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LAKHDAR BELAID |
Les Fantômes De RoubaixAux éditions RAVET-ANCEAU - POLARS EN NORD |
1617Lectures depuisLe vendredi 1 Juillet 2011
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Une lecture de |
À Roubaix, Karim Khodja est journaliste pour Nord Info. Son meilleur ami est le policier Bensalem, surnommé Rebeucop, trentenaire comme Karim. D’ailleurs, il arrive qu’info et enquête se rejoignent. C’est le cas pour l’octogénaire Ginette, qu’un aigrefin est en train de spolier. Bensalem va y remédier. Le journaliste suit les faits divers marquants dans la région, tel ce dramatique accident de voiture. À cette occasion, il rencontre Karim Khodja, son homonyme. Ce monsieur âgé mais encore fort est son oncle. Le journaliste le croyait mort durant la 2e Guerre mondiale. Khodja senior est encore derrière lui quand Karim s’informe sur un incident causé par des fachos autour d’un lycée. Le journaliste ne se sent pas à l’aise face à ce parent exprimant une dureté certaine. Karim a remarqué autour du lycée un curieux albinos, portant un vêtement genre Arlequin. Il n’a pas tardé à le surnommer Logan, en référence à un héros de SF. C’est cet albinos qui provoque une fusillade en direction d’un commerce, avant de s’attaquer aux locaux d’une ONG. Puis il prend pour cible un couple, abattant l’homme, Marc Vandoren. Plus tard à Lille, il s’attaque à M.Marive, mais c’est un témoin passant par là qu’il exécute. L’albinos s’occupe encore d’une héritière quinquagénaire qui va trouver la mort, calcinée sur son vélo. De son côté, Karim voudrait comprendre ces cauchemars guerriers, qui le hantent violemment dans son sommeil. Dans un village, lors d’une opération armée de répression, il est directement impliqué, parmi ceux qu’on va tuer. Une séance où témoigne une rescapée de la Shoah ne suffit pas à éclairer la question. Avec Kodja senior, il y rencontre un vieux Juif qui ne cache pas son malaise en dévisageant l’oncle de Karim. Il est vrai que même l’appartement où loge Kodja senior intrigue Karim. Le policier Bensalem et l’épouse du journaliste sont de plus en plus inquiets de ces cauchemars qui perturbent Karim. Difficile d’en déterminer l’origine, peut-être une incertaine forme génétique de la culpabilisation ? Tous trois assistent à une conférence historique pouvant leur offrir une piste, sinon une explication. L’orateur traite d’un aspect méconnu de la Gestapo française, dirigée par le repris de justice Henri Lafont. Les dates et lieux hantant Karim correspondent avec l’épisode dramatique relaté par l’historien, qui cite un nommé Hambrecht. Ce monstre commit plusieurs massacres. Aux obsèques de Vandoren et à ceux de la cycliste calcinée, les personnes présentes sont les mêmes. Elles font partie d’un mouvement radical d’extrême-droite. Quand Bensalem décide d’interroger sans concession M.Marive, il se peut qu’il se trompe. Les archives d’un ancien maire de Roubaix sont plus utiles pour comprendre… Journaliste passionné d’histoire, Lakhdar Belaïd a publié deux romans dans la Série Noire, Sérail Killers (2000) et Takfir Sentinelle (2002), puis d’autres livres depuis. Il nous propose ici un remarquable roman, aux qualités multiples. Il faut d’abord saluer la construction solide de cette intrigue, parfaitement maîtrisée. Le danger vient d’un énigmatique tueur actuel, vite repérable puisqu’il ne se cache guère, en lien avec des faits anciens qu’on semble vouloir effacer. “De vieux cadavres de la Deuxième Guerre mondiale remontent à la surface. Avec Rebeucop, nous en sommes persuadés. Ni lui, ni moi, ne savons qui les déterre.” Le deuxième atout favorable, c’est la référence historique. Pour éviter des crises après la guerre, on a caché aux populations des épisodes cruels. “L’Histoire est tel un boomerang […] Plus vous la lancerez loin, plus le retour sera violent. Et une arme aussi acérée prise de plein fouet cause forcément de profondes blessures.” 1939-45, c’est bien loin, alors comment redonner une actualité à ces faits anciens ? C’est là que réside le troisième atout de ce roman, une très belle astuce narrative qu’on ne dévoilera pas. S’il s’agit de fiction, c’est l’occasion de nous rappeler que les idéologies fascisantes et racistes restent dangereusement actives. Cet excellent polar mérite évidemment un Coup de Cœur. |
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