Parution le 1er septembre 2010
Le 8 janvier 1898, l'avocat Louis Natanson disparaissait alors qu'il s'était rendu à un rendez-vous d'affaires. Quelque temps plus tard le Procureur recevait la lettre d'un certain Henry Brougham qui lui confiait avoir accidentellement tué l'avocat. Fort des indications de cet inconnu, la police retrouvait le corps de Louis Natanson dans une maison isolée des environs de Marseille. Dix ans plus tard, en 1908, le fils de l'avocat accoste Raoul Signoret alors que celui-ci assiste à une représentation de " La damnation de Faust " et lui demande de rouvrir l'enquête que les autorités avaient close faute de pistes. Le jeune Guillaume Natanson accuse Jacques Bernès, un ami de la famille d'avoir commandité l'assassinat de son père. Pour preuve, l'homme a épousé sa mère " dés le délai de viduité écoulé ". Avec cet " Inconnu du grand Hôtel " Jean Contrucci nous convie, pour la neuvième fois, dans la Marseille du début du siècle dernier. Pourquoi le cacher plus longtemps, une invitation de monsieur Jean ne se refuse pas, elle s'accepte bien avant qu'elle soit formulée; Surtout lorsqu'il s'agit d'emboîter le pas du Rouletabille du Vieux Port, de partager l'intimité de " La Vénus de la place Lenche ", de s'asseoir à la table d'Eugène Baruteau, chef de la police marseillaise, pour se régaler d'une " soupe de poisson à la Marseillaise ". Au terme de ce plongeon dans l'imaginaire sans fond de monsieur Jean, après avoir croisé un bien mystérieux AF, ainsi décrit " Derrière sa courte barbe poivre et sel, André Fortin était un garçon discret et souriant, mais aussi un esprit organisé, méthodique, doublé d'un travailleur infatigable. Il connaissait ses dossiers sur le bout du procès-verbal. (…). Capable de résister sans broncher face aux tempêtes directoriales, André Fortin savait attendre l'accalmie et ne perdait jamais son sang-froid. " Vous accéderez, tout naturellement, aux cimes lumineuses de la Morale… bourgeoise, celle qui peut s'accoutumer du " Tu ne tueras point " dans certaines circonstances seulement. Souhaitons vivement que cette leçon de morale réelle ne soit pas la dernière que nous distille, avec bonne humeur, le duo Signoret-Baruteau. Souhaitons qu'il enveloppe de nouveau nos heures de loisir, de ce bonheur diffus que seuls les personnages des écrivains de grand talent engendrent.
Une autre lecture duL'inconnu Du Grand Hôtelde PAUL MAUGENDRE |
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« Mais par chance, le célèbre Raoul Signoret, le chevalier Bayard du journalisme marseillais, pourfendeur d’injustice, pulvérisateur d’assassins impunis, terreur des criminels et des voyous, va fourrer son nez dans les secrets de l’affaire Natanson et nous rapporter, non seulement les preuves de notre impéritie, mais la solution de l’énigme qui n’est qu’un jeu d’enfant pour son esprit fulgurant ». Ainsi s’exclame Eugène Baruteau, le chef de la police phocéenne, au cours d’un repas qui réunit sa petite famille dont son neveu unique et préféré Raoul Signoret du journal Le Petit Provençal. Il est vrai que Raoul, journaliste couvrant les affaires criminelles et judiciaires n’a pas son pareil pour mettre son nez dans des affaires délicates. Et pour une fois, il n’est pas allé quérir une nouvelle aventure, c’est l’aventure qui vient à lui sous la forme d’un jeune homme qui l’aborde à la sortie de la représentation d’un opéra de Berlioz. Se décrivant comme artiste peintre et écrivain, Guillaume Natanson, âgé de dix-neuf ans, a rompu avec sa famille. Son père a été assassiné dix ans auparavant, et sa mère s’est remariée, le délai de viduité expiré, avec Jacques Bernès le meilleur ami de son géniteur. Mais l’affaire est plus complexe qu’il y parait et c’est peut-être pour cela que Raoul Signoret s’y intéresse. Hélène de Cazalis, la mère de Guillaume, s’était retrouvée enceinte alors qu’elle avait à peine seize ans, bien que fréquentant l’honorable institution des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Or une famille de notables ne peut accepter un tel accroc dans leur respectabilité et un mariage fut arrangé avec Louis Natanson, dont l’avenir comme avocat d’affaires était bien engagé. Louis Natanson avait été contacté par un certain Harry Brougham afin de déterminer les possibilités de l’ouverture d’une ligne de Steamers vers la mer Noire. Son cadavre avait été découvert dans un petit pied-à-terre qu’il louait sous une fausse identité près d’Allauch sur les indications épistolaires d’un nommé Harry Brighton qui écrit que Natanson avec lequel il devait parler des modalités de cette entreprise s’était tué accidentellement avec une arme qu’il manipulait. Les recherches effectuées ont conclu à la non existence officielle de ces deux hommes, Brougham et Brighton, et qu’il s’agirait d’un inconnu agissant sous des identités diverses et grimé pour l’occasion. Jacques Bernès durant le mariage fréquentait assidument la belle Hélène attisant le courroux non affiché, toujours le respect des convenances, de Natanson. Guillaume est persuadé que Bernès est, sinon l’auteur d’un meurtre, du moins le commanditaire, à seule fin de pouvoir s’unir à Hélène. Eugène Baruteau et le juge Massot, aujourd’hui en retraite mais qui avait instruit l’affaire à l’époque, possèdent quelques documents dont Raoul prend connaissance avec étonnement. Et malgré son travail de reporter judiciaire, il doit se rendre quotidiennement à Toulon couvrir le procès Ullmo, un officier militaire français accusé traitrise, il s’implique plus qu’il l’aurait cru. Raoul Signoret enquête donc afin de démêler le vrai du faux et le faux du vrai, et les rebondissements, fausses trappes, impasses ne manquent pas dans ce labyrinthe qui devrait déboucher sur la vérité, celle qu’aimerait voir afficher Guillaume : le forfait de Bernès envers son père. Heureusement Cécile, la belle et douce épouse de Raoul Signoret, qui est infirmière de son état, n’a pas son esprit encombré par toutes ces complications et c’est un peu grâce à elle que Raoul pourra dénouer cette affaire. Malheureusement l’épilogue, qui pourtant se tient autour d’une bonne table chargée de mets typiquement marseillais, nous laisse quelque peu sur notre faim, car le lecteur n’en a jamais assez. Jean Contrucci parsème son roman comme souvent, coïncidence ou pas, par des faits qui étrangement rejoignent les préoccupations d’aujourd’hui. Ainsi en cette début d’année 1908, Eugène Baruteau, le chef de la police marseillaise, est fort remonté contre ses supérieurs et plus particulièrement Clémenceau qui travaille sur le projet de constitution de brigades mobiles qui seront plus connues sous le nom de Brigades du Tigre. Et bien entendu Baruteau vitupère sur le travailler plus avec moins d’effectifs, les chiffres recensés par le ministère n’étant pas en adéquation avec ceux affectés sur le terrain. Une guerre des chiffres qui existent toujours et pendant ce temps on berne le petit peuple qui croit la voix de son maître, même si celui-ci l’ouvre pour ne rien dire ou se gargarise de déclarations intempestives et déplacées.
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