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ANDREA CAMILLERI |
L’âge Du DouteAux éditions FLEUVE NOIRVisitez leur site |
2972Lectures depuisLe vendredi 19 Janvier 2013
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Une lecture de |
À Vigàta, le yacht Vanna ramène au port un cadavre récupéré dans un canot à la dérive. C’est bien un meurtre : le Dr Pasquano, légiste, détermine que l’homme a été empoisonné, avant d’être défiguré. Il ne semblait pas être un marin. Le canot étant neuf, ça n’aide guère les experts de la police. Par contre, son trajet peut indiquer qu’il s’éloignait du port, y revenant à cause de la forte houle. Propriétaire du yacht Vanna, la presque quinquagénaire Livia Giovannini ne cache pas son agacement de devoir prolonger son escale à Vigàta. Cette riche veuve navigue avec équipage à longueur d’année, autour de la Méditerranée, jusqu’au sud de l’Afrique. C’est un peu le cas aussi du yacht voisin d’amarrage, l’As de Cœur. Le mort est bientôt identifié, un Français venant de s’installer dans un hôtel local. Cette affaire-là, elle ne concernerait pas tellement Salvo Montalbano. Sauf que le matin même, sous une météo épouvantable, il a rencontré une jeune femme prénommée Vanna. La petiote prétendit être la nièce de Mme Giovannini. Vite, il comprit que c’était un mensonge. “[Elle] devait se bidonner intérieurement devant ce commissaire qu’elle manœuvrait comme une marionnette ! Mais pour quelle raison lui avait-elle raconté cette montagne de carabistouilles ? Un motif, elle devait bien en avoir un, mais lequel ?” S’il y a un marin qui s’appelle comme elle Digiulio sur le yacht, ça ne prouve rien du tout. Quand Salvo Montalbano fait la connaissance de la ravissante lieutenant Laura Belladonna, un officier du port, c’est le coup de foudre immédiat. Pourtant, leur relation sera assez trouble, car Salvo est quelque peu maladroit, et Laura parait ne pas vouloir s’engager. C’est Fazio, l’adjoint de Montalbano, qui (au risque de se faire cogner) surveille l’équipage du Vanna, remarquant le cas d’Ahmed Chaikri. L’identité du Français, Salvo la découvre, et il réalise finalement d’où vient ce faux nom. Sûrement pas un type honnête, ce grand voyageur venu échouer là. Il y a bientôt une nouvelle victime, pas morte de façon si accidentelle qu’on veut le faire croire. Il faudrait s’infiltrer à bord du Vanna pour tenter d’en apprendre davantage. Une mission qui conviendra à Mimì Augello, collègue et ami de Montalbano, séducteur notoire. Le commissaire sent bien que le Questeur n’est pas à l’aise avec cette affaire, l’en déchargeant avant de la lui redonner. Tandis que Salvo s’interroge toujours sur sa relation avec Laura Belladonna, le retour de l’énigmatique petiote Vanna pourrait accélérer le dénouement de l’enquête… Ne boudons pas notre plaisir, car c’en est un de retrouver périodiquement le petit monde de Montalbano, notre policier sicilien préféré. Dans cet épisode, Fazio n‘a rien perdu de son professionnalisme, Augello se plait à charmer une navigatrice mature, Catarella est toujours aussi approximatif, et le caractériel Dr Pasquano s’avère plus coopératif que souvent. En privé, Salvo est confronté à une subtile relation amoureuse bien incertaine, suscitant malgré tout une jalousie possessive. Humour et sentiments, évocation également des migrants espérant débarquer en Sicile, et même une vraie-fausse menace mafieuse. Néanmoins, Andrea Camilleri n’en oublie pas une intrigue polar diablement passionnante, un vrai suspense. Si à cinquante-huit ans Salvo est encore athlétique, il reste un grand gourmand, chez lui comme au restaurant d’Enzo : “Il acommença par les hors d’œuvres de la mer. Comme le fretin frit était vraiment croquant, il s’en fit porter une petite assiette supplémentaire à part. Il continua par un robuste plat de spaghetti au noir de seiche. Et termina par une double portion de rouget et de marbré. Quand il sortit, il convint de la nécessité absolue d’une promenade nocturne jusque sous le phare…” Nous aussi, c’est en nous délectant que nous dévorons à chaque fois les enquêtes de Montalbano. Et celle-ci est aussi savoureuse que les précédentes.
Moi je ne doute pas de mon âge. Quoique parfois, j’ai l’impression d’avoir trente ou quarante ans de moins. Dans quelles circonstances, vous me permettrez de ne pas le préciser. La journée commence mal pour le commissaire Montalbano. D’abord il a rêvé qu’il était mort et qu’il assistait aux préparatifs de son enterrement. Ensuite, alors qu’il se rend à son bureau à Vigata, son véhicule est immobilisé, coincé entre deux autres voitures. Il tombe des trombes d’eau et se rendant aux renseignements il rend compte que la voie a cédé sous les caprices météorologiques. La chaussée est coupée par un mini précipice. Le véhicule de tête est sur le point de plonger dans le creux et il aide la conductrice à se dépatouiller. Vanna Digiulio, la jeune personne en question, est âgée d’à peine trente ans. Ses lunettes en cul de bouteille lui donnent l’air d’un scaphandrier perdu dans un bathyscaphe. Pas vraiment jolie, mais comme elle semble en perdition, Montalbano la prend sous son aile tutélaire. Il l’emmène chez lui afin qu’elle puisse enfiler des vêtements secs, Livia, l’éternelle fiancée de Montalbano habitant sur le continent, disposant d’une garde-robe de rechange. Vanna, qui dit résider à Palerme, se rendait au port, ayant appris que sa tante qui voyage à longueur d’années à bord d’un bateau doit y faire escale.
Petit exercice de style afin que le lecteur entre dans l’univers linguistique de Montalbano par Camilleri interposé. Il areçoit ‘n appel tiliphonique de l’acapitainerie annonçant que l’Havanna vient de signaler qu’il entre au port avec un naufragé à son bord. Enfin, pas lui pirsonnellement en pirsonne mais l’un de ses adjoints qui a une forte propension à déformer les noms propres. Le Vanna a donc arepêché un cadavre gisant dans ‘n canot.
Fin de la récréation, et reprenons notre présentation. Madame Giovannini, propriétaire du yacht le Vanna, est tout étonnée lorsque Montalbano lui parle de sa nièce. Le commandant Sperli itou, mais ils prennent avec philosophie l’annonce. Le cadavre n’est pas mort noyé et l’assassin, ou les assassins, l’ont défiguré avant de le placer dans un canot. Un autre yacht entre dans le port, L’As de cœur, qui s’amarre bord à bord au Vanna. Intrigué par cette histoire de nièce, Montalbano téléphone au numéro indiqué sur l’annuaire et est tout étonné d’apprendre que la dame en question femme est décédée depuis des années. Le cadavre devait bien demeurer sur l’île, pense-t-il, du moins depuis un certain moment. Et c’est ainsi que le propriétaire d’un hôtel luxueux lui apprend qu’en effet il y avait bien un pensionnaire qui n’a pas donné signe de vie depuis quelques jours. Une ébauche de piste surtout lorsqu’il met la main sur un passeport au nom de Lannec, passeport qui après un examen attentif semble un vrai faux papier d’identité. Au-delà de l’intrigue, de facture somme toute classique et qui nous change un peu de la production policière actuelle, c’est le rôle dévolu à Salvo Montalbano dans cette histoire qui retient l’attention du lecteur. Osons l’écrire, ce sont les à-côtés qui donnent une dimension humaine à cette fiction, avec les bons moments, l’humour efficace, mais aussi les affaires de cœur dans lesquels il se trouve plongé ou encore la dramaturgie élaborée par l’auteur. Il est attiré par Laura, lieutenant à la capitainerie, un sentiment réciproque, mais combattu par l’un et l’autre. Les petites tracasseries administratives auxquelles Montalbano est confronté et avec lesquelles il se dépatouille tant bien que mal tiennent aussi une place non négligeable. Sous l’impulsion de la pluie qui s’infiltre dans son bureau, ses dossiers sont trempés, bons à jeter à la corbeille. Et comme tout n’est pas mouillé, il en humidifie le reste afin d’en être débarrassé. Ce qui l’oblige à trouver des échappatoires lorsque le questeur lui demande de les reconstituer. Ou encore lorsque celui-ci, qui est persuadé à tort que Montalbano est marié et possède des enfants, lui demande des nouvelles de sa progéniture. Il joue avec cette méprise, quitte à inventer des imbroglios, des tragédies familiales. Enfin Montalbano est un grand lecteur, surtout de Simenon, et c’est en se souvenant d’une de ses lectures, Les Pitards, qu’il met le doigt sur le défaut de la cuirasse. Serge Quadruppani traduit depuis de longues années les romans de Camilleri, respectant autant qu’il peut l’écrit dans la forme et le fond. Certains lecteurs sont agacés par cette démarche, personnellement je trouve cette langue savoureuse. J’ai essayé d’en pasticher un petit paragraphe, mais cela ne reflète que grossièrement le texte du roman. La traduction de Serge Quadruppani est beaucoup plus subtile et aérée. Dernière petite précision concernant le parler sicilien. Il ne faut pas oublier que les Normands se sont installés en Sicile au XIème siècle, principalement avec l’arrivée de Robert Guiscard, fils de Tancrède de Hauteville, petit seigneur de la région de Coutances. Et j’ai retrouvé certaines similitudes avec le parler normand, principalement celui de la Haute Normandie. En effet, mais peut-être n’est-ce guère plus employé aujourd’hui, les Hauts Normands avaient pour habitude d’ajouter des A au début de certains mots. D’ailleurs, il était courant de dire qu’on était d’Arouen, le pays des Aremorqueurs (on était de Rouen le pays des remorqueurs). Et donc il ne serait pas absurde de penser qu’il reste des traces linguistes de l’implantation normande en Sicile. |
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