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THOMAS H. COOK |
Mémoire AssassineAux éditions POINTSVisitez leur site |
2528Lectures depuisLe vendredi 26 Aout 2011
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Une lecture de |
Au début des années 1990, Steve Farris est un quadragénaire employé dans un cabinet d’architecture. Petite famille ordinaire, avec son épouse Marie, et leur fils Peter. Steve a longtemps gommé de sa mémoire le drame qui le marqua à l’âge de neuf ans. La séduisante Rebecca prend contact avec lui. En vue d’un livre, elle étudie cinq cas criminels similaires. Il s’agit de pères de famille ayant abattu tous leurs proches. Rebecca possède déjà des documents relatifs au crime qu’a vécu Steve. Celui-ci accepte d’explorer les images de son passé, rencontrant certains soirs Rebecca à l’insu de son épouse. Le carnage inexpliqué se produisit le 19 novembre 1959, au cours de l’après-midi. Étant le seul rescapé de cette affaire, de nombreuses questions viennent à l’esprit de Steve. Dans la famille Farris, il y avait d’abord le père, William. Ce modeste quincaillier exprimait peu ses sentiments. Avec le recul, on peut se dire qu’il ressentait une sourde amertume, n’ayant peut-être pas eu la vie qu’il souhaitait. Il quitta tôt ses parents, vécut médiocrement à New York, avant de s’engager dans l’armée pendant la guerre. Puis il se maria avec Dorothy. Steve se souvient qu’on disait “la pauvre Dottie”, sa mère étant une femme effacée, qu’il revoit dans sa blouse rouge ou lisant des romans sentimentaux. Jamie, 17 ans, le frère aîné de Steve, était un garçon plutôt frondeur, qui se chamaillait fréquemment avec sa sœur Laura, 16 ans. Leur père semblait avoir une affection particulière pour elle, sans doute parce qu’il retrouvait chez Laura sa propre détermination d’antan. Ce funeste jour, Bill Farris extermina Dorothy, Jamie et Laura. Il attendit durant deux heures le retour de Steve, mais prit la fuite quand le voisinage donna des signes d’inquiétudes. L’enquêteur Swenson retrouva sa voiture à la frontière du Mexique, ultime trace laissée par Bill Farris. Il arrive à Steve d’imaginer avec clarté le déroulement de la scène mortelle. Il se souvient aussi des vacances familiales à Cap Cod, quelques semaines avant l’affaire. Plusieurs incidents, et le coup de foudre de Laura pour Teddy, suffisent-ils à entrevoir l’explication ? Rebecca s’intéresse à l’esprit dominant des cinq meurtriers qu’elle étudie, qui auraient tous préparé l’élimination de leurs proches. Steve admet le fait, puisque son père avait caché des brochures touristiques, signe d’un départ envisagé. Il retient surtout que sa famille s’était “embourbée” dans une routine, “tous enlisés les uns dans les autres”. Chacun vivant avec ses déceptions, ses secrets. Steve se remémore les discrets conciliabules entre sa sœur et leur père. Sa quête obsessionnelle de vérité risque d’avoir un impact sur la vie de Steve. Et de l’entraîner bien plus loin que les conclusions, orientées sans doute, de Rebecca concernant ces meurtres familiaux. “J’avais accédé à un autre niveau de compréhension du massacre de ma famille. Je prenais conscience que ce n’était plus simplement l’instant explosif qui me terrorisait (…) mais le résultat du long pourrissement de l’amour, des lentes étapes de sa dissolution”… La formule “magnifique suspense psychologique” ne suffirait assurément pas à exprimer la qualité supérieure de cette histoire. Le sujet par lui-même n’est pas neuf. Décrire la concentration nécessaire pour reconstituer des faits lointains dans le temps, sur la base d’impressions d’enfance, ça peut aboutir à un récit peu palpitant. Il faut toute la virtuosité de Thomas H.Cook pour entrelacer passé et présent, pour souligner les détails insignifiants d’autrefois et les scènes du quotidien ordinaire ne prenant un sens qu’en raison du triple crime. L’ambiance chez les Farris apparaît par petites touches, sans laisser augurer un tel drame. Aucune précision n’est évoquée par hasard, ni cette photo où Dorothy semble plus heureuse que dans le souvenir de Steve, ni les cas de la tante et de l’oncle maternels du garçon, ni tel emportement soudain de son père, pour ne citer que quelques exemples. Il n’y a pas de monstrueux secret de famille derrière tout cela, juste une dégradation qui s’accélère entre ces gens, non sans raison. La finesse avec laquelle on nous raconte leur vie est absolument fascinante. Quant aux derniers rebondissements, il convient de les savourer avec délectation. Un excellent roman, tout simplement. (Inédit, en format Point2) |
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