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ALAIN COLTIER |
AngelAux éditions L ECAILLER DU SUD |
1899Lectures depuisLe jeudi 27 Avril 2012
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Une lecture de |
Garcia, il est mort ! C’est Sam qui l’a affirmé et bientôt la rumeur a enflé dans le quartier de la rue de Charenton, non loin de Bercy dans le XIIème arrondissement parisien. Garcia est mort, d’accord, mais il n’y a pas de corps. Garcia s’est évanoui, dans la nature, et c’est bien l’une des rares fois où Garcia s’est évanoui. Même du temps béni de la boxe, Garcia restait imperturbable sur le ring, malgré les coups. Vingt ans de carrière officielle, et le visage indemne, pas marqué, possédant encore toutes ses dents. Le roi de l’anticipation. Et Garcia, Angel « Robinson » Garcia, est resté attaché au monde du noble art, et il se rendait souvent au Ring Daumesnil où officie René, Papa René, le responsable du club de boxe. Papa René en plus d’entraîner les petits jeunes, permet à des sans-papiers et aux SDF qui portent les gants de coucher dans les lieux aménagés en squats. Tony, ancien boxeur qui avait en charge Angel, téléphone aussitôt à son ami l’Australien, lequel ne pose pas de questions et arrive à Paris vingt-quatre heures plus tard. Commence alors un long périple dans la capitale, sur les traces d’Angel. L’Australien est un mutique, mais il suit comme son ombre Tony qui recueille les témoignages d’anciens amis, voisins, concierge et connaissances d’Angel. Selon certains Angel serait parfois accompagné d’un homme aux cheveux lustrés. D’ailleurs l’appartement d’Angel est vide, ses affaires ont été déménagées à la déchetterie, et puis quelqu’un touche les mandats que lui envoyait l’Australien. Cela ne sent pas bon, cela ressemble à des coups bas, sans mauvais jeu de mots. C’est l’opportunité pour l’auteur de suivre la trajectoire du Cubain Angel « Robinson » Garcia, personnage de fiction inspiré par un personnage réel. Le récit est émaillé de très nombreuses anecdotes sur la boxe et les boxeurs, comme Marcel Cerdan, mais aussi de montrer Paris sous un jour qui n’est pas inscrit dans les trajets touristiques. Pour Tony c’est aussi de l’occasion de faire remonter à la surface de sa mémoire les péripéties endurées par son ami Angel, des soirées de boxe, du coup de boule qui lui a fait perdre en partie la vue, de ses succès à Miami, l’autre patrie des Cubains, de son installation à Paris et de l’engouement qu’il suscita auprès des amateurs pugilistiques, de l’ambiance dans les salles, de la sueur… C’est aussi une ode, non déclamée, sur l’amitié même à distance. Le lecteur a parfois l’impression de se plonger subrepticement dans une aventure sans héros, ou plutôt d’un héros absent, avec une nostalgie à la Léo Malet lorsqu’il décrivait son Paris perdu en trimbalant son personnage dans sa série sur les Nouveaux Mystères de Paris. Ce court roman est décliné en quinze rounds comme à la boxe. Enfin, pas tout à fait car l’auteur triche un peu : il y a un quatorze bis, considérons qu’il s’agit d’une interruption momentanée due à une chute au tapis et au décompte de quelques secondes par l’arbitre afin de remettre ses idées en place. Des phrases percutantes, assenées sous formes d’uppercut, de coups droits, de directs, de crochets, de coups descendants ou plongeants. Dommage, le spectacle est trop rapidement terminé, les vainqueurs sont l’auteur et le lecteur, les projecteurs peuvent s’éteindre mais les images restent gravées.
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