|
|
FRANCOIS CERESA |
Petit Papa NoëlAux éditions PASCAL GALODE EDITEURS * |
1087Lectures depuisLe jeudi 25 Fevrier 2010
|
Une lecture de |
Jacques Villeneuve est un quinquagénaire cultivé et aisé. Longtemps célibataire, il vit depuis deux ans avec Ondine, de vingt ans sa cadette. Le couple s’est installé à Joinville-le-Pont, dans un immeuble de l’avenue des Familles. Jacques admet que l’harmonie ne règne pas vraiment entre sa compagne et lui. Elle use et abuse de leur compte joint, alimenté par l’argent de Jacques. Côté sexuel, les relations sont plutôt virtuelles. Il avale de l’huile d’olive, en guise d’antidote à la mollesse de son existence. Jacques est ami avec Cédric, son voisin prof quadra, admirateur de Baudelaire, aux idéaux parfois contradictoires. Il s’entend bien aussi avec Gérard, le retraité typographe, mais s’interroge sur ce curieux praticien qu’est le Dr Schlick. Le vieux couple Benabid s’occupe de leur petite-fille, Nébia. La gamine considère Jacques comme le Prince Charmant. Reste la dernière voisine, Ludivine, qui vit avec son fils Greg, attardé mental. Enjôleuse à la culture approximative, la jeune femme est une reine de la fellation. Jacques doit être prudent dans ses rapports avec elle, car Ondine est une jalouse. Après qu’un technicien soit passé pour étudier l’installation du câble à la cave, Jacques repère une pierre mal scellée. Il découvre la cachette d’un trésor en pièces d’or. Ludivine ne sachant se taire, tous les copropriétaires sont avertis. Selon une première estimation d’Ondine, il y en aurait pour 400 000 Euros. Même divisé en dix sacs, joli pactole en perspective. Une première alerte se produit lorsqu’ils se réunissent pour un repas, causant un fatal AVC chez Aurore, leur voisine “artiste”. Que le magot sème la zizanie entre eux, c’est normal, mais Jacques se demande quel voisin est l’auteur du malveillant incident. Peu après, on retrouve un cadavre découpé dans le camion du poissonnier, au marché. Or, on est sans nouvelles de l’ancien typo Gérard. Bien qu’il n’enviât pas le trésor, sa disparition est inquiétante. Le policier Boisset mène une vague enquête. Les voisins s’impatientent. Surtout, ils se posent des questions quand deux sacs d’or sont volés. On place le magot dans le coffre-fort de Ludivine. Jacques se sent impuissant face aux humeurs d’Ondine, et peu passionné par les relations de Cédric avec une amante dominatrice. Heureusement, la petite Nébia le comble de tendresse. L’hécatombe continue parmi les voisins. Des appartements se libérant, l’agent immobilier Cancon (un cuistre à l’accent du Lot-et-Garonne) a des projets, approuvés par Ondine. Jacques aimerait bien connaître la nature des relations entre sa compagne et Ludivine, rivales ou amies ? Le décès “accidentel” du Dr Schlick ne chagrine pas Jacques, mais il est guetté par la schizophrénie. Quant à Cédric, il n’aurait pas dû s’occuper d’abattre les pigeons envahissants. Et Ludivine devrait se méfier des frelons… On pourrait qualifier ce roman de comédie policière, ou plus justement de “conte à suspense”. Le lecteur pense aux “Dix petits nègres”, d’Agatha Christie ? C’est bien l’intrigue à laquelle se réfère cette histoire, nous confirme l’auteur. Mais la tonalité est toute autre. Le héros désabusé fait de multiples allusions aux grands classiques du cinéma, et nous confie ses souriantes réflexions. Ne nous fions pas à la misogynie apparente, contredite ici : “J’ai alors songé aux femmes, aux interrogations qu’elles suscitaient et qu’elles ne cesseraient jamais de susciter. Sans elles, nous ne sommes rien. Les femmes possèdent un avantage sur nous : elles planifient leur vie. On a beau invoquer Juliette, miss Blandish, madame de Merteuil, les putains de Klimt et de Lautrec, on se plante. Les femmes sont organisées. Pendant que les hommes gesticulent, elles vont à l’essentiel. À nous le superflu, à elles les certitudes. Ce que nous sommes ? Des bébés qui agonisent.” Bien sûr, il s’agit d’un polar avec meurtres et suspense, mais c’est avant tout un roman fort bien écrit, servi par une belle originalité. |