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JEAN CONTRUCCI |
La Ville Des TempêtesAux éditions HC EDITIONSVisitez leur site |
2853Lectures depuisLe jeudi 4 Novembre 2016
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Une lecture de |
4° de couverture : Novembre 1595. Longtemps captif des pirates barbaresques, le chevalier Thibault de Cervières, de retour dans sa ville natale, ne la reconnaît plus. Un vent de folie souffle sur le grand port assiégé où des foules fanatisées font du pavé un champ de bataille quotidien. Qui reconnaîtra ce revenant dont personne n’attendait le retour ? En enquêtant sur son passé familial, Thibault découvre les ravages de la tempête qui s’est abattue sur Marseille. Deux hommes, Charles de Casaulx et Loys d’Aix se sont dressés contre Henri IV, le « roi hérétique », et ont pris la ville en otage, prêts à tout pour servir leur ambition. L’Europe a les yeux fixés sur la cité rebelle. À qui ces fous de Dieu livreront-ils le grand port convoité ? À Philippe II d’Espagne ? Au duc de Savoie ? Au grand-duc de Toscane ? Marseille deviendra-t-elle une République à l’égal de Venise ou de Gênes ? La réponse est au bout du poignard qui se lève à l’aube du 17 février 1596. Thibault de Cervières, longtemps prisonnier des barbaresques, revient à Marseille, ville assiégée par les forces du nouveau roi. Son retour ne sera pas de tout repos : son oncle a profité de ses années de captivité pour s’approprier de ses biens. Thibault ne peut prouver son identité : son père est mort, sa sœur a disparu, ses amis dispersés. La lutte s’annonce difficile. Heureusement il pourra compter sur le soutien du corsaire Simon Danzer qui l’a sauvé des barbaresques. Conduit de main de maître par un Jean Contrucci en grande forme, La ville des tempêtes nous entraîne dans un tourbillon d’aventures dignes des meilleurs romans de cape et d’épée de la grande époque. Avec cette qualité d’historien qui le caractérise il restitue avec précision, à travers les aventures du chevalier Thibault de Cervières, les derniers mois de la dictature imposée à Marseille par Charles de Casaulx et son acolyte Loys d’Aix, le tout agrémenté d’anecdotes comme ce décret émis par les consuls : « Contre errants et vagabonds » qui « ordonne de chasser tous les inutiles dans tous les quartiers : mendiants, fous, éclopés véritables ou non, désoeuvrés qui encombrent places, tavernes, portes des couvents distributeurs de soupes populaires. » ! Et l’on prend autant de plaisir à lire les péripéties de Thibault de Cervières où se succèdent coups de théâtre et trahisons que les événements historiques qui enflammèrent la ville de Marseille que Jean Contrucci fait revivre avec le talent qu’on lui connaît. Une nouvelle réussite dans la lignée de La vengeance du Roi-Soleil.
Parution le 3 novembre 2016. 416 pages. 19,00€. Marseille, tais-toi Marseille Tu cries trop fort Je n'entends pas claquer Les voiles dans le port Il est souvent bon de se plonger dans des récits historiques, dont l'action remonte à plusieurs siècles. Outre le plaisir de la lecture, le lecteur peut peaufiner ses connaissances, et surtout, mettre en parallèle les événements actuels et ceux qui se sont déroulés à une époque donnée. Ainsi en ce 21 novembre de l'an 1595, le Twee Leeuwen, un voilier dont la coque est entièrement peinte en rouge et comportant deux léopards sur la figure de proue, entre fièrement dans le port de Marseille. Son capitaine, le corsaire Simon Danzer, dont le port d'attache est Alger, une importante cargaison de blé ce qui réjouit fort les Marseillais affamés. Depuis quatre ans le port phocéen est sous la coupe du Premier consul Charles de Casaulx, et de son ami et bras droit le viguier Loys d'Aix. Ils dirigent la cité comme une république indépendante, à l'égal de celle de Gênes, refusant de se soumettre au Roi Henri IV, l'Hérétique. Ils sont en lutte ouverte contre le pouvoir royal, cherchant des appuis auprès du roi d'Espagne et du Pape. Ce sont des fanatiques, exhortant la religion catholique, s'appuyant sur la Sainte Ligue, prenant de ce fait Marseille et ses habitants affamés en otages. Ce sont également des ambitieux qui sont prêts à tout pour servir leurs intérêts. L'arrivée de ce navire dans le port est synonyme de débordements de joie, un enthousiasme que contemple, appuyé à la proue du navire, le chevalier Thibault de Cervières, de retour au pays onze ans après l'avoir quitté précipitamment. A cause d'une bêtise de jeunesse, il a embarqué plus vite qu'il le souhaitait pour s'engager dans la Commanderie de Saint-Jean des chevaliers de Malte. Le navire qui devait rejoindre La Valette ayant été pris à l'abordage par des pirates, il s'était retrouvé esclave à Alger. Cependant sa stature et ses études de médecine lui ont permis d'être placé chez un médecin herboriste arabe, et il a beaucoup appris du vieil homme. Thibault de Cervières est déçu, personne ne l'attend sur les quais de Marseille. Pourtant il avait envoyé de nombreuses missives à sa famille, mais n'a reçu aucun réponse. Pour cause ! Son père négociant est décédé, sa jeune sœur Claire est introuvable, et ses biens ont été annexés par son oncle qui refuse de les restituer, niant une identité que Thibault ne peut prouver. Il effectue des recherches, aidé en cela par son ami Simon Danzer, le corsaire. Thibault a soigné, grâce aux conseils du médecin arabe, la jeune épouse de Simon, du nom de Noor, qui avait été piquée par une tarentule et dont les jours étaient en danger. Noor n'est toujours pas guérie mais son était de santé s'améliore même si elle est devenue mutique et impotente. Simon, en reconnaissance des soins prodigués, offre au chevalier son aide morale et logistique afin qu'il puisse faire toute la lumière sur la disparition de sa parentèle, recouvrer ses biens et retrouver sa sœur.
