911 de Shannon BURKE


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SHANNON BURKE

911


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Le samedi 14 Juin 2014

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Shannon BURKE




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Début 1993, Oliver Cross débute comme ambulancier à la Station 18 de Harlem. Il compte de nouveau tenter l'examen d'entrée en médecine. Ce qui lui vaudra d'être surnommé “Le Légiste” par ses collègues. Ollie admet être moins combatif que sa petite amie Clara, déjà admise en médecine. Chez les urgentistes new-yorkais, il va devoir s'accrocher. D'abord, éviter d'être éjecté comme le jeune Phelps, venu du Tennessee rural, jamais inséré dans le groupe. Sauver un vieil asthmatique dominicain, ne pouvoir rien faire pour une fille tomber d'un immeuble, écarter un clodo alcoolo d'un restaurant propre, appeler les flics si des toxicos mineurs les menacent, tel est le quotidien de leurs interventions. Ollie a de la chance d'opérer en duo avec le solide Gene Rutkovski. Cet ex-militaire est un urgentiste expérimenté, fonceur mais bien moins brutal que leur collègue LaFontaine.

Après quelques erreurs pardonnable, Ollie finit par être mieux apprécié dans leur groupe, quand il réussit à mâter un chien très méchant. Il réalise que savoir doser son altruisme est indispensable dans ce job. D'autant qu'Harlem dans ces années 1990 reste un quartier violent, où l'on ne respecte guère les ambulanciers de la minable Station 18. Comme le flic Pastori, il convient parfois de férocement rappeler à l'ordre des petits voyous. Imaginer rester indifférent à ce qui les entoure est impossible. Surtout quand il s'agit de découvrir un cadavre dans sa vermine, ou même de calmer un jeune suicidaire d'un milieu clean. Après “Le Légiste”, Ollie risque d'être surnommé “La Mère Teresa de Harlem” s'il montre trop d'empathie. À la Station 18, l'ambulancier confirmé Reggie Verdis joue déjà ce rôle de perpétuel Bon Samaritain. Il est vrai qu'il faillit emprunter une voie plus religieuse.

Sa relation avec Clara devient tendue, car elle éprouve de l'animosité pour Rutkovski, et ne comprend guère que c'est un métier où il faut s'impliquer à fond. De son côté, s'il reste discret sur sa vie privée, Rutkovski a sa part de problèmes avec son ex-quatrième épouse. Il conseille à Ollie de ne pas s'éterniser dans ce job, s'il veut une vie équilibrée. Entre Mitch Green, boxeur du niveau de Mike Tyson qu'il faut maîtriser, et un concert des Fugees qui vire très vite à l'émeute, peu de répit pour les urgentistes en cet été caniculaire.

Ce n'est pas le mordant LaFontaine qui calme l'ambiance au boulot. Quand Rutkovski et Ollie interviennent chez une junkie venant d'accoucher d'un bébé sans vie, c'est le début des ennuis. “Mort-né. Une toxico accro au crack séropositive qui a continué à prendre de la méthadone pendant sa grossesse. Tu t'attendais à quoi ?” Sauf que le scénario est autrement interprété par la hiérarchie et par les médias. En espérant que Rutkovski soit réintégré, Ollie fait désormais équipe avec le bienveillant Verdis...

Shannon Burke utilisait un contexte new-yorkais proche dans son premier titre paru en français, “Manhattan Grand-Angle” (Série Noire, 2007). Cette fois, se servant de sa propre expérience d'ambulancier à New York, il va très loin dans le réalisme. D'abord, le Harlem décrit ressemble d'assez près à l'enfer : “Des rues sales, des stations de métro délabrées, des poubelles qui débordent, des rats, des terrains vagues un peu partout... Les districts les plus violents étaient le 32e à West Harlem et le 34e à Washington Heights. C'était précisément la zone que notre unité quadrillait, et nous en étions fiers.” Dans de pareilles conditions, une sérieuse force de caractère est indispensable pour tenir. Des extraits de la formation des ambulanciers, cités dans le récit, indiquent qu'on essaie de les préparer. Les cas décrits par l'auteur sont nettement plus “parlants”, bien évidemment.

Cette histoire est puissante, sans lyrisme excessif, par la tonalité de son témoignage. Chez les urgentistes, existe un panel de comportements. Ça va du plus soucieux des autres comme Verdis, au plus cynique tel que LaFontaine (qui affirme “Pour préserver l'objectivité et la distance professionnelle qui s'imposent, le mieux pour un ambulancier, c'est de détester ses patients”). Et des pros vraiment compétents comme Rutkovski, pouvant finir par éprouver des états d'âme négatifs. Plus qu'une vocation, leur métier devient addictif chez la plupart de ces ambulanciers, primordial tout en étant conscients qu'ils ne sauvent pas tant de gens. Parce que dans cette population, soit de purs toxicos, soit de pauvres mal soignés, beaucoup sont à la frontière de la misère avec un pied dans la tombe.

S'il avait cherché à nous apitoyer, Shannon Burke serait passé à côté de son sujet. Bien au contraire, il montre que vivre à Harlem en ce temps-là, c'est accepter d'être en marge. Y compris pour ces urgentistes mal considérés de tous. Toute la dimension sociale du roman noir, dans cet univers vécu où règne l'incessante présence de la mort. C'est remarquable !

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Une autre lecture du

911

de
L A

L A

911, trois chiffres pour dire la misère brute qui sévit dans certains quartiers des mégapoles luxueuses entrevues à la télévision.

911, un numéro qui n’a pas cours à Harlem, mais qui aux lecteurs hexagonaux dit la vigilance des urgentistes qui veillent en permanence sur une humanité aux portes de la mort.

Oliver Cross, le narrateur de ce roman aux accents de témoignage, est l’un des ambulanciers de la station 18, de celle qui couvre Harlem. Arrivé là après son échec à l’examen de médecine, il n’envisage d’exercer cette activité que passagèrement, en attendant d’être enfin admis à la Faculté…

Malheureusement la misère, à laquelle il est quotidiennement confronté, déteint sur tous ceux qui la fréquentent trop assidument. Certains se cachent derrière un mutisme distant, pendant que d’autres recourent à la violence pour la tenir à distance… mais tous changent radicalement.
Ainsi, Oliver rompt avec sa fiancée Clara, qui lui reproche de ne plus ambitionner une carrière de médecin, pendant que d’autres mettent fin à leur vie, vaincu par l’absence d’espoir.

« Le fait d'être constamment exposés à ce genre d'attaques nous affectait tous. En dépit de notre statut de soignants, notre façon d'agir n'avait rien à voir avec le reste du corps médical. Nous étions une sorte de croisement entre le soldat et le secouriste. Nous étions comme des aides soignants militaires en plein champ de bataille. Harlem sortait tout juste de la plus grosse vague de violence du siècle. Le quartier avait perdu un tiers de sa population depuis le milieu des années 1980. 50 % des édifices de Central Harlem avaient été abandonnés par leurs propriétaires : des pâtés de maisons entiers s'étaient transformés en taudis condamnés, à moitié calcines. Crime, pauvreté, drogue, des gens désespérés tâchant tant bien que mal de survivre : c'était le Harlem du début des années ».

Shannon Burke livre un roman poignant qui, comme l’affirme le quatrième de couverture, « prend littéralement le lecteur à la gorge ».
Mais bien plus qu’un simple roman ou un simple témoignage, « 911 » se révèle au final être un émouvant hommage aux ambulanciers de « l’ancienne station 18 », un hommage qui n’oublie pas de pointer les responsables :

« Beaucoup s'accordaient à penser que cette situation pourrie était la conséquence des politiques socio-économiques désastreuses qui s'étaient succédé durant des années. Tous ceux qui vivaient à Harlem étaient de cet avis. Nous aussi »



Une autre lecture du

911

de
JEANNE DESAUBRY

JEANNE DESAUBRY

Ames sensible s’abstenir.

911 s’avère un condensé hyper concentré de désespoir, de maladie, d’accident, de saleté et de misère. Shannon Burke, dans un premier roman tripal, a lâché tout ce que lui ont appris ses années comme ambulancier dans New-York, ville de tous les excès, quartier de Harlem. Ollie Cross, un peu flemmard, a raté son examen d’entrée en fac de médecine. En attendant de pouvoir le repasser l’année suivante, il faut vivre. Il va donc apprendre sur le tas le métier d’ambulancier. Relations strictement codifiées entre collègues, cynisme ambiant, violence permanente, ses premières semaines sont plus qu’éprouvantes. Il tient bon, mais c’est sans doute au prix de la perte de ses illusions. Cyniques, voire racistes, violents et indifférents, certains collègues vont l’entrainer dans une spirale où il risque de perdre son âme.

Victimes de viol, d’inceste, de violences domestique, camés en over dose, bébé morts nés, cadavres bouffés par les asticots deviennent son quotidien jusqu’au jour où l’intervention de trop pour un de ses collègues va remettre durement le jeune Ollie sur les rails.

Roman d’une initiation, peinture d’une descente aux enfers, 911 est impressionnant car il sait finalement revenir, après les péripéties, au cœur de l’homme, sujet qu’il traite avec une urgence brulante. 

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JEANNE DESAUBRY
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