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HAYLEN BECK |
Silver WaterAux éditions HARPER COLLINSVisitez leur site |
705Lectures depuisLe mardi 10 Avril 2018
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Une lecture de |
Audra Kinney, trente-cinq ans, traverse les États-Unis en voiture avec ses enfants, de New York jusqu’en Californie. Elle peut compter sur Sean, onze ans, pour veiller sur sa petite sœur Louise. Tous trois sont en fuite. Séparée de son tyrannique mari Patrick depuis dix-huit mois, Audra risquait de se voir retirer ses enfants. Car la famille de son époux est puissante, en particulier sa mère Margaret. Et puis, Audra a un passé de toxicomane, et a longtemps été alcoolique. Tant qu’ils vivaient ensemble, Patrick Kinney a entretenu un climat malsain, afin qu’elle soit suspectée de folie. Aujourd’hui, Audra et les enfants sont sur une route de l’Arizona, quand intervient un contrôle de police. Dans le coffre de leur voiture, le shérif Ronald Whiteside déniche une provision de marijuana. Bien que niant savoir d’où vient cette drogue, Audra est en état d’arrestation. C’est l’agent femme Collins qui va se charger de Sean et Louise. Elle est censée les conduire dans “un endroit sûr”. Ce n’est pourtant pas à Silver Water, où se trouve le bureau du shérif, qu’elle les amène. Les enfants sont bientôt séquestrés dans la cave d’une cabane. Sean tente de rester lucide pour protéger sa petite sœur. Quant à Audra, le shérif Whiteside la place en cellule à Silver Water. Depuis la fermeture de la mine de cuivre, l’essentiel de la population a déserté cette bourgade. Il n’y a plus beaucoup de vie par ici, ni guère de budget pour la police locale. Le shérif se montre conciliant avec Audra, en apparence. Mais, selon sa version des faits, aucun enfant n’accompagnait la jeune femme. L’agent du FBI Jennifer Mitchell, une afro-américaine spécialisée dans les disparitions de mineurs, a été désignée pour diriger l’enquête. Elle a glané des éléments pouvant indiquer des maltraitances d’Audra envers ses enfants. Le passé mental de la suspecte ne plaide pas non plus en sa faveur. Son témoignage ne vaut rien face à ceux des policiers : “Le shérif Whiteside et l’agent Collins ont à leur actif des années d’expérience, des états de service irréprochables. Dites-vous bien que le shérif Whiteside est un héros de guerre… Vous, vous êtes une ancienne droguée qui fuit les services d’aide à l’enfance. Quel poids pensez-vous que votre parole puisse avoir face à la leur ?” Toutefois, à l’audience du tribunal, Audra obtiendra la semi-liberté, étant obligée de loger à Silver Water. Danny Lee, surnommé Doe Jai – l’homme au couteau, appartient à la communauté asiatique de San Francisco. Il a même fait partie de la mafia chinoise locale, avant de se marier. Largement médiatisé, le cas d’Audra lui rappelle le drame qu’il a traversé. Sa fille Sara a disparu cinq ans plus tôt, et son épouse s’est suicidée. Il imagine une organisation de trafic d’enfants derrière ces affaires. Après une étape à Phoenix, Danny Lee ne tarde pas à débarquer à Silver Water. Le shérif Whiteside repère bien vite cet Asiatique qui, s’il n’est pas journaliste, n’a rien à faire dans sa ville. De son côté, Audra reçoit le soutien moral de la logeuse, Mrs Gerber, pas dupe de l’hypocrisie du shérif. Tandis que Patrick Kinney rôde par ici, Danny Lee entre en contact avec Audra… (Extrait) “Le poids de la déconvenue alourdit à nouveau les épaules d’Audra – peur, colère, impuissance. Elle enfouit son visage entre ses mains, tandis que Mitchell poursuivait. — J’ai entendu ce que vous m’avez dit à propos du shérif Whiteside et de l’agent Collins, et croyez-moi, je vais leur en parler. Mais à l’heure qu’il est, même si je ne tiens pas compte des éléments que nous avons découverts dans votre voiture, c’est votre parole contre la leur. Je me suis aussi entretenue avec d’autres personnes, aujourd’hui. Notamment au bar-restaurant où vous avez mangé de bonne heure hier matin. La responsable a confirmé que Sean et Louise étaient avec vous à ce moment-là. Pour autant que je le sache, c’est la dernière personne qui vous a vus ensemble, vos enfants et vous. Elle a dit que vous paraissiez nerveuse. — Bien sûr que j’étais nerveuse, dit Audra entre ses mains. J’essayais de fuir mon mari.” Haylen Beck n’est pas un auteur inconnu. C’est le pseudonyme de l’écrivain nord-irlandais Stuart Neville. Son roman “Les fantômes de Belfast” (Éd.Rivages, 2011) fut récompensé par le Prix Mystère 2012. Outre “Ratlines” (2013), ses titres de la série ayant pour héros Jack Lennon sont progressivement traduits en France. S’il utilise ici un autre nom d’auteur, c’est pour marquer la différence entre ses romans noirs et ce thriller. En effet, c’est un thriller intense que l’on nous propose ici. Si le sujet de base ne cherche pas à innover – deux enfants disparus, leur mère en accusation – c’est la construction du récit qui s’avère épatante. L’auteur a l’intelligence de nous décrire la manipulation dont est victime la jeune femme, et de ne pas nous cacher le caractère des protagonistes. Sous son air de flic fiable, le shérif Whiteside est complètement véreux. Si elle s’est laissée entraîner dans cette opération, l’agent Collins n’en est pas moins sa complice. Le suspense ne réside pas dans l’identité des coupables, ni dans le but du kidnapping, mais dans le sort des enfants et la capacité de leur fragile mère à surmonter l’épreuve. Certes, celui qui va l’aider a connu un problème semblable. Avant tout, Danny Lee fut un efficace homme de main pour un gang de la mafia chinoise en Californie. Il est aguerri aux situations difficiles, et il possède une maturité lui permettant de ne pas perdre son sang froid. Dès le départ, il est décidé à aller au bout de la mission qu’il s’est fixée. En parallèle, on suit également la captivité de Sean et Louise. Le garçon fait son maximum pour limiter la dureté de ce qui leur arrive. Mais tant qu’ils sont surveillés par l’agent Collins, peu de solutions se présentent pour s’en sortir. Grâce à une remarquable souplesse narrative, cet excellent thriller aux péripéties multiples et à l’ambiance tendue passionne du début à la fin. Un roman à dévorer sans modération. |