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MECHTILD BORRMANN |
Rompre Le SilenceAux éditions LE MASQUEVisitez leur site |
912Lectures depuisLe vendredi 27 Decembre 2013
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Une lecture de |
Et le dire bien fort ! Il ne voyait plus guère son père depuis qu'il avait décidé de devenir médecin, alors qu'il aurait dû prendre la succession de l'entreprise familiale de construction. Et de se retrouver dans cette bâtisse immense lui fait quelque chose. Il réside à Hambourg et ne souhaite pas s'encombrer de cette villa dont il hérite sise près d'Essen. Il désire la mettre en vente mais ne sait pas trop quoi faire des meubles. Il s'introduit dans la pièce que son père utilisait comme pièce de travail ou de détente, et en fouillant machinalement dans l'un des tiroirs du bureau, découvre enfoui dans une boite à cigares, une carte d'immatriculation SS au nom de Wilhelm Peters, un laissez-passer et un certificat de libération d'un camp de prisonniers de guerre au nom de son père, Friedhelm Lubish, ainsi qu'une photo couleur sépia représentant une jeune femme. Une énigme qu'il ne tente pas de percer aussitôt rangeant les documents dans un carton avec d'autres albums photos qu'il emmènera chez lui. Robert Lubish ne sait pas qu'il vient de raviver des souvenirs datant de la Seconde Guerre Mondiale et qu'il met le doigt dans un engrenage qui sera funeste pour quelques personnes. Rentré chez lui, il oublie les documents ramenés et ce n'est que trois mois plus tard, alors que sa femme Maren feuillette les albums, qu'il se souvient de la boite à cigares. Il se remémore alors que son père, dans un des rares moments d'intimité qu'ils avaient partagés, avait déclaré avoir déserté lors d'une offensive des Alliés dans le Rhin inférieur. Maren remarque qu'au dos de la photo de la jeune femme figure le nom du photographe et la ville de Kranenburg, justement située dans le Rhin inférieur. Ce n'est que quelques semaines plus tard, alors qu'il doit se rendre à un congrès à l'université de Nimègue que Robert Lubisch en profite pour se renseigner, Kranenburg n'étant distant de Nimègue que d'une quinzaine de kilomètres. Heuer, le photographe âgé maintenant de quatre-vingt-dix ans, se souvient bien de cette femme qui se prénomme Therese. Therese Pohl très exactement devenue madame Peters suite à son mariage avec Wilhem. Wilhem a disparu peu après, Thérèse aussi. Tout ce que le vieil homme peut lui dire, c'est qu'ils ont habité la maison de gardien de la ferme Höver. Robert Lubisch continue ses investigations, à la maison de gardien où réside pour l'heure Rita, une journaliste, fort intéressée par cette histoire et qui demande des précisions à ses propriétaires, Paul et Hanna Höver, frère et soeur. Elle se rend également au commissariat de Kranenburg qui possède bien quelques documents concernant ces deux disparitions, la première fin 1950, la seconde début 1951, mais inexplicablement le dossier a été clos rapidement, classé sans suite. A Majorque, Therese Mende, âgée de soixante-seize ans, a reçu un appel téléphonique l'avertissant que quelqu'un était à sa recherche. Ce qui l'amène à se plonger dans ses souvenirs, d'adolescente puis de jeune fille. Une période allant de 1939 à 1952. A l'origine, quand elle s'appelait encore Therese Pohl, la fille du médecin, elle appartenait à une petite bande de copains d'école, des amis. Outre Therese, il y avait Wilhem Peters, Hanna Höver, Leonard Kramer, Alwine et Jacob Kalder et ils étaient pratiquement inséparables malgré la différence de milieu dont ils étaient issus. Mais à la déclaration de la guerre par l'Allemagne, les amitiés se sont effritées, certains comme Wilhem étant attiré par les idées nazies. D'autre se sont enrôlés parce qu'ils ne pouvaient faire autrement. Quant aux jeunes filles leurs sentiments étaient partagés. Sentiment envers les idées politiques mais également sentiments amoureux. Des jalousies sont insinuées, ce qui est inévitable lorsque deux jeunes filles aiment le même homme. Mais plus grave, l'amour peut toucher de plein fouet l'une d'elles à la vue d'un Russe fait prisonnier sur le front. Robert Lubish, qui se rend compte que cette affaire sent le souffre demande à Rita d'arrêter son exploration, mais elle refuse, arguant qu'elle tient un bon papier. Son papier elle pourra l'emmener avec elle dans la tombe.
Ce roman dont l'action se situe en 1998, mais ramène le lecteur dans les années du nazisme et de la guerre, offre une plongée intéressante dans la perception du conflit par des jeunes gens, leur attirance ou non par les idées politiques largement relayées sur le bien fondé de la déclaration de guerre et les notions racistes ou ségrégationnistes prônées par la clique à Hitler. De leurs engagements, de leurs refus d'obtempérer, de l'attrait des armes, ou de leurs dégoûts pour les façons de procéder par les gradés. L'auteure ne se voile pas la face et décrit sans complaisance certains faits qui se sont ou auraient pu se dérouler. Comme un reportage en axant son stylo-caméra que sur quelques individus, les adolescents déjà cités, mais également quelques adultes qui non seulement rechignent à partager les convictions du national-socialisme, mais le refusent et résistent à la soldatesque et surtout à ceux qui abusent de leur autorité. Au début ce récit est écrit avec froideur mais peu à peu, alors que l'action progresse, tout autant du côté de Robert Lubisch que dans les réminiscences de Therese, la froideur, la rigueur laissent place à un humanisme qui n'est pas de façade. La rigidité s'efface devant les vibrations des sentiments, des exactions, des peurs, des obligations, des appréhensions, des amours contrariées, des faux-semblants, des espoirs. Le lecteur qui au départ pensait qu'il allait s'ennuyer à la lecture d'une histoire banale change vite d'opinion et devient fébrile au fur et à mesure qu'il tourne les pages. |
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