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LILIAN BATHELOT |
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Une lecture de |
Un apéro qui se prolonge et voilà que Fernand embarque Marcel dans un coup foireux… Au cours de leur périple nocturne qui les verra abandonner le siège arrière de leur voiture sous une porte cochère, ils vont trouver sur le bas coté un type à l’agonie et voir s’enfuir un quidam… Voilà tout est dit ou presque… Dans ce roman plus que noir, Lilian Bathelot ne recule devant rien et pour noircir (jusqu’au sang) son écrit déroge à une règle d’Hitchcock avait énoncé après l’avoir violée par inadvertance. Transgression facile !… Effet dramatique simpliste !… etc… etc… Mais on ne peut porter un tel jugement que si l’on perd de vue ce qui semble être son propos et qu’il nous est livré en « der des der » : « Seuls de rares esprits chagrins se trouvèrent fort désappointés par la fin de l'histoire, et pensèrent qu'il serait enfin temps que leurs collègues du service compétent en matière de destinée humaine fassent preuve d'un peu plus d'inventivité. Le scénario commençait à dater... Cent mille années, peut-être, que les êtres humain pourvus d'humanité se faisaient enculer par des apparatchiks... » On aurait omis de lire la dédicace : « Spécial dédicace, donc, à Rachid Fernand Dolorès, Lucia, Marcel et ceux qui leur ressemblent. » On commettrait une erreur, une erreur de cécité, si on l’affubler de ces qualificatifs! Car ce qui nous est donné à voir c’est la réalité toute nue, sans démagogie, discours ni « princes charmants » : dans la vie, la vrai, le « peuple » se fait écraser la gueule… et comme ça ! Mais peut-être convient-il désespérer qu’un jour… qu’un soir… Qu’un grand soir… Mais nous n’en sommes pas là, si tant est que nous y soyons un jour, ce qui ne signifie pas que le « peuple » ne se rebiffe pas, dans la vie, la vrai, et donc dans ce roman : « À ce moment, Rachid bondit sur eux. Il n'hésita pas une seconde, sautant comme un diable sur l'homme en costume resté silencieux, celui qui portait le fusil scié. Dans son élan, il lui porta deux coups fulgurants dans le ventre, avec le grand couteau qui avait servi à couper le jambon. L’autre homme ne resta stupéfait qu'une fraction de seconde, mais déjà Rachid bondissait sur lui le couteau prêt à frapper. » Et comme dans la vie, la vrai, on croit un instant que la victoire est possible mais un instant seulement. Alors lisez vite Lilian Bathelot : c’est aussi noir que grand !
- REEDITION 2007 aux Editions JIGAL - Marié à Dolorès, père de la petite Lucia, Marcel est un pilier de bistrot fauché, relancé par les huissiers. Ivre, il accepte le coup minable que lui propose son ami Fernand. Ce vol de bouteilles dans une cave tourne vite à la galère : leur larcin effectué, ils repèrent un blessé gisant sur un talus en bord de route, tandis qu’un homme s’enfuit. Comment alerter les secours sans risquer un max d’ennuis ? Marcel s’adresse à la propriété la plus proche, celle du Président, un notable de la région. Sa version maladroite convainc mal. Entre-temps, le blessé a été pris en charge par Rachid et son groupe de rap. Avec Fernand, ils filent vers l’hôpital dans leur fourgon. Celui qui fuyait la scène, c’était le Président. Il n’est pas l’agresseur, mais craint d’être accusé. Quand la victime est identifiée, il s’inquiète à juste titre : ce chef d’entreprise est un ancien ami avec lequel il est en conflit. L’appui du divisionnaire Lopez ne suffira pas. Le Président élabore un plan pour se disculper, convoquant les médias. En outre, il fait appel au directeur de la sécurité Denyreau, afin qu’il fasse pression sur Marcel, Fernand et Rachid. La mise au point musclée n’est pas si claire. La version officielle qu’il impose enfonce le Président. Rachid en déduit que c’est un coup monté, un complot visant le notable. Lopez ne veut pas couvrir le Président, non plus. Un tueur aux ordres de Denyreau abat le chef d’entreprise dans sa chambre d’hôpital. Le Président réalise qu’il a été trahi... Les histoires de pauvres bougres, médiocres sympathiques, ne sont pas rares. Celles de hauts responsables tentant d’abuser de leur pouvoir, non plus. Ici, ces deux univers se percutent, et c’est l’explosion. Vie dérisoire des uns, calcul et mépris chez les autres, les portraits incitent à sourire. On glisse vers le cynisme, et c’est la noirceur qui s’installe. On passe de la comédie à la menace d’un drame, du cambriolage foireux à la peur. Unité de temps : l’auteur joue avec la narration, mais les faits se succèdent sur une courte durée. Des crapules “encostumées” contre des gens banalement quotidiens, est-ce si manichéen ? Lorsque leurs avatars sont astucieusement racontés, on se laisse volontiers séduire. Une réédition 2007 bienvenue, aux Editions JIGAL. |
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