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VIRGINIE BRAC |
Double PeineAux éditions FLEUVE NOIRVisitez leur site |
3837Lectures depuisLe mardi 7 Avril 2004
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Une lecture de |
Le grand théâtre de la vie, ses masques, ses faux semblants, ses artifices. Il y a la grande scène, celle où on peut déambuler dans des rues bien éclairées tracées au cordon, avec ses magasins chics, ses restaus, ses cafés. Et puis il y a les coulisses, bien loin des projecteurs, à moins qu'un drame que l'on qualifiera alors de fait divers n'en fasse la une des journaux. Et ce sont les coulisses qui intéresse Vera Cabral. Les pauvres types et les femmes prématurément vieillies par le chagrin, la solitude, les désillusions, la misère sexuelle, les boulots de merde où on ferme sa gueule pour ne pas rejoindre la cohorte des RMIstes et des fins de droits, tous ces paumés en souffrance qui pètent les plombs, de préférence la nuit, les exclus des cités, les reclus des prisons et des Hôpitaux Psychiatriques, les femmes battues, les enfants martyrs et placardisés, les pères incestueux... Le pas joli et ce qui pue absolument. Le troisième livre que Virginie Brac est encore mieux que les deux premiers romans consacrés à Vera Cabral, et pour filer la métaphore jusqu'au bout, elle nous ménage un petit coup de théâtre qu'on ne sent pas venir avant les vingt dernières pages. Une valeur sûre du polar français (et non, je n'utiliserai pas le terme de "polar féminin" comme le fait la page 4 de couverture) !
Lors d’une intervention d’urgence à Fleury-Mérogis, la psychiatre Véra Cabral arrive trop tard. Giselle, une détenue, a tué une surveillante pourtant amicale. Incompréhensible, la prisonnière devant sortir une semaine plus tard, après une peine de dix ans pour meurtre. À Véra, elle a parlé d’un fils mort, mais son avocat affirme que Giselle n’a pas d’enfant. Un bilan d’évaluation doit établir si elle est psychotique ou dangereuse. Véra a des soucis avec la famille huppée de son fiancé Hugo. Ils refusent de voir que leur fils aîné bat sa femme. Quand le problème tourne au drame, Véra s’en mêle. En outre, elle a raison de penser qu’Hugo lui échappe pour une autre. Le policier algérien Hakim Salem est en mission en France. Il s’intéresse à Giselle, qui fut la compagne d’un terroriste islamique. Véra Cabral s'avoue n'être pas insensible à son charme froid. Il est bien renseigné sur elle et sur son enquête. Les parents de Giselle se veulent irréprochables. Si le père, ancien sergent de la guerre d’Algérie, ne cache pas ses opinions, il nie avoir tué l’enfant de Giselle. Celle-ci, tabassée en prison, est soignée à l’hôpital où exerce Véra. La psy visite clandestinement la maison des parents. Elle y devine une présence cachée. Véra reçoit un paquet contenant une petite oreille. Elle apprend où naquit Giselle. Elle veut contacter Hakim pour qu’il l’aide et s’explique. Il semble être reparti chez lui. Véra demande à la police une perquisition au domicile des parents de Giselle. S’il y a eu un enfant ici, ils ne trouvent rien. Il peut s'agir d'une fuite, ou plutôt d'un kidnapping. Le père finira par dire la vérité à Véra sur les vraies origines de Giselle. Virginie Brac est scénariste de télévision et romancière. Elle se fit connaître avec les polars “Sourire kabyle” (1982) et “Mort d'un fauve” (1983). Sa trilogie consacrée aux enquêtes de la psychiatre urgentiste Véra Cabral obtint un beau succès : “Tropique du pervers” (2000), “Notre-Dame des barjots” (2002) et “Double peine” (2004). Récompensé par le Grand prix de Littérature policière, ce dernier titre était en effet de qualité supérieure. Entre vie privée compliquée et vie professionnelle agitée, le personnage de Véra Cabral est très réussi, vivant et attachant. Virginie Brac eut l'intelligence d’inclure des passages plus souriants dans cette histoire largement sombre. Percer les plus noirs secrets de chacun pour expliquer la psychologie de la meurtrière, ce n’est pas simple quand personne ne dit la vérité. Celle-ci apparaît progressivement, dans un récit très bien dosé. “Double peine” est un captivant noir suspense.
Véra Cabral, psychiatre urgentiste est mandée d’urgence à Fleury-Mérogis : une détenue qui partage sa cellule avec une jeune mère, vient de séquestrer une surveillante. Véra devait se rendre à une soirée mondaine, mais le boulot avant tout. Sur place, les évènements se sont précipités. Giselle Leguerche, la prévenue, a poignardé son otage et détient le bébé de sa codétenue dans des conditions limites de survie. Véra parvient à sauver l’enfant et à calmer la prisonnière qui explique son geste par une blessure profonde morale, physique, antérieure à son incarcération : elle serait mère et son enfant n’aurait pas survécu. Or, d’après les rapports judiciaires, Giselle n’aurait jamais enfanté. Véra Cabral, mal dans sa peau et perturbée par ses démêlés familiaux se lance dans une enquête que suit de près un policier algérien à la gâchette facile. Ce qui perturbe principalement Véra c’est l’assertion de Giselle; qui affirme que l’on a tué son enfant, alors que, en principe, elle n’en a jamais eu. Véra remue le passé, la boue, découvre que sa patiente a effectivement eu un amant, d’origine maghrébine, disparu du jour au lendemain, et que la police algérienne aurait arrêté pour avoir perpétré des attentats. Mais Véra se rend compte que rien n’est simple, que la vérité se dissimule comme une paillette d’or sous un monceau de fumier. Et que dire de sa belle-famille qui cache elle aussi des cadavres dans des placards calfeutrés ! Virginie Brac, avec cette nouvelle aventure de son héroïne Véra Cabral, mêle la mémoire douloureuse d’évènements passés et troubles, et la conscience familiale tapie dans le secret enfoui par honte et respect d’un devoir accompli, pour l’honneur de la hiérarchie. Plus qu’un roman policier ou d’un roman noir traditionnel, Double peine donne au lecteur à réfléchir sur des évènements marquants mais effacés volontairement. Une démarche qui rejoint certains romans de Daeninckx, et quelques autres dont Syreigeol et Bialot, mais avec ce sentiment que Virginie Brac va plus loin, plus fort, plus profondément dans l’horreur des situations, mais sans démagogie. C’est l’être humain, et la décortication de ses réactions impulsives, qui l’intéresse et non l’accusation de tel ou tel engagement politique. Du moins c’est mon avis. |
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