Nouvelle réédition. Ancien policier à la dérive, séparé de sa femme, Jef Chabert embauche un réfugié portugais qui traîne sa misère sur les quais du port de Brest. Manoel, qui n’effectue que de petits boulots et passe ses nuits dans un asile catholique tenu par le père Jaouen, accepte cette manne distribuée pour un travail apparemment facile. Il doit suivre un homme qui va prendre le train Brest Paris et retour, et consigner ses faits et gestes. Seulement, Fontanges, l’homme qu’il doit filer, disparaît aussitôt monté dans son wagon de première classe. Reste sa valise déposée dans le couloir. Alors Manoel va effectuer le voyage aller et retour assis sur ce bagage, attirant l’attention du contrôleur. Evidemment un clodo voyageant en première !… Chabert confiant va rendre compte à sa sœur qui lui a confié la mission. Elle est handicapée et pense que son mari, jeune et fringant, la trompe. Mais Chabert découvre le cadavre de sa sœur, et au lieu de prévenir ses anciens collègues, accumule les bourdes. Il se rend chez son ex qui lui propose de lui fournir un alibi. Et comme si ce n’était pas assez pour une même soirée, le cadavre de Fontanges est retrouvé sur la voie ferrée entre Brest et Rennes. Le commissaire Bodart et son adjoint Rault sont chargés de l’enquête. Bodart ne se pose pas de questions, il lui faut un coupable, un point c’est tout. Ne serait-ce que pour faire plaisir au maire et au responsable du MAC. Un portrait-robot est diffusé et Manoel est arrêté. Malgré ses dénégations, et comme c’est un homme intègre, il ne veut pas dévoiler le nom de son commanditaire en filature, il est torturé par les hommes du MAC, une milice dont les méthodes sont proches de celles des nazis. Laissé seul quelques instants par ses tortionnaires partis se sustenter, Manoel se suicide. Il aura eu le temps de déclarer non coupable auprès du gardien de nuit du local, lequel est un brave homme dénué de méchanceté. D’ailleurs il informe le père Jaouen de l’infortune et du mauvais traitement infligé au Portugais. Le FRA, mouvance nouvelle qui remplace le FLB dissout, un couple de tagueurs d’obédience chrétienne, viennent semer la perturbation dans une enquête dirigée vers un coupable trop idéal. Ce roman, publié chez Denoël en 1976 et qui obtint le Grand Prix de littérature policière, met en scène une France gouvernée par un dictateur au nom transparent : Chopinet. La terreur règne, et les milices sont à l’honneur. C’est à nouveau le règne de la répression policière et de la haine raciale. Découvrir la vérité n’est donc pas le problème le plus important, donner un coupable en pâture se révélant plus gratifiant, même si celui-ci est un pauvre innocent sans défense. De toute façon, comme il est étranger, il est forcément coupable, et si ce n’est pas du crime dont on l’accuse, c’est d’un autre. La police ne peut avoir d’états d’âme, elle doit obéir. Politique-fiction, ce roman se voulait anticipation et traduisait une crainte. Et comme le souligne Jean François Coatmeur, sa sombre conjecture ne s’est pas vérifiée. Pas encore serons nous tenter d’écrire, et comme l’auteur écrit “ on me permettra de penser que les problèmes politiques et sociaux que je soulevais alors sont, encore aujourd’hui, d’une brûlante actualité ”. Ayons une pensée pour un auteur italien réfugié en France et obligé de fuir au Brésil, victime de la préfiguration de ce que seront peut-être les services de police et de justice dans quelques années si les dérapages répressifs continuent.
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