Plongée sans masque dans la romantique Rome antique pour Princesse des os qui se déroule sur quelques jours entre fin févier et début mars de l’an 120 du premier millénaire, alors que l’empereur Hadrien règne depuis trois ans. La gens Clarus est en émoi, Titus Clarus, dix ans, héritier de la famille patricienne fort implantée à la cour, ayant été enlevé. La plus bouleversée se trouve être sa jeune cousine Lucretia, à peine quinze ans. Son père est décédé quelques temps auparavant et sa mère Octavia, s’est remariée avec Caius Quintus, son beau-frère. Ce qui fait que l’oncle de Lucretia est devenu son beau-père et que Titus, son cousin, son demi-frère. Octavia attend un nouvel enfant et les augures prédisent un garçon. Tandis que Caius, énervé et impulsif, confie la délicate tâche de retrouver l’enfant à Buculus, centurion incompétent mais imbu de sa personne et de son autorité, Lucretia décide d’enquêter de son côté avec l’appui de son esclave, servante et amie, Dîn d’origine Syrienne, et un garde du corps ancien gladiateur, Méroé de Maurétanie. Buculus embraye sur la piste des auriges, et plus particulièrement sur la personne de Sextus, le conducteur de bige de la faction des Bleus. Sextus est un jeune conducteur de char à l’avenir prometteur, mais Buculus qui parie énormément jusqu’à en perdre sa tunique, pour ne pas dire sa subucula, et qui est endetté, aimerait que le cocher soit appréhendé. C’est sans compter sur la force de persuasion de Lucretia qui sait que le militaire se trompe et dont le manège amoureux entre Dîn et Sextus ne lui a pas échappé. Autre piste qui intéresse Lucretia, celle de la secte des Chrétiens. Des témoins ont aperçu un homme s’enfuyant de la maison des Clarus, portant une espèce de sac sur le dos. L’homme, un esclave, est retrouvé peu après, dans une sorte de décharge, avec un tatouage représentant un poisson. Une figurine qui a été également gravée sur le mur de l’enceinte des Clarus, et qui est l’emblème des adorateurs de Christos. Octavia, malgré cet enlèvement, est obligée de se rendre à des mondanités où elle retrouve une ancienne amie, Atia. Ce qu’elle ignore, c’est que cette femme, jalouse pour d’obscures raisons, lance des rumeurs suggérant que la disparition de Titus pourrait favoriser le destin de l’enfant que porte Octavia et a été conçu par Caius. Lucretia s’obstine dans sa recherche et afin de pouvoir délivrer son cousin Titus, elle sera obligée de s’enfoncer dans le quartier de Velabre, dans lequel sévissent truands, sorcières et assassins. Après un prologue un peu lent, ce roman historique prend de l’ampleur et joue avec tous les travers d’une époque, travers qui se répètent aujourd’hui encore. L’esclavage, pratiqué sur des minorités de couleurs ; l’incurie, l’insuffisance policière de la part de certains éléments qui préfèrent accuser des personnes faibles socialement au lieu de véritablement enquêter, ou jeter le discrédit sur une minorité par facilité avec l’espoir de s’élever dans la hiérarchie. Sans oublier le regard posé sur des dogmes religieux qui émergent en les classifiant de sectes, avec de chaque côté d’une barrière idéologique, fanatisme et intolérance à l’appui. Au début du premier millénaire, les Chrétiens étaient considérés rassemblés en une secte provocante, en contradiction avec leur dieu unique alors que les Romains en adoraient un nombre infini souvent empruntés aux Grecs. « Toutes sortes de rumeurs couraient à propos de cette secte : ils insultaient régulièrement mes dieux et pratiquaient d’étranges sacrifices. L’idée qu’ils aient pu peut-être enlevé Titus inquiétait Lucretia. Ne disait-on pas qu’ils étaient capables de transformer les plus vieux des Romains en fanatiques prêts à mourir pour leur nouvelle foi ? ». Cela a-t-il beaucoup changé de nos jours ? Les antagonismes de plus en plus attisés par des intégristes intolérants et encouragés par des provocations alimentées par des détournements ou des interprétations fallacieuses d’écrits saints sont au cœur des guerres dites de religion. Guerres qui ont traversé l’histoire dans toutes les parties du monde, avec leurs lots de victimes innocentes. Cet ouvrage, qui est destiné aux plus de treize ans, mériterait d’être commenté plus en profondeur même si des annexes figurent en fin de volume. Annexes pédagogiques utiles certes mais qui ne sont que des approches didactiques à approfondir. Mais cela nous entrainerait trop loin et ce que Charlotte Bousquet développe peut aider à faire réfléchir des adolescents confrontés de près ou de loin aux rivalités d’origine religieuse. Et comme beaucoup de romans destinés à la jeunesse, celui-ci peut être lu avec profit par les adultes.
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