Une intrigue à la Dumas, placée dans un contexte particulièrement sensible, celui du fanatisme religieux. Les événements décrits, même s'il s'agit d'un fiction, sont réels ainsi que certains des personnages. Les exemples ne manquent pas et le lecteur impartial peut juxtaposer des épisodes relatés à des actes commis de nos jours ou des déclarations émises par des maires, des hommes et femmes politiques en général, des acharnés du renvoi chez eux de migrants miséreux, des intolérants qui se réclament de la Chrétienté pour taper sur les autres religions, entretenant de ce fait la méfiance en stigmatisant, ne se rendant même pas compte qu'ils enveniment les relations et forgent la haine. Quelques extraits de ce roman seront plus parlant que toutes explications, peut-être énoncées avec maladresse, ou une dissertation oiseuse et longuette. Ainsi le père de Thibault victime entre autre des intolérants fanatiques : Monsieur de Cervières n'était d'aucun parti. C'était un homme tolérant. Ceux-là, les enragés les appellent des bigarrats (mélangés) parce qu'ils refusent de dresser une faction ou une religion l'une contre l'autre et n'ont d'autres soucis que de s'occuper de leurs affaires. Pourtant, c'est bien en raison du climat d'intolérance qui régnait sur Marseille que monsieur votre père est mort. Quelqu'un l'aura désigné à la vindicte des ligueurs.
Thibault déclare, parlant du Premier consul de Marseille et de son bras droit le viguier : C'est aux pauvres gens réduits à l'état de misère que je veux me consacrer. Mon épée, mon savoir, nulle question que je les misse au service de ceux qui s'affrontent autour de la dépouille du grand port de mon enfance, dont ils ont ruiné la prospérité, où ils règnent par la terreur, érigent l'intolérance en règle morale et agissent à la façon des brigands guettant le voyageur au coin du bois pour le voler.
Il serait indécent de ma part d'accumuler les exemples et les citations, de trop dévoiler la substance de ce récit, toutefois il en est une, la dernière, que je ne peux m'empêcher de vous proposer. Il s'agit d'un décret qui : ordonne de chasser tous les inutiles dans tous les quartiers. Et dresse la liste suivante : Mendiants, fous, éclopés véritables ou non, désœuvrés qui encombrent places, tavernes, portes des couvents distributeurs de soupes populaires. Et Jean Contrucci de commenter, par la voix de Hugues de Saint-Chamas Commandeur des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Marseille : Il est interdit de leur donner de quoi manger ou de leur faire l'aumône. Les mendiants étrangers à la ville sont expulsés sans espoir de retour car on les marque au fer rouge pour mieux les désigner. Edifiant, n'est-ce pas ? Et vous ne manquerez pas de relever certaines similitudes entre aujourd'hui et avant-hier. Et peut-être même que vous aurez des noms à accoler à celui de Charles de Casaulx. Jean Contrucci ne manque pas de mettre en exergue une citation empruntée à Voltaire, extraite du Dictionnaire philosophique, article Fanatisme : Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant. Placez ici le nom de la ou des religions qui pourraient correspondre à cette phrase.
Thibault de Cervières, au terme de onze ans de captivité aux Barbaresques, entre dans le port de Marseille à bord du navire que commande le corsaire Simon Danzer qui vient de s’affranchir de l’autorité de Khizr Pasha. Complot, trahison, spoliation, assassinats et autres vilénies se succèdent sous la plume vivace d’un Jean Contrucci qui revisite la lointaine tradition des turqueries. Une fois de plus, cet écrivain capable de tous les genres organise son récit autour de son personnage favori : Marseille. Et d’évidence, ce personnage qui traverse son œuvre, il le connait jusque dans ces moindres recoins, les plus reculés jusqu’au plus présent. « La ville des tempêtes » n’est pas seulement un « roman historique », il est un bond dans le passé, la résurrection d’une ville disparue, de ses rues et ruelles, de ses remparts et portes, de son port et de sa foule, de ses cris et de ses traquenards par des nuits sans lune, de ses palais et de ses masures, il est la vie grouillante et son phrasé perdu. Mais « La ville des tempêtes » est encore plus, il est, une intrigue à découvrir, un plaisir à lire, un ouvrage à déguster. |
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