieur (ou supposé tel). Au besoin, on n’hésite pas à tuer des gens, à en mouiller d’autres, tous les coups étant évidemment permis. À vrai dire, le pire est cette impression que Massimo Carlotto n’exagère pas tant, qu’il nous montre crûment cette facette bien réelle de l’Italie (et probablement de l’Europe). Un système définitivement pourri, alors ? C’est bien ce que l’on craint, en concluant la lecture de ce noir polar. Pessimiste, mais excellent.
( Alla fine di un giorno noioso – 2011. Traduit par Serge Quadruppani A salopard, salopard et demi. Car on ne roule pas comme ça dans la farine, Giorgio Pellegrini. Ce n’est pas une pâte à pizza, qu’on manipule en un tour de main. Il est un peu niais, un peu long à la détente, sauf lorsqu’il lui faut utiliser une arme à feu, mais lorsqu’il s’aperçoit qu’il est le dindon de la farce, il concocte un plan qui risque de faire des dégâts, beaucoup de dégâts. Si Georgio a pignon sur rue, possédant un restaurant fréquenté par les plus hautes personnalités et spécimens en vue de cette ville de Vénétie, il possède un lourd passé de truand et d’ancien combattant de l’extrême-gauche durant les années soixante-dix. Mais il s’est refait une virginité grâce à son « ami » l’avocat et député Brianese. D’ailleurs, la période électorale pour le renouvellement du parlement est bien lancée. Brianese reçoit ses supporters dans le petit salon qui lui est réservé en permanence. Giorgio met à sa disposition des jeunes femmes afin que les soirées se passent agréablement. Car outre le restaurant, Georgio est titulaire d’un petit cheptel de quatre prostituées que lui fournit un Russe. Des étrangères, plus sûres, capables de garder un secret et qui ne s’épanchent pas dans les médias, évitant par la même de causer du tort à leurs clients. Il les garde durant six mois environ puis il les revend à des Maltais, en empochant au passage un joli bénéfice. Ce qu’elles deviennent après, ce n’est pas son problème, même s’il sait qu’elles ne seront pas à la noce dans l’usine d’abattage qui leur est promise. Il a pour partenaire et associée Nicoletta, qui aurait garde de le faire chanter. Brianese espère bien être réélu, ainsi que son parti, dont le premier ministre est ami avec Poutine. Une référence. Aussi il fait tout pour s’assurer des voix indispensables. Dans le salon privé il organise des réunions auprès d’industriels qui ne pensent qu’à grossir leurs bas de laine. Et tout est bon pour fructifier leur capital : les rejets d’une décharge déversés en mer pour économiser sur les coûts de gestion, des pots-de-vin pour truquer les données des services sanitaires sur les tumeurs provoquées par un incinérateur, d’autres pour convaincre des grands pontes de l’université de soutenir le nucléaire et le charbon, des prothèses défectueuses mais à bon prix, qu’il serait un jour nécessaire de remplacer mais deux interventions chirurgicales coûtent plus cher qu’une seule, des études truquées pour construire deux tronçons d’autoroute absolument inutiles… Mais je vous rassure, nous sommes dans une œuvre de fiction. Georgio a confié deux millions d’euros à Brionese pour qu’il les fasse fructifier dans un investissement situé à Dubaï. Hélas, il apprend par une de ses connaissances que ceci n’est qu’une vaste fumisterie, et qu’il s’est fait gruger. Alors il réclame son dû mais Brionese refuse. C’est le début de la mésentente entre les deux hommes. D’autant que Brionese lorgne du côté du restaurant de Georgio et qu’il se l’accapare, imposant des séides de la Mafia, la ’ndrangheta. Commence alors un bras de fer entre les deux hommes, mais Georgio ne veut pas se découvrir et préfère passer en douceur. Quelques cadavres vont s’échelonner dans le temps, et par la bande, comme au billard. Le livre terminé, non pas forcément à la fin d’un jour ennuyeux, je suis resté dubitatif. Le personnage de Giorgio est franchement détestable, mais il est élevé à la stature d’un héros, tout comme Fantômas en son temps. Dominateur, cynique, il manipule les femmes, les rendant esclaves. C’est ainsi qu’il séduit Gemma, la meilleure amie de sa femme, la prévenant toutefois : Tu n’es qu’un passe-temps, Gemma, Martina est et sera l’unique femme de ma vie. Provocation à laquelle Gemma rétorque : Passe-temps, jouet, poupée, amusement, distraction… Je suis ce que tu veux, Roi de Cœur, il suffit que tu te serves de moi. Lorsqu’il rentre chez lui et qu’il veut réfléchir, il ordonne à sa femme de faire du vélo d’appartement, comme ceux utilisés par les coureurs lors de leurs entrainements. C’est quelqu’un de bien Georgio, il pense à la forme physique de sa femme ! De plus Georgio n’apprécie pas les Noirs. Son ami le Russe lui a trouvé quelqu’un pour l’aider momentanément dans un travail délicat. Lorsqu’il voit un individu s’engouffrer dans sa voiture à l’injonction du Russe, il s’insurge : Mais c’est un nègre ! De toute façon, une fois le petit travail effectué, il s’en débarrassera. Alors il vaut mieux ne pas avoir d’état d’âme. Je ne comprends vraiment pas l’engouement de certains envers ce genre de personnage malsain, alors qu’ils se proclament dans le même temps antiraciste, anti-machiste, vertueux en quelque sorte. Mais après tout, ce n’est qu’une fiction n’est-ce pas ? Mais après tout, ce n’est qu’une fiction n’est-ce pas ? Si cela existait, si la réalité forgeait la fiction, cela se saurait n'est-ce pas? |
Autres titres de |