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GAETAN BRIXTEL |
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843Lectures depuisLe dimanche 4 Juin 2017
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Une lecture de |
Recueil de nouvelles. Présentation Jeanne Desaubry. Parution novembre 2016. 176 pages. 8,00€. Pour ne garder que le meilleur ? L'art de la nouvelle est un exercice littéraire difficile et contraignant, fort prisé des Anglo-Saxons. Mais en France la nouvelle est considérée comme un art mineur, souvent dédaigné, méprisé. Pourtant que de romanciers ou écrivains se sont illustrés par leurs courts textes, d'Edgar Poe à William Irish en passant par Ernest Hemingway, Conan Doyle, Fredric Brown, Robert Bloch, Isaac Asimov, Raymond Carver, Jean Ray, et bien d'autres, et pour les Français, le maître en la matière Guy de Maupassant et ses émules, Marc Villard, Frédéric H. Fajardie, Georges Olivier Châteauraynaud, Daniel Boulanger, sans oublier ceux qui ont effectué leurs premières armes en publiant dans de petites revues plus ou moins confidentielles comme Pascal Dessaint. L'art de la nouvelle ne consiste pas à écrire quelques pages, et basta. Non, il faut une histoire, une atmosphère, et surtout une chute, que ce soit issu d'un quotidien qui pourrait sembler banal ou d'un imaginaire survolté. Il est vrai que souvent une historiette, un événement qui vous arrive à vous ou à une de vos connaissances peut servir de support à une nouvelle, mais encore faut-il donner de la consistance au texte dans la description des personnages et de ce qui leur arrive pour n'en garder que le principal sans être pour autant disert. Il faut un regard aiguisé, une perception acérée des sentiments, pratiquer une économie de mots pour entrer dans le vif du sujet sans attendre. C'est à dire le contraire de cette chronique qui n'a pour but que de vous présenter un nouvel auteur prometteur. Pour ceux qui fréquentent, en tout bien tout honneur, Madame Ska, ce nom ne leur est pas inconnu : Gaëtan Brixtel. Ils apprécieront aujourd'hui de pouvoir lire plusieurs de ses textes, certains inédits, en version papier, ce qu'on fait de meilleur si l'on veut posséder un ouvrage dédicacé. Mais si on entrait dans le vif du sujet comme disait Casanova ! Deux thèmes majeurs charpentent ces nouvelles : l'enfance et l'adolescence, et la violence, morale et/ou physique, provoquée dans le cadre de la famille ou par des proches.
Ainsi Dans ton ventre met en scène une jeune femme qui coure dans la rue, visiblement dans le but de se faire faucher par une voiture. Mais Tu, Toi le lecteur, Tu es cette fuyarde et Tu t'immisce dans son esprit, revivant Tes années de mariage avec un mari violent auquel Tu destines un petit cadeau.
Poubelle girl, dont le titre est un hommage au roman Poubelle's Girls de Jeanne Desaubry, possède pour décor un immeuble en décrépitude, dans une zone urbaine sensible qui autrefois connut un certain chic. Mais c'était avant. Aujourd'hui les habitants ont l'habitude de déposer leurs sacs poubelles à l'entrée de la cave, dédaignant les descendre. la puanteur envahit la cage d'escalier. Et il y a la Fille, mal fringuée, mal coiffée, mal lavée, assise sur les marches, qui pleure.
Pour sa fête d'anniversaire, Teddy a invité ses copains, Nicolas, Antonin et Pierre, ainsi que sa copine Rachel. Teddy est le plus vieux, quinze ans, les autres sont un peu moins âgés, mais la mère de Teddy pense qu'elle peut leur faire confiance et les laisser seuls dans l'appartement, pour la soirée. Bière au menu, clopes, un peu de shit, Teddy et ses copains font comme les grands et ils s'émancipent. Mais ils ne sont pas habitués à ce genre de mélanges, Rachel encore moins qui s'éclipse dans la chambre afin de se reposer. Et au début c'est Juste pour voir, que les quatre ados la rejoignent.
Dernière visite, c'est comme une délivrance pour monsieur Balmain qui vit seul, et il en est content, satisfait même, heureux en un mot. Sa femme dont il est séparé depuis des années vient de décéder dans un EHPAD. De toute façon Renée, la défunte a toujours été malade, souffrante. Du chiqué. Pour certains elle fut même une hypocondriaque vindicative. Mais ne disons pas du mal des morts, ne soyons pas méchants comme elle le fut sa vie durant. N'entamons pas non plus une procédure de réhabilitation, comme ces prêtres qui déclament une apologie totalement mensongère lors de la cérémonie des funérailles. Pour Elise Chassaigne, sa fille, ce sont surtout les remontées nauséabondes de son enfance qui encombrent son esprit. Une enfance tumultueuse qui l'amenait à souiller ses draps, engluée dans la peur de sa mère.
Une histoire banale ne l'est pas tant que ça, mais si les gens en parlent en catimini, Julie, qui a vécu cet incident malheureux, essaie de ne pas les entendre. Ce qui lui est arrivé, c'est tout simple. Julie n'avait que quinze ans, le bel âge pour découvrir l'amour. Pas pour se faire violer. Mais faut bien faire comme si, après Ce qui lui est arrivé. Ou pas.
Mini-Pouce est une jeune mère célibataire dont la gamine enchante les jours et les nuits des voisins par ses pleurs et surtout ses cris. Mais pour le narrateur, là aussi c'est un peu comme une délivrance. Les cris de la gamine, Alice, dissimulent les Voix qui résonnent dans sa tête. Alors il se propose de garder Alice, il est libre, et la jeune mère pourra aller vaquer à ses propres occupations, rechercher du travail.
Des historiettes simples en apparence, voire banales, mais qui prennent une importance vitale si l'on se penche attentivement dessus, et si l'on regarde autour de soi. On se rend compte que nous connaissons tous, plus ou moins, des personnes qui ont vécu ou vivent ce genre de désagrément, des histoires familiales pas piquées des vers, qu'il suffit d'exploiter avec tact. Toutefois le style narratif de Gaëtan Brixtel incite le lecteur à être partie prenante de ces tranches de vie, lui laissant même le soin d'interpréter selon sa sensibilité la chute, le dénouement. Et bizarrement j'ai cru parfois me trouver en compagnie de personnages issus de l'univers de Reiser, avec un clin d'œil à Francis Veber. En effet on retrouve le nom d'Elise Chassaigne dans deux des textes, Poubelle girl et Dernière visite, sans que pour autant il y ait corrélation entre les deux protagonistes. Gaëtan Brixtel n'a que vingt-sept ans, et toute la vie devant lui, mais on ne peut s'empêcher de songer qu'il a, sinon vécu personnellement certains épisodes décrits, au moins connus certains de ses faux héros de papier, qu'il a puisé dans son entourage des situations, des traits, des répliques.
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