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NICOLAS BOUCHARD |
La Sibylle Et Le MarquisAux éditions BELFONDVisitez leur site |
2666Lectures depuisLe vendredi 28 Avril 2012
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Une lecture de |
À Paris en 1797, la Révolution a cédé la place au Directoire, dont l’homme fort est Barras. Si Joseph Fouché est un peu en disgrâce, lui et son réseau de mouchard servent toujours les intérêts des dirigeants. Surnommée la Sibylle, Marie-Adélaïde Lenormand exerce encore ses talents d’extralucide, pour une clientèle aisée. Ses “visions” concernent généralement des crimes. Une fois de plus, c’est le cas avec cette femme atrocement martyrisée, dont Marie-Adélaïde discerne mal les ombres de ses trois bourreaux. Quand elle tire les cartes, peu d’éléments apparaissent. “Mais si l’oracle se montrait clair en une chose, c’était en cela : elle allait faire la connaissance de quelqu’un d’ambigu, de sensuel, d’un individu avide de gloire.” Cet homme n’est autre que Sade, qui tait désormais son titre de marquis, vivant sans luxe avec sa maîtresse Constance. Jusqu’à ce que trois dames honorables d’aspect lui commandent l’écriture d’une pièce de théâtre libertine. Pour une belle somme, il accepte bientôt. Sade contacte le bien-pensant compositeur Grétry, qui signera la musique de “Anacréon”. Toutefois, Sade doit écrire deux versions de son texte, afin de masquer au musicien le caractère libertin de la commande. Les répétitions ont lieu à huis clos au Théâtre des Amis de la Patrie, et Grétry ne doit rien deviner. Mlle Raucourt, patronne des lieux, s’interroge quant à elle sur les jeunes comédiennes qu’on leur a imposé, qui ont des airs de religieuses. Les trois commanditaires insistent pour que le texte de Sade soit beaucoup plus obscène. Plusieurs femmes ont été assassinées successivement. Vision ou rêve, la Sibylle entrevoit un quadrille de prostituées malmenées. Elle associé ces images à un livre intitulé “Justine ou les malheurs de la vertu”, qu’elle se promet de trouver et de lire. Certaines des récentes victimes étant des intimes d’élus du Conseil des Cinq-Cents, Marie-Adélaïde reçoit des monarchistes très inquiets de la situation. Menant une enquête occulte, Joseph Fouché n’est jamais bien loin de la Sibylle. Suite au témoignage d’un concierge ayant assisté à une scène sadique, Fouché finit par demander à Marie-Adélaïde de l’aider par ses pouvoirs. La Sibylle ne peut guère faire confiance à quiconque, même pas à Joséphine Bonaparte. Elle risque d’être entraînée dans d’étranges milieux, mettant en scène de diaboliques orgies… Après “La Sibylle de la Révolution” et “Le traité des supplices”, voici la troisième partie de la trilogie consacrée par Nicolas Bouchard à Marie-Adélaide Lenormand. Le Directoire est une étape particulière de la période révolutionnaire. Finie la Terreur, place au divertissement. Si manigances et complots menacent la tête de l’État, l’ambiance se veut festive dans la vie parisienne. La danse, la mode et les arts retrouvent une place de choix chez les nouveaux riches. Il est probable que, plus discrets, les plaisirs décadents soient aussi courants, dans quelques salons mondains. De la luxure à la perversion, il n’y a qu’un pas. C’est un marquis de Sade encore fringant, bien qu’ayant déjà 57 ans et malgré ses treize années en prison, que nous présente Nicolas Bouchard. Non sans une part d’ironie, dans la manière de duper Grétry ou de s’adresser aux femmes qui le commanditent. Son vocabulaire ne s’embarrasse pas de périphrase, s’adressant à des lecteurs avertis. Il semble qu’on s’inspire de ses histoires pour assouvir de cruels penchants, avec le décorum qui s’impose. Pas plus chaste qu’une autre, la voyante Marie-Adélaïde ne peut qu’être troublée ou horrifiée, par des pratiques criminelles et sadiques, auxquelles elle sera mêlée de près. Retenons aussi le personnage de Fouché, qui marqua effectivement toute cette époque. Bien que l’authenticité historique soit respectée, l’auteur nous invite à traverser le miroir. En imaginant, au fil d’un récit fluide et idéalement construit, une noire face cachée de ces années-là. Mystère et pires vices sont au rendez-vous dans ce roman fort original. |
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