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W.R. BURNETT |
Tête De LardAux éditions CARRE NOIR |
1396Lectures depuisLe mardi 11 Aout 2015
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Une lecture de |
Carré Noir nous offre, ce mois-ci, une réédition attendue et espérée par tous ceux qui ne connaissent l'œuvre de Burnett qu’au travers de romans aussi célèbres que « Le Petit César », « Quand la villa dort ». L'histoire est simple et tristement banale, comme le héros qui la traverse. Clinch tente de survivre en prison quand il fait la connaissance du grand Dan -politicien un peu véreux, mais sympathique. Comme tous les politiciens, Dan ne fait pas de vieux os en prison, mais c'est un personnage complexe qui a le cœur sur la main. Aussi fait-il sortir Clinch de prison et l'embauche-t-il comme chauffeur. Mais ce dernier traine avec lui un sentiment permanent d'insatisfaction, un immense mal de vivre qui l'empêche de croire au bonheur. Le bonheur, c'est pour les riches. Clinch n'attire que plus paumé que lui, comme cette Lola, une invraisemblable gamine. Et puis quand on est né avec la poisse, on la garde jusqu'au bout. Alors pour lui, Dan et Rhea, sa magnifique femme, ne seront que l'éclaircie qui prépare l’orage.
Mars 1985
L’Amérique au milieu des années 1950. Âgé de vingt-neuf ans, Jerry Clinch est emprisonné pour une longue peine. C’est un solitaire, qui ne se mélange pas avec les autres détenus. Ce qui lui vaut de sérieuses inimitiés. Un jour, il reçoit un coup de poignard – qui ne met pas sa vie en danger. Clinch est envoyé à l’infirmerie de la prison. Pas question pour lui de dénoncer le petit caïd qui l’a suriné. Au repos, il est bientôt approché par Dan Moford, qui a des problèmes de santé récurrents. Ce dernier n’est pas un truand, mais un homme d’affaire poursuivi pour malversations financières. L’avocat de Dan Moford va le faire sortir de prison sous peu. Il propose à Clinch de bénéficier des services du même avocat. Quand Clinch sera dehors, Moford aura un job de chauffeur pour lui – car sa propre épouse est une calamité au volant. Peu après avoir été libéré, Clinch intervient pour protéger la jeune Lola, harcelée par un proxénète. Il est vrai que cette brune paraît fragile, avouant dix-huit ans, mais n’étant probablement pas majeure. Lola et Clinch s’installent ensemble. Hermétique aux sentiments, Clinch ne saurait dire s’il est amoureux d’elle. Du moins, il ne veut pas la perdre. Durant la semaine suivant sa sortie de taule, Clinch dépense beaucoup d’argent pour eux deux, et son pécule fond rapidement. Il se résout à se présenter chez Dan Moford, qui possède une propriété luxueuse. Il fait la connaissance de sa blonde épouse, Rhea. Clinch devrait sauter sur ce poste de chauffeur, logé et nourri, proposé par Moford. Mais il hésite, ce job risquant de l’éloigner de Lola. Compréhensif, Moford lui permet d’avoir des horaires peu contraignants, et de continuer à vivre avec Lola. La fonction de chauffeur s’avère vite routinière. Si Rhea sympathise bientôt avec Lola, ce n’est pas par hasard. La femme de Moford n’a guère confiance en Clinch, qu’elle voit tel le repris de justice qu’il est. Quant à Lola, elle est sûre que la jeune fille est mineure. De son côté, Clinch découvre l’entourage de Dan Moford. Homme d’affaire se mêlant de politique – la corruption étant toujours utile au bizness – il compte des amis comme Al Carmer ou Mike Leavitt, qui brassent aussi beaucoup d’argent. Bien que sa santé reste instable, Dan Moford est un fêtard, avec ces deux derniers. Au-delà des soirées mondaines, il fréquente un club de jeux clandestins appartenant à Al Carmer. Rhea continue à soupçonner Clinch d’avoir un but néfaste contre Moford. C’est plus sûrement des autres employés de son mari dont elle devrait se méfier, ceux qui s’occupent de l’entretien des voitures de Moford. Clinch et Lola poursuivent leur vie commune, mais Clinch sent bien que les "amis" de son patron sont loin d’être sincères à son égard. Trop de fric en jeu, que Moford claque avec une générosité quelque peu naïve, et au détriment de sa santé. Au contraire de ce qu’en pense Rhea, ce sera sans doute à Jerry Clinch d’opérer un nettoyage dans l’entourage de Moford… Si W.R.Burnett (1899-1982) fut un scénariste productif, il reste surtout le meilleur auteur de "romans de gangsters". Non pas que ses romans glorifient la pègre, la plupart de ses héros étant des perdants. Mais il décrit admirablement l’univers des truands, des plus friqués aux plus minables. Ici, la principale qualité de Jerry Clinch, c’est d’être "réglo". Il n’exprime guère ses sentiments, y compris envers la jeune Lola ou envers Moford, ni vis-à-vis des types possiblement louches qui côtoient son patron. Clinch observe, et saura agir le moment venu. C’est avec finesse que Burnett explore les frontières entre le banditisme et les affaires "légales", avec le flot d’argent que tout cela génère. Une réalité de l’époque ? Les grands mafieux de légende – tels Bugsy Siegel, Al Capone, Lucky Luciano, Meyer Lansky – ont, pour l’essentiel, disparu. Par contre, de multiples caïds profitent à leur tour de leur part du gâteau. Clinch n’en fait pas partie : c’est un exécutant, à ranger dans le camp des perdants. Néanmoins, il possède sa propre morale. Malgré son titre français déplorable, un très bon roman de W.R.Burnett. |
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