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JEROME BUCY |
La Colonie Des TénèbresAux éditions BELFONDVisitez leur site |
871Lectures depuisLe samedi 29 Mai 2010
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Une lecture de |
Andersen Olchansky est consultant en informatique. Un métier peu fiable pour son autoritaire grand-mère Nilsonne, qui l’a élevé depuis le décès de ses parents à l’âge de sept ans. La véritable passion d’Andersen, ce sont les chauves-souris. Il consacre du temps à étudier celles qui nichent à Paris, dans le tunnel de la Petite Ceinture, sous l’hôpital Broussais. Il protège et soigne celles qui hibernent dans les combles de son immeuble. Avec son ami et voisin Martin, ils ont créé un forum Internet s’adressant aux défenseurs des chiroptères, des pipistrelles, de toutes les chauves-souris. Le réseau a même des contacts en Allemagne. Le groupe chimique Naturalis lance un nouvel insecticide non polluant, le Nat-Green, et associe son image à transformation de la Petite Ceinture parisienne en “voie verte”. Leur site Internet ayant déjà été victime de piratage, ils font appel à Andersen pour contrer les attaques. L’informaticien note que ses interlocuteurs ne jouent guère la transparence avec lui. Il a pu enregistrer le film-pirate passé sur le site Naturalis, montrant la mort d’un couple, y associant la société. C’est dans la région de Bourges que se trouve la plus grosse usine Naturalis, près du village de Vornon. Andersen s’y rend, afin de mener une enquête sur d’éventuels décès suspects liés aux insecticides. Sans doute quelques employés sont-ils morts, mais nul n’admet reconnaître le couple apparaissant dans le film-pirate. Seule Éphémère, jeune femme d’une vingtaine d’années qui rôde dans de l’église local, pourrait le renseigner. Par nature solitaire, elle cherche bientôt à savoir ce qui s’est réellement passé ici seize ans plus tôt. L’institutrice fut massacrée par son mari, M.Ziegel, employé chez Naturalis, qui se suicida. Éphémère garde le sentiment imprécis qu’elle fut proche de ce couple. Elle pense que ce fut Ziegel qui l’initia à l’observation des chauves-souris. Et ces bottes d’enfant que l’on aperçoit sur le film-pirate, ne seraient-ce pas les siennes ? À Paris, des batailles entre chauves-souris dans le tunnel sous l’hôpital Broussais intriguent Andersen. Un militant écologiste accuse les insecticides Naturalis, ceux produits naguère en Allemagne par la société Roder. Andersen connaît les rassurants rapports de toxicité diffusés par Naturalis. À la Faculté des Sciences, il fait autopsier des cadavres de chauves-souris, mais les résultats sont assez peu probants. Au temps de la Guerre Froide, en 1962 à Berlin, le Dr Sterz fut consulté dans deux affaires criminelles. Pour le policier Kelmann, ces femmes torturées furent victimes d’un militaire américain nommé Ferning. C’est surtout le cas des fils de ces femmes qui intéressa le Dr Sterz. Amadouer le petit Wolfgang pour le sortir de son mutisme n’était pas aisé. Plus mûr, le jeune Hans finit pas fuir sa famille d’accueil. L’omniprésente Stasi, la police politique, empêcha Sterz d’approcher les enfants pour les aider concrètement. Imaginer que la Stasi avait élaboré un complot visant l’innocent Ferning, impossible à démontrer dans le contexte… Tandis que la jeune Éphémère cherche d’autres traces dans son passé, Andersen poursuit son enquête à Spandau, près de Berlin. Il existe là-bas un centre de recherches sur les chauves-souris. Celles du Bloc3 sont aussi agressives que les chiroptères de la Petite Ceinture… Résumer un roman de cet auteur est toujours un plaisir. Car, plus on donne d’éléments, moins on en dit sur l’histoire elle-même, finalement. Depuis Batman, la chauve-souris symbolise souvent la lutte entre le Bien et le Mal, idée reprise et développée ici de façon très personnelle. Même s’il nous offre quelques scènes-choc, Jérôme Bucy n’est pas un adepte des descriptions sanguinolentes, de la violence complaisante. L’enquête empirique de son héros progresse autant dans l’action que par la réflexion, grâce aux situations auxquelles il est confronté. La logique scientifique côtoie ici les comportements humains, à la psychologie moins facile à cerner. Si Andersen n’entre pas dans le militantisme écologiste, il souligne quand même les méfaits certains des produits chimiques non contrôlés. L’esprit perfectionniste de Jérôme Bucy se vérifie cette fois encore, notamment lorsqu’on arrive au point de convergence des deux récits. On approche alors de la vérité, mais elle attendra le dénouement. Évoquons aussi Éphémère, personnage fantomatique. “Elle se sentit profondément solitaire ce soir-là, avec l’intuition que ce serait toujours ainsi. Affamée, sans l’espoir d’être rassasiée un jour. Toujours à l’affût, cachée dans l’ombre, mangeant l’autre des yeux, se nourrissant de ses mots mais le cœur vide et sec. Recluse sous la table, tout près de l’autre mais loin de lui, à l’écart de la tendresse et du bonheur. Recroquevillée sur elle-même, les bras repliés sur ses jambes maigres, sans personne à serrer ou a aimer (…) Jamais vers la vie. Comme sa mère et sa grand-mère. Une malédiction familiale qui ne s’éteindrait jamais.” Un suspense riche, précis, avec ses étrangetés et ses mystères, comme aime les concocter cet excellent romancier. |
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