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SYLVIE CALLET |
Moulin à VentAux éditions LES PRESSES DU MIDIVisitez leur site |
3054Lectures depuisLe mercredi 24 Novembre 2010
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Une lecture de |
Le Moulin à vent du titre pourrait nous faire penser à Alphonse Daudet, il n’en est rien. La reproduction d’un moulin est en arrière-plan mais en premier plan, que trouve-t-on ? Un ballon de rouge, sûrement ce fameux Moulin à vent issu du Beaujolais, un grand cru avec le Fleurie, le Morgon et quelques autres éclipsés par le trop médiatique Beaujolais nouveau. Joël-Marie Bianco, plus familièrement appelé Jo, comédien au chômage et détective amateur, jardinier de Flo qui lui prête un cabanon, vient d’hériter de son ami Bèbe, barman de son état et décédé dans de tragiques circonstances, d’un boui-boui, d’une garçonnière miteuse et d’une vieille R5 toujours vaillante. Il ne garde que la relique sur roues et brade le reste afin de payer les frais de succession. Et la voiture justement il va en avoir utilité car sa belle-sœur, Mathilda, d’origine de petite noblesse, lui téléphone afin de lui apprendre que son frère Louis-Edouard vient d’être agressé et est à l’hôpital dans le coma. C’est plus par charité que par amour de la fratrie que Jo se rend dans le beaujolais où il est accueilli assez sèchement. Il est vrai que les deux frères ne s’entendaient pas très bien et même qu’ils ne s’étaient pas vus depuis un lustre. La gentilhommière, possession ancestrale de la famille de Mathilda, est extérieurement à l’abandon. Quant à l’intérieur, c’est un vrai labyrinthe aménagé en gîte rural. Les retrouvailles entre Jo et Mathilda manquent de chaleur. Franck, le cousin germain de la châtelaine genre brute épaisse et Jean-Noël, le fils dont les conduits auriculaires sont assaillis par les décibels belliqueux issus de son baladeur, n’ont guère l’air d’apprécier cette intrusion. Seule Maryanne, la gamine délurée de sept ans qui ne pose pas de questions sur l’arrivée de cet oncle qu’elle ne connaissait pas, et Luna, la servante du château, lui font comprendre que ce débarquement inopiné est une sorte de récréation dans leur quotidien. D’ailleurs Luna, dont la fille et le gendre vignerons produisent du Beaujolais l’initie à ce breuvage. Sans oublier les pensionnaires de ce gîte rural. Les Delaunay, un couple riche mais pingre, dont le mari a prêté de l’argent à Louis-Edouard, lequel conseiller fiscal est dans la panade, et Jambon, pardon Verbaurin, poète qui emprunte volontiers à ses illustres ainés des citations toutes faites et dont la prose orale n’est pas piquée des vers. Enfin Sylvio, le neveu de Luna, qui entretient un contentieux avec Franck. Jo ne tarde pas à comprendre qu’il a mis le pied dans un nid de vipères plus ou moins lubriques et l’enquête qu’il entreprend afin de définir qui s’est amusé à agresser Louis-Edouard s’avère pour le moins mouvementée. Ce qui prime dans ce court roman, ce n’est pas tant l’intrigue, pourtant bien amenée, que l’humour lexical dans lequel il baigne. Jo est un personnage atypique, que son passé de comédien, « intermiteux » du spectacle comme il se définit lui-même, aime à appeler à la rescousse des comédiens célèbres qui l’apostrophent afin de le remettre sur les rails lorsqu’il dévie, ce qui lui arrive très souvent. De plus, c’est un homme qui aime non seulement la bonne chère mais également la chair fraîche, passion qu’on lui pardonnera volontiers, car ses bonnes fortunes ne sont pas réticentes à ses charmes. Une petite récréation guillerette dans une production qui actuellement joue trop souvent dans le pessimisme, le sanguinolent, les conflits de banlieue, la drogue, le chômage et autres affaires politiques qui polluent notre quotidien, même si l’on ne doit pas se leurrer car c’est la réalité.
Vivant dans la région toulonnaise, le méridional Jo Bianco est un comédien sans emploi qui s’improvise parfois détective amateur. Venant d’hériter de son ami Bèbe, il peut espérer quelques fonds en vendant le bar du défunt. Si la vieille R5 qui fait partie de la succession est une antiquité bringuebalante, elle l’aidera quand même à se déplacer. Justement, Jo va devoir quitter son refuge chez la belle lieutenant de police Flo. Il vient d’apprendre que son frère Louis-Édouard, qui habite en Beaujolais, est dans le coma. Jo s’est éloigné depuis longtemps de ce désagréable frère, un vrai facho, et n’apprécie guère sa pimbêche de belle-sœur, Mathilda. Néanmoins, Louis-Édouard reste un des rares membres de sa famille, et le soudain choc qui l’a plongé dans le coma intrigue Jo. En outre, il a envie de connaître sa petite nièce, la dégourdie Mary-Anne. Belle propriété que le domaine de la Rochejouhant. À son arrivée au château, Jo est accueilli avec rudesse par Franck, un cousin de Mathilda. Sa belle-sœur se montre peu chaleureuse et avare d’explications sur le cas de Louis-Édouard. Ne rechignant pas à apprécier les vins locaux, Jo est vite adopté par Luna, la vieille employée du château. Par contre, au déjeuner du lendemain midi, l’ambiance est plutôt réfrigérante. Les hôtes en sont le couple Delaunay et le poète Verbaurin. Jo n’imagine pas sympathiser avec eux ou l’omniprésent Franck, pas beaucoup plus avec son propre neveu Jean-Noël. Heureusement, il trouve une deuxième alliée grâce à la petite Mary-Anne. Tout ça n’indique pas clairement à Jo ce qui a conduit son frère dans cet état. À l’hôpital, la séduisante infirmière Angélique n’est pas insensible au charme du sudiste, mais ne peut le renseigner. Jo apprend finalement que Louis-Édouard a été licencié, sous le prétexte de la Crise, de son poste de cadre bancaire. Depuis, sachant qu’une propriété comme la leur coûte une fortune, il s’est endetté auprès des Delaunay. Il semble que ceux-ci réclament leur prêt. Mathilda affirme que son mari était violent envers elle ces derniers temps, mais Jo y voit un joli mensonge. C’est en se promenant dans les bois que Louis-Édouard a été victime d’un accident, ou d’une agression. Selon le poète Verbaurin, la moto de Franck aurait foncé sur le frère de Jo. Le détective amateur ne peut faire pleinement confiance à ce témoin incertain. Quant à l’alibi de Franck, pas vraiment fiable non plus. Et quel est donc le rôle du gigolo Silvio, neveu de Luna ? C’est en jouant à Robin des Bois avec sa petite nièce Mary-Anne que Jo va découvrir de nouvelles pistes intéressantes… Les puissants thrillers aux intrigues complexes et les romans noirs aux thèmes sociétaux possèdent d’évidents mérites. Les comédies à suspense ne manquent pas de qualités non plus, comme en témoigne ce nouveau titre de Sylvie Callet. “Un petit jaune” nous avait fait connaître le personnage de Jo, aimable dilettante plongé dans d’énigmatiques affaires. Le voici qui enquête dans les domaines et les sous-bois du Beaujolais. Évidemment, il se fait un peu voler la vedette par sa nièce. Néanmoins, face à une poignée de suspects, il doit faire la lumière sur une situation pas si simple. “Malgré ou à cause de mon état d’épuisement, un essaim de question vibrionnait dans mon cerveau enflé, empêchant le sommeil de me trouver.” Non seulement la tonalité est souriante, mais le récit enjoué introduit une belle complicité avec le lecteur. Dans l’esprit de Jo, des voix d’actrices féminines interviennent parfois pour qu’il se concentre davantage. On partage son avis sur la hautaine Mathilda, le méprisant Franck, et toute la clique qui les entourent. L’écriture est inspirée, joyeuse souvent, caustique aussi. Un roman très agréable. |
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