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KELLY BRAFFET |
Sauve-toi !Aux éditions ROUERGUE NOIRVisitez leur site |
840Lectures depuisLe jeudi 23 Avril 2015
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Une lecture de |
Âgé de vingt-six ans, Patrick Cusimano vit à Ratchetsburgh, dans la banlieue de Pittsburgh (Pennsylvanie). Célibataire, il est employé de nuit dans une station-service. Il est amateur de films d'horreur et de hard rock métal. Il habite avec son frère Mike et sa petite amie Carolyn dans la maison de leur père. John Cusimano est en prison après avoir, en état d'ébriété avancé, heurté et tué un enfant dans un accident de voiture. La population ne cache pas son hostilité envers ses fils Patrick et Mike, qui ont tardivement alerté la police. Sur Internet, on réclame la vengeance aussi à leur encontre. Troublé après un choc avec un cerf, Patrick ne veut plus conduire. Laisser sa voiture garée devant chez les voisins ne va guère leur plaire. Par ailleurs, au hasard d'une absence de Mike, Caro couche avec Patrick. Pour ce dernier, si proche de son frère, difficile d'effacer cette trahison. Jeff Elshere est pasteur d'une communauté catholique radicale. Son épouse et lui ont deux filles. L'aînée, Layla, est une lycéenne âgée de dix-sept ans. Elle doit son prénom à une chanson célèbre d'Eric Clapton, avant que ses parents n'adhèrent à la religion. Son look gothique, Layla l'a choisi depuis l'an dernier, après un problème au lycée, polémique dans laquelle son père joua un certain rôle. Depuis, elle joue les rebelles avec une bande d'amis provocateurs. Entrant au lycée, sa jeune sœur Verna subit les conséquences de la pagaille semée par Layla. L'anonymat, elle ne doit pas y compter. Un groupe d'élèves imbéciles la surnomme Vénérienne, en raison de son prénom curieux. Il n'y a que le jeune Jared qui lui montre un peu de sympathie en cours de dessin. Au fond, Verna admet que Layla n'a pas tort de la traiter de "zombie obéissante", conforme à l'attente de leurs parents. Tandis que Verna suit Layla et sa bande d'amis marginaux, allant jusqu'à se teindre les cheveux à l'exemple de sa sœur, la gothique Layla a fait irruption dans la vie de Patrick. Elle vient l'asticoter à la station-service, le relance ensuite pour qu'ils sortent ensemble. Le jeune homme sait que neuf années de différence, Layla étant mineure, ça risque de poser un sévère problème. Caro commence à vraiment s'inquiéter des menaces contre les frères Cusimano. La maison est toujours au nom de leur père : certains vengeurs pourraient bien faire pression pour qu'elle soit vendue. Se marier avec Mike, mener leur vie ailleurs, Caro ne sait si ce serait mieux. Pour l'heure, afin d'éviter un problème de voisinage, il faut vider le garage des affaires du père pour y ranger la voiture de Patrick. Au lycée, Verna se forge une carapace pour résister : “Elle s'en fichait. Elle était coriace. Elle était du titane.” Après les saloperies des forums Internet, les graffitis sur son casier, et un "cadeau" de très mauvais goût, Verna est agressée et humiliée par le groupe de lycéen(ne)s hostile, qui filme la scène. La direction du lycée ne l'aidant pas, Verna rejoint sans complexe Justinien et les amis rebelles de Layla. La gothique et Patrick sont devenus de plus en plus intimes, même si le jeune homme ne sent pas de sentiment pour elle. Car il y a aussi Caro. Sans oublier tout le reste de leurs ennuis présents et à venir. Règlements de comptes et dérapages funestes sont à craindre… Quelle place peuvent espérer les jeunes des classes moyennes modestes dans l'Amérique actuelle ? Le monde est-il si exemplaire, qu'il suffise de suivre un chemin tracé ? Est-il normal qu'on les confine dans des jobs sans intérêt, qu'on instrumentalise leurs esprits au nom d'une religion ou des codes traditionnels ? Pourquoi accable-t-on des fils pour la faute d'un père, pourquoi laisse-t-on l'impunité à des cadors de lycée persécutant les plus faibles ? Pourtant, ces jeunes gens sont simplement issus du quotidien et ne réclament que la paix, une vie tranquille. Qu'on leur accorde plus de confiance ou de liberté, face aux valeurs strictes en vigueur, est-ce si grave ? S'ils se marginalisent après avoir été montrés du doigt, n'est-ce pas la société qui risque d'en faire des monstres ? Ces questions-là, Kelly Braffet ne les formule pas ouvertement. Néanmoins, c'est bien ce qu'elle illustre à travers cette histoire. Le regard qu'elle porte sur un aspect des États-Unis incite à la réflexion, non pas à juger les personnages. Leurs douleurs intimes, elle nous les transmet avec une belle empathie. C'est l'oppression "des autres" qui les perturbe, qui complique leur vie ordinaire. La force de se défendre, Layla l'a peut-être trouvée. Sa jeune sœur tente d'y parvenir. Patrick s'est replié sur lui-même, avec une part d'indifférence. Caro et Mike croient encore au futur. Une intrigue aussi sombre que fascinante de réalisme et de crédibilité, une sorte de témoignage sociologique, voilà ce que Kelly Braffet nous présente dans cet excellent roman noir humaniste. |