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PHILIPPE BOUIN |
Comptine En PlombAux éditions L ARCHIPEL |
2978Lectures depuisLe jeudi 22 Aout 2008
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Une lecture de |
Calais, en 1965. Pied-noir venu d’Alger, le commissaire Gallois enquête sur le meurtre d’un nommé Lefèvre, éleveur de coqs de combats. Il remarque deux indices troublants, des objets de grande valeur : un soldat de plomb et un couteau à gigot en argent, l’arme du crime. Pour Gallois, l’assassin est un notable. Ses propos acerbes envers la population locale sont relayés par la jeune journaliste Julie Pilowski. Ses déclarations agaçant la Préfecture, le policier proche de la retraite doit se montrer rusé face à l’énarque Percy. Il faut éviter le scandale : un investisseur anglais, Harold Wyatt, séjourne actuellement à Calais. Hélène Basset, la sœur du coqueleux Lefèvre, est assassinée. On l’a tuée avec un coûteux fusil, laissant encore près d’elle un soldat de plomb. Les policiers pourraient suspecter un ivrogne, P’tit Bosco, violent avec son épouse. Mais la piste du brocanteur Dalquin semble plus crédible. Ce roublard fut en conflit avec un groupe de chasseurs, dont faisaient partie les victimes. Gallois retient une date, 1954, peut-être à l’origine de ces crimes. Julie Pilowski devient l’amie de Marie Wyatt. L’épouse (d’origine française) de l’homme d’affaires est de santé fragile, souffrant de baby blues et d’anémie. Elle est soignée par le Dr Béhal. Le marin Yvon Chaussois est assassiné peu après. C’était un proche de l’épouse de P’tit Bosco, qui est inquiété par la police. La voiture de Mr Wyatt est passée près du lieu du crime. Gallois l’interroge. Les officiels, qui espèrent les investissements de l’Anglais, ne cachent pas leur énervement. Quand la tombe d’un huissier décédé en 1954 est profanée, Gallois est sûr qu’il existe un lien. Tandis que son adjoint Davelot sympathise avec Julie, afin qu’elle écrive des articles plus justes, Gallois pense être sur la bonne voie. On lui envoie un vieil ami, lui aussi d’Alger, lui promettant une médaille, afin de le neutraliser. Mais l'affaire réserve encore de nombreuses surprises. La vérité sera-t-elle jamais révélée ?... Si l’intrigue peut paraître un peu alambiquée, c’est ce qui lui offre une originalité certaine. Plutôt qu’une simple vengeance, on devine le besoin de châtier des malfaisants. La position du policier, exilé d’Algérie et mal admis dans la bonne société, est d’une savoureuse ambiguïté. S’il ne manque pas de suspects, ce “vieux renard” mène l’enquête selon sa propre logique. L’autre aspect particulier de ce roman, c’est l’époque décrite. La France de 1965 était aux antipodes de ce que nous connaissons de nos jours. Âge d’or et prospérité économique ? Ou un immobilisme pesant, hiérarchique et bien-pensant, source de tant de rancœurs ? On apprécie également cette ambiance bien restituée. Un suspense très convaincant.
A trois mois de la retraite, le commissaire Gallois qui a été parachuté à Calais, est devenu un homme aigri. Nous sommes en 1965 et comme il est d’origine pied noir il n’accepte d’avoir été rapatrié en métropole. Dans le Nord de la France qui plus est. Il aurait été muté dans le Sud, ses sentiments auraient été les mêmes mais il ne veut pas se l’avouer. C’est dans ce contexte qu’une enquête va l’accaparer et lui permettre de mettre en avant son esprit calculateur, manipulateur, jouant avec ses interlocuteurs comme s’il participait à un tournoi de jeu d’échecs mental, des joutes verbales qui déstabilisent tous ceux auprès desquels il est amené à converser. Dans une cour retirée d’un café, un gallodrome, où se déroule un combat de coq, Pigeon, un habitué, est retrouvé poignardé ainsi que son gallinacé, et la main du cadavre humain tient une figurine en plomb, réplique d’un poilu fabriqué par Mignot, un spécialiste dont les œuvres sont cotées auprès des collectionneurs. L’arme, de valeur elle aussi, est un couteau pour découper le gigot en argent. Pour Gallois, l’assassin n’est pas un simple péquin, mais il est à chercher du côté des notables de la ville. Il le démontre brillamment auprès du chargé de mission du sous-préfet. P’tit Bosco, qui doit son surnom à sa bosse, déclenche un charivari monstre dans le bar. Sa Marinette vient de le quitter et, complètement ivre, il accuse le défunt, dont il ignore la mort, de le cocufier. Sa certitude, il la tient d’un soit disant ami qui aurait colporté un ragot. Alors en colère il aurait tabassé Marinette avant qu’elle s’enfuie et qu’il noie sa rage dans l’alcool. Il est embarqué au poste de police mais Gallois pressent que le coupable est ailleurs. Une deuxième victime est découverte, la sœur de Pigeon, abattue par une arme à feu. Sur les lieux du massacre une autre figurine en plomb est retrouvée de même que l’arme du crime : un fusil Granger, arme de collectionneur. Les crimes de sang s’enchainent, Gallois persiste dans son idée. Julie Pilowski, journaliste pleine d’avenir, mène sa propre enquête, et les papiers qu’elle écrit n’ont pas forcément l’heur de plaire dont notamment à sa direction. Faut que le journal se vende, alors elle est obligée de se plier aux désidératas de Gallois et de sa hiérarchie. Si P’tit Bosco est dans la ligne de mire de Gallois, un autre personnage l’est aussi, Dalquin, brocanteur, qui aurait pu détenir dans le temps les objets incriminés et à qui on les aurait volés dix ans auparavant. Les notables regrettent tout ce tapage qui pourrait nuire à l’implantation d’une entreprise britannique dirigée par Harold Wyatt, dont la femme Marie d’origine française, est atteinte d’une étrange maladie consécutive à un accouchement difficile. Entre Marie et Julie s’établit une amitié sans arrière pensée. Dans le Calais de 1965 jusqu’à celui d’aujourd’hui, passant par 1954 et 1945, Philippe Bouin nous entraine dans les arcanes d’une ville mais surtout d’une société divisée entre les notables et le petit peuple sur fond vengeance. Prenant pour échafaudage une histoire machiavélique, l’auteur nous propose en toile de fond un retour arrière sur les événements de l’époque : l’arrivée des Pieds-Noirs en métropole, forme de migration forcée et mal vécue aussi bien par les rapatriés que par les