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JACQUES BABLON |
Nu Couché Sur Fond VertAux éditions JIGALVisitez leur site |
2591Lectures depuisLe jeudi 9 Mars 2017
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Une lecture de |
Romain Delvès et Margot Garonne sont âgés d’une trentaine d’années. Tous deux sont flics dans le même commissariat, policiers de base. Ils se connaissent, amis sans plus, gardant une certaine distance. Romain fait équipe avec Ivo Fonzi, qui joue volontiers les cadors, un adepte des opérations musclées, un partenaire ayant "l’esprit flic". Romain est issu d’un milieu très aisé. Paul Delvès, son père, fut l’unique héritier de la fortune familiale. Anna, sa mère, évolua un temps dans le cinéma. Lassée de l’attirance de son époux pour les jeunes filles, Anna s’exila au Canada, où elle vit depuis longtemps avec sa compagne. Il est vrai que, dans le chalet montagnard des Delvès, on accueillait beaucoup de jeunes, surtout des groupes de filles. Ce qui n’était pas sans créer des incidents, parfois violents. Ce que Romain retient de positif, c’est sa relation avec Dimitri, venu de Lettonie. Dimitri avait douze ans de plus que le petit Romain, âgé de deux ans. Une relation fraternelle et complice s’établit entre eux. D’ailleurs, Dimitri s’est établi dans la région depuis. Le drame pour Romain se déroula quand il avait six ans. Son père fut abattu par des inconnus, une affaire jamais élucidée. C’est ce qui l’incita a entrer dans la police. De son côté, Margot Garonne est divorcée, mère de trois filles. Avec elles et son métier, sa vie est bien remplie. Quand Romain et Ivo Fonzi sont victimes d’un traquenard monté par des malfrats, Ivo ne tarde pas à mourir, tandis que Romain risque de sévères séquelles. Margot devient sa garde-malade, avant qu’il s’efforce de récupérer physiquement sa forme d’avant. Romain a évoqué pour Margot le meurtre de son père Paul. La jeune femme fait bientôt une fixation sur l’affaire, remontant à un quart de siècle. En parallèle de son métier, elle retrouve Zoé Gardel, une des adolescentes qui séjournèrent au chalet des Delvès. Elle fut témoin du crime, se souvient qu’il s’agissait de la vengeance d’une femme, accompagnée par deux comparses. Le prénom de la tueuse sonnait américain, mais elle ne s’en rappelle plus exactement. Peut-être cette Jessica, qui joua dans le film réalisé par Anna ? Margot déniche le vrai nom de cette personne, Jeanne, et se rend dans le village côtier au bord de l’océan, où elle vit. Quant à Romain, il a choisi de traquer les assassins d’Ivo Fonzi. S’il retrouve leur piste, grâce au détective qu’il a engagé, il sera sans pitié envers ces tueurs. L’avenir de Romain n’est certainement pas dans la police, d’autant que le vrai flic, c’était son défunt partenaire. Autant faire rénover le chalet familial des Delvès, et s’y installer. Margot ne renonce pas, quant à elle, rencontrant un gendarme retraité qui enquêta sur le meurtre de Paul. Lorsqu’elle fait la connaissance de Dimitri, Margot entame une nouvelle étape dans sa vie. Convaincre sa hiérarchie de relancer l’affaire Paul Delvès ? Pas facile… (Extrait) “Titillée par le meurtre de Paul Delvès, [Margot] avait demandé à Romain de rassembler ce qui avait trait à l’été meurtrier. Il avait mis dans une boite tout ce qu’il avait ramené du chalet. Romain ne savait pas quoi penser de l’insistance de Margot à reprendre en main l’enquête. Qu’elle s’occupe de son père mort qu’elle n’avait pas connu vivant était troublant. Ça tenait de l’hommage ? De l’intrusion déplacée ? Il se dit surtout qu’il ne risquait rien à la laisser faire. Au mieux, il ne serait pas mécontent que l’assassin de son père se fasse choper. Ce serait sans l’ordre des choses. Mais pas plus, il n’était plus motivé par le sujet. Il savait que ça ne réparerait pas les dégâts que ça lui avait causés, qu’il