Les fourmis du titre ne sauraient véritablement être blanches. Sinon, personne ne les verrait dans l’immensité blanche qu’elles affrontent. Mais fourmis, oui, infiniment petites dans le blanc implacable des sommets. Commençons par quelques mots sur l’intrigue. Deux histoires, deux aventures a priori distinctes mais dont on pressent qu’elles vont se rejoindre tôt ou tard. Dans le premier cas, le narrateur est une narratrice, paysagiste de profession, venue en couple faire un trekking dans les montagnes reculées de l’Albanie. Peu sportive, amatrice de marche mais sans forcer… On comprend bien vite que les six fourmis sont là, dans ce groupe de cinq touristes qui suivent aveuglément un guide peu bavard à l’assaut des sommets. L’autre pendant du roman, mystérieux, voire dérangeant, présente un « sacrificateur ». Personnage mystérieux, solitaire, chargé par les communautés de ces contrés reculées de procéder aux sacrifices animaux que réclament… ? le destin ? le sort ? les dieux ? et qui tente de faire parler le hasard à l’aide d’osselets l’aidant au choix de la bête à sacrifier. Mais pas seulement : parfois, poser une question simple au sort peut se révéler bien utile. Personnage marginal, dont le bonheur est mort il y a bien longtemps, et qui tente de survivre dans une nature et un milieu humain hostiles. Comment la météo va faire de l’expédition des premiers un cauchemar glacial, comment le hasard va bousculer la destinée du second et faire de lui la bête à sacrifier, lui qui en a tant tué… c’est tout le talent de ce roman qui sans effet de manche délivre un message terrible. Cette fuite en avant n’est-elle pas à l’image de la vie, les bonnes mauvaises raisons servant de leurre à une avancée dénuée de sens ? Ici l’auteure renoue avec une peinture intimiste assez terrifiante, le pire n’étant sans doute ni dans les conditions météo cataclysmiques, ni dans la traque invisible et terrifiante, mais sans doute dans les interrogations d’une jeune femme bien ordinaire à laquelle on ne peut s’empêcher de s’identifier, de manière parfois bien inconfortable. Tension dans le suspens, soutenu par une écriture très simple, sans effet inutile, peinture de personnages intimement et parfaitement décrits… Voilà une belle réussite. Ce roman peut réconcilier avec l’écriture de Sandrine Collette ceux que le précédent avait déçus. Les « Nœuds d’acier » étaient si profondément glacials dans leur vision de l’âme humaine que « un Vent de Cendres » pouvait presque (presque…) passer pour une bluette. Voilà Six Fourmis que vous épargnerez d’un pied précautionneux, le sort s’acharnant bien assez sur elles.
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