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JEAN-PAUL BIRRIEN |
Le Secret D'amélieAux éditions DU PALEMONVisitez leur site |
2097Lectures depuisLe mardi 23 Juin 2009
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Une lecture de |
Que voulez-vous qu’il se passe de grave à Bourvillec, bourgade oubliée du Centre-Bretagne, en cette année 1975 ? Selon Fanch, le serviable facteur local, la vie s’écoule ici sans histoire. Enfin presque, car depuis son retour d’Amérique, où il a passé vingt ans, Édouard Couchouron a racheté et modernisé à grands frais l’abattoir. Il est revenu les poches pleines de dollars, et ne circule qu’en Cadillac. Il a plus de chance que son défunt frère, mort à Chicago, et dont il a rapatrié le cercueil. On ne se souvient plus bien pourquoi Édouard avait quitté précipitamment Bourvillec à dix-neuf ans. On ignore aussi comment il s’est enrichi. L’octogénaire Chapuis, l’ancien Juge de paix, vit reclus depuis des années dans sa propriété. Amélie fut au service de la famille du notaire qui vécut là, avant d’être l’employée de maison du Juge. Depuis la fin de la guerre, Amélie observe un mutisme qui intrigue bien des gens. Le Juge reçoit par la poste une sorte de poupée vaudou, sans doute symbole de vengeance. Il faut dire qu’il a régné en despote sur le secteur pendant des années, cet ancien collabo passé entre les mailles du filet de l’Épuration. Un peu plus tard, c’est évidemment Amélie qui découvre le triple meurtre du Juge, de son chien et de son chat. Pour la police, la culpabilité d’Amélie est évidente : elle est mise en prison. Quand il reçoit la visite des émissaire du truand Maloukian, Édouard doit régler le problème avec l’aide de son contremaître. Sans nouvelle de ses complices, c’est bientôt le caïd lui-même qui se déplace avec ses sbires. Édouard prétend avoir payé, sans convaincre Maloukian. Pour glaner des renseignements sur le Juge et Amélie (qui reste muette), l’inspecteur Bramoullé accompagne le facteur dans sa tournée. De l’avis général, le tyrannique Juge Chapuis était malhonnête. Il spolia le notaire, épousa l’épouse de celui-ci, dont la fille Mathilde est restée à demi-folle. Les témoignages d’un ancien gendarme, du greffier et du clerc de notaire retraités, et d’une poignée de voisins, confirment les infos du policier. Quant au secret d’Amélie, nul n’en parle. L’inspecteur essaie aussi de découvrir qui adressa la poupée vaudou au Juge. Peut-être un homme de couleur ? Il pourrait aussi s’intéresser au couple suisse qui loue une maison dans les environs, car ce Muller n’est pas exactement psy. C’est Amélie qui hérite de la maison du Juge, et Mathilde bénéficie (sous tutelle) du reste de sa fortune. Le policier pense désormais que l’affaire est bien moins simple qu’on ne l’a cru… Même si l’auteur nous propose une intrigue criminelle avec quelques mystères, il ne s’agit pas d’un ordinaire roman d’enquête. Le fameux secret d’Amélie apparaît en filigrane dans le cours du récit, ainsi que des indices concernant le coupable. En parallèle du meurtre, l’histoire tragi-comique d’Eddie et d’autres éléments alimentent le quotidien de Bourvillec. C’est donc autant une chronique villageoise, où l’on retrouve avec grand plaisir l’esprit souriant, ainsi que plusieurs personnages pittoresques, de “Tournée de campagne” (2007). Fanch, le candide facteur, raconte l’affaire telle qu’il la comprend, tandis que se déroule dans le même temps la narration proprement dite. Ce procédé astucieux, qui nous offre deux versions, permet aux lecteurs de mieux approcher la réalité du village et les protagonistes. En outre, situer les faits dans la France rurale de l’époque (1975) témoigne que les comportements d’alors étaient sans doute différents. Un roman très agréable, comme tous les précédents titres de Jean-Paul Birrien. |