n’y avait pas d’autre choix que de faire avec.” Il est bon de préciser qu’il ne s’agit pas ici d’un roman d’enquête, mais d’un authentique polar. On pourrait même dire : un polar de qualité supérieure. Sa finesse provient d’abord des portraits des protagonistes. L’auteur n’oublie pas que, dans la vraie vie, chacun à son propre parcours, linéaire ou plus chaotique. Margot, mère de famille divorcée, n’est pas si proche du célibataire Romain, fils d’un milieu fortuné marqué par des drames. Elle n’a pas de motif "objectif" de fouiller dans le passé, mais cela donne un sens à ses capacités mal exploitées dans la police. Quant à la relation entre Dimitri et Romain, elle est exemplaire dans sa subtile description : on a envie de répondre en écho que c’est bien ainsi que peut démarrer une longue et solide amitié mutuelle. Cette histoire n’est pas située géographiquement, pas d’indication de ville ou de région. De tels détails n’étaient pas indispensables. Néanmoins, les décors sont habilement esquissés. Visuelles et réalistes aussi, les scènes s’y déroulant s’avèrent très vivantes. Les allers-retours dans les époques ajoutent du piment au récit. Tous les éléments de cette intrigue captivante en font un suspense riche, que l’on dévore avec passion.
Polar Jigal. Parution 15 février 2017. 216 pages. 17,50€. Comme le Dormeur du val d'Arthur Rimbaud ? Se côtoyer au travail et s'ignorer, cela arrive souvent. Ainsi Margot, mariée et mère de famille de trois filles. Ainsi Romain, célibataire au passé nébuleux. Tous deux sont policiers, et un jour ils se découvrent un penchant pour la santé d'un ficus végétatif, atteint d'une invasion d'araignées rouges, dans l'entrée du commissariat. Ils s'en occupent, plus ou moins, surtout Romain qui se prend d'une passion horticole insoupçonnée. Un jour Romain invite Margot à dîner, juste comme ça, pour le plaisir, ou pour changer des habitudes. On ne dira jamais assez le bienfait procuré par le voisinage des plantes. Margot parle d'elle et de son ménage, très peu, et Romain se confie un peu plus, sur sa jeunesse. Romain a perdu son père à l'âge de six ans, d'un accident, puis sa mère l'a abandonné, pendant trois ans, et il s'était cru orphelin. Un incident de parcours, un de plus. Margot est devenue policière en contradiction avec l'éducation qu'elle a reçue sans l'avoir demandée. L'esprit de contrariété. Margot et Romain se retrouve incidemment dans une boutique bio. Enfin il l'a vue entrer dans la boutique et comme par hasard ils se retrouvent nez à nez. Romain se confie un peu plus sur sa prime jeunesse. En réalité le père de Romain n'est pas mort d'un accident, mais d'un meurtre, ce qui change la donne profondément. Et c'est pour retrouver l'assassin de son père que Romain est devenu un policier. Un simple policier, d'accord, mais au moins il a un pied dans la maison. Et depuis il n'a guère avancé. Rentrée chez elle Margot se balade dans les arcanes d'Internet à la recherche du passé des parents et grands-parents de Romain. C'est comme si une épidémie avait décimé la famille de Romain, dont seul le père, alors un adolescent, avait survécu pour être ensuite assassiné. Une famille à qui l'argent n'a pas fait le bonheur Margot, dont le ménage est en déliquescence, se jette comme une affamée tandis que Romain est aux prises à une affaire personnelle. Son coéquipier Ivo, un chien fou, est décédé dans un accident de la circulation provoqué par des grossistes de drogue, tandis que lui-même est grièvement blessé, se remettant petit à petit dans un hôpital. Au début, il est meurtri dans ses chairs, mais à force de courage il arrive à remonter la pente, cachant même à tous et surtout à Margot qu'il a recouvré ses moyens physiques. Il se met en chasse et coince les meurtriers puis il donne sa démission, préférant se réfugier dans son immense chalet montagnard.
On entre dans ce roman comme si on assistait à une projection de diapositives défilant à un rythme soutenu. Parfois elles possèdent ces interférences, des décalages. Le parcours de Romain, son enfance jusqu'à ses six ans, dans le cocon familial, surtout près de son père car sa mère cinéaste est accaparée par des tournages, est placé en incrustation dans les différents avatars que connaissent Margot et Romain dans leurs enquêtes respectives. La tension monte progressivement, d'un côté alimentée par les recherches couronnées plus ou moins de succès de Margot qui remonte le fil du temps et pense mettre une identité sur la personne à l'origine de la mort du père de Romain, de l'autre par les prospections de Romain concernant les auteurs du carambolage qui a coûté la vie d'Ivo et l'a obligé à se mettre pendant un certain temps en marge de son travail. Une leçon de courage et de patience pour ce faux couple atypique de policiers qui se fréquentent et peu à peu nouent des relations qui ne sont plus uniquement professionnelles. Tout s'enchaîne inexorablement jusqu'à un final éblouissant et quasi apocalyptique. L'amitié est l'un des ressorts principaux de cette histoire qui ne ménage pas le lecteur, avec des pointes de tendresse procurées par des enfants dont l'adolescence est marquée familialement ou physiquement.
Curiosités : Il n'est pas bon parfois d'assister à des invitations, des vins d'honneur, des cocktails amicaux, car les boissons avalées conjuguées aux petits fours gobés avec voracité pour éviter à devoir se préparer un repas chez soi, se traduisent par des dysfonctionnements verbaux. Ainsi peut-on lire page 62 : une femme, perchée sur des escarpins façon Louboutin, ouvra un four où elle aurait pu mettre le poing. Quant à Romain, lorsqu'il déclare à Margot : Ma mère a 45 ans, elle voyage dans le monde entier, on peut supposer qu'il s'agit de sa part d'une forme de galanterie. En effet le meurtre de son père, remonte à vingt-cinq ans alors qu'il avait six ans. Donc par le mode déduction on peut affirmer qu'au moment où il s'exprime ainsi, Romain a trente et un ans. Donc sa mère aurait enfanté à quatorze ans. Ce qui n'est pas impossible en soi, mais avoir réalisé au même âge un film, relève de la pure utopie. Allez, on ajoutera une dizaine d'années supplémentaires à la mère de Romain, et on n'en parlera plus.
Margot Garonne et Romain Delvès : deux flics d’une même brigade. Deux flics qui s’observent, se cherchent, discutent et s’évitent. Et leurs histoires se croisent, s’emmêlent et se tissent jusqu’à l’inextricable… jusqu’à l’inexplicable. Margot s’attelle à une enquête parallèle et officieuse : retrouver les meurtriers du père de Romain, retrouver ceux qui, vingt-cinq ans plus tôt, on abattu Paul Delvés sous les yeux de Romain. Pourquoi s’investit-elle dans cette tâche ? Parce qu’elle est elle, parce qu’il est lui… Romain est sorti indemne de l’accident provoqué par des trafiquants. Son collègue Ivo, qu’il apprécie peu, n’a pas eu cette chance : Ivo est mort. Alors, Romain n’a plus qu’une idée en tête : venger son partenaire. Pourquoi s’arme-t-il d’un Beretta et d’un fusil à lunette ? Parce qu’il est il, parce qu’il était lui… Romain a quitté la police… il vit en montagne… dans la maison de son père, celle où un inconnu lui donna la mort… et le hasard d’une trouvaille, au fond de la piscine, ne va pas seulement apporter l’amour à Margot, elle va aussi la mettre sur la piste de la meurtrière : drame de la charité ; tragédie de la rancœur ; course folle et débridée, arme à la main depuis 25 ans. Grâce une syntaxe économe, pour un style percutant, Jacques Bablon conte un triple fait divers qui se pare des valeurs de l’universel, parce que l’universel est constitué de ces hasards, de ces aigreurs sordides, de cette violence extrême, mais aussi de cet amour croisé sur les hautes cimes ou ailleurs… de ces « parce que c’était lui, parce que c’était moi »
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