|
|
THOMAS H. COOK |
Les Instruments De La NuitAux éditions POINTSVisitez leur site |
1921Lectures depuisLe vendredi 1 Septembre 2012
|
Une lecture de |
Originaire de Caroline du Nord, Paul Graves vit à New York depuis une vingtaine d’années. Il était encore bien jeune quand il se retrouva orphelin, après l’accident de voiture de ses parents. Ensuite, il y eut la mort restée inexpliquée de sa sœur Gwen, retrouvée pendue suite à une violente agression. S’il a tourné la page en s’installant dans la grande ville, ce passé le perturbe toujours. Âgé de quarante-cinq ans, Graves est devenu un romancier expérimenté, auteur d’une quinzaine de livres. Une série mettant en scène dans le New York d’autrefois le détective Slovak, pourchassant éternellement le diabolique Kessler et son âme damnée, Sykes. Dans cette lutte du Bien contre le Mal, ce n’est jamais Slovak qui gagne. Graves étant un écrivain très imaginatif, il lui suffit d’observer une scène du quotidien pour la transformer en fiction dramatique. Dernière héritière du domaine de Riverwood, à quelques heures de New York, Allison Davies confie une mission particulière à Paul Graves. Le 27 août 1946, une affaire mal élucidée secoua la famille Davies et ses proches. Âgée de seize ans, fille de l’institutrice locale, Faye Harrison vivait avec sa mère sur la propriété. Elle était amie avec Allison, et collaborait avec M.Davies père. Tout le monde l’aimait ici. Cette ambiance joyeuse de l’été d’après-guerre fut assombrie par le meurtre de Faye. On avait d’abord imaginé une fugue. Un des invités, le peintre André Grossman, la découvrit morte étranglée dans un coin de la forêt, à Indian Rock. Le coupable désigné était Jake Mosley, un ouvrier construisant un cottage sur la propriété. L’homme, qui ne manquait jamais d’admirer Faye, n’avait effectivement pas l’esprit clair. On le trouva mort peu après avoir été libéré, faute de preuves. Allison Davies met à disposition de Graves tous les documents sur l’affaire, qui se trouvent dans une salle d’archives du manoir. Pourtant, le but n’est pas d’ouvrir une nouvelle enquête. Il s’agit d’écrire une autre version des faits à l’intention de Mme Harrison mère, qui termine sa vie dans une résidence des environs. Avec son inventivité, Graves est la personne idéale pour ça. Dès qu’il consulte les premiers documents, le romancier imagine vite les lieux d’alors, ainsi que certains dialogues entre Faye et divers protagonistes. Quelque chose pourrait relier cette histoire à la mort de sa propre sœur Gwen, autant qu’aux aventures de Slovak et Kessler. Auteur de théâtre, Eleanor Stern est invitée à Riverwood en même temps que Paul Graves. La jeune femme s’avoue de plus en plus attirée par les mystères de ce dossier, et sans doute par le charme tourmenté de l’écrivain. Les cahiers d’enquête du détective Portman s’avèrent très détaillés, sur le parcours fatal de la pauvre Faye, sur son autopsie, et sur les personnes présentes cet été-là à Riverwood. Outre M.Davies et sa distante épouse Martha, leur fils et sa fiancée Mona Flagg, leur fille Allison, il avait le peintre André Grossman, et Greta Klein, une Juive rescapée des camps nazis, ainsi que Jake Mosley et son patron. Aujourd’hui majordome du domaine, Saunders était un jeune garçon à l’époque. Paul Graves avance dans ses recherches, interrogeant entre autres Greta, encore vivante. C’est Eleanor qui souligne les failles de ses investigations : “Vous savez où était Faye et où elle est allée le jour de sa mort, Paul. Mais vous ne savez pas qui elle était. C’est la question que Slovak aurait cherché à résoudre avant tout. Le mystère de sa personnalité.” Tous deux iront loin vers la vérité… Une riche famille, un manoir campagnard, un détective amateur, un vieux crime à élucider, tout cela ressemblerait bien à une bonne vieille intrigue théâtrale façon Agatha Christie, n’est-ce pas ? En réalité, le suspense psychologique prime sur la simple enquête, aussi énigmatique que soit la mort de Faye Harrison. L’auteur ne cherche pas à nous embrouiller en multipliant les suspects. Ils sont dessinés avec une belle clarté, même si l’on sait qu’ils masquaient certains faits. Peu à peu, on sent l’ambiance qui régna autour de l’affaire. Les archives, les photos décrites et les cahiers de Portman nous y aident. Avec quelques surprises au fil du récit. S’y ajoute un double aspect apportant du piquant à l’histoire. C’est là que l’on retrouve avec grand plaisir la maestria de Thomas H.Cook. D’abord, le passé du romancier Paul Graves comporte de sérieuses zones d’ombre. Son traumatisme mutique d’ado mérite donc explication. Ensuite, ses trois héros (Slovak, Kessler et Sykes) font également partie de sa vie, de ses actes tels qu’ils sont racontés. Car on ne doute pas qu’ils appartiennent à son vécu. Il peut ainsi les transposer dans l’enquête qu’on lui a commandée. Certes, le rythme reste assez lent, mais grâce à une construction élaborée avec soin, on est en permanence séduit par la narration avec ses faux-semblants et ses interrogations. Un polar de haute qualité. |
Autres titres de |