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LAETITIA BOURGEOIS |
La Fille De BaruchAux éditions 10/18Visitez leur site |
311Lectures depuisLe jeudi 6 Fevrier 2014
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Une lecture de |
En 1365, le royaume de France n'est pas encore sorti du Moyen-Âge obscurantiste, ni des épidémies revenant ponctuellement faute d'hygiène. Barthélémy Mazeirac et sa compagne Ysabellis habitent à Marcouls en Margeride, village aux confins du Gévaudan. Barthélémy est au service du seigneur de Randon, régnant sur Châteuneuf et sa contrée. Désormais, il a le grade de bayle, officier chargé du maintien de l'ordre. Ce sont les contrebandiers qui, ne s'acquittant pas des taxes seigneuriales, sont la cible actuel de Barthélémy et Albier, le maître péager de Châteauneuf. À l'occasion de la foire, on espère trouver une piste. De son côté, Ysabellis est enceinte, ressentant l'angoisse de ne pouvoir procréer. Si elle fut considérée comme une sorcière, c'est maintenant une guérisseuse reconnue. Elle fait tout ce qu'elle peut pour sauver en particulier les enfants, mais désespère face à la quantité de décès récents. Elle est impuissante à cerner cette maladie, à guérir les gens. Barthélémy est contacté par Baruch, un vieux Juif. Expulsés du royaume une quarantaine d'années plus tôt, il fut de ceux qui se réfugièrent en Catalogne avec ses proches. Ils ont de nouveau droit de vivre en France depuis peu. Si Baruch est revenu, ce n'est pas tant pour récupérer les biens dont il fut spolié. À l'époque, il confia sa fille souffrante, Elisheva, à une nourrice, Margote. Depuis, aucun de ses émissaires n'a retrouvé la trace de la fille de Baruch. À Marcouls, la vieille Gérauda se souvient un peu de ce lointain temps. Dans le cercle du vieux Juif, on est réservé sur l'intérêt de retrouver Elisheva. Barthélémy entend les rumeurs sur les nuisances prêtées aux Juifs. On n'est pas loin de les accuser de causer les épidémies. La roublardise est de mise pour ceux qui font commerce avec eux. Parmi les agressifs, Barthélémy repère le nommé Tancrède Perart, pieux mais hostile aux Juifs. Baruch voudrait racheter son ancienne maison. Barthélémy y découvre une pièce servant de synagogue, et une étrange cave avec un bassin. Le vieux voisin Berard se souvient du cas d'Elisheva. En réalité, ce sont deux fillettes que Margote élevait. Le trio disparut un jour, en catimini. Supposer une conversion au catholicisme pour offrir une normalité aux deux enfants, ailleurs qu'ici, n'a rien d'absurde. Le vieux Baruch décède, peu après avoir été trouvé gisant dans la rue. Très certainement s'agit-il d'un meurtre. Ysabellis assiste quelques temps le médecin de la ville. Ce dernier admet que le savoir médical des Juifs ne serait pas inutile pour soigner ses patients. Autant pour se protéger de la maladie que pour glaner des infos sur la nourrice Margote, Ysabellis va séjourner dans la ville du Puy. Barthélémy s'interroge à la fois sur la mort d'agneaux appartenant à des bergers de Belvezet, sur la religieuse béguine sœur Anna, et sur les activités passées et actuelles de Baruch et de ses congénères... Ce sixième épisode – inédit – de la série médiévale écrite par Lætitia Bourgeois apparaît très réussi, pour plusieurs raisons. L'auteure fait preuve d'une belle fluidité narrative, en premier lieu. Elle ne cherche pas à restituer un approximatif langage de l'époque, qui nous semblerait sûrement artificiel. Pas plus qu'elle n'abuse de mots rares : le glossaire définit une quinzaine de termes dans leur sens moyenâgeux, c'est suffisant. Lætitia Bourgeois n'a nul besoin de nous prouver qu'elle est documentée sur le contexte, d'étaler son érudition. Elle se sert avec naturel des éléments qu'elle connaît bien. Autre élément favorable : il n'est pas indispensable d'avoir lu tous les romans précédents pour situer les héros, le couple Barthélémy/Ysabellis. Le poste de “chef-enquêteur” offre à Barthélémy un poids non négligeable, tandis que sa compagne reste angoissée d'autant qu'elle se pose encore des questions sur ses origines. Moins guerroyeur, le seigneur de Randon assume avec équité la sécurité et la justice vis-à-vis de ses populations. Les deux thèmes de fond sont les épidémies et la place des Juifs dans la société d'alors. La maladie, fléau omniprésent dans l'histoire de France, sans remèdes sérieux pendant des siècles, faute de cultiver les connaissances médicales. Quant au sort des Juifs, on voit qu'il leur fut difficile de s'intégrer, alors qu'ils étaient périodiquement les bouc-émissaires tout désignés. Ils n'avaient d'autre choix qu'une solidarité communautaire. Ces sujets sont ici traités sans la moindre lourdeur, grâce au récit fort bien rythmé. Voilà un suspense qui, remontant loin dans le passé, se lit avec grand plaisir. |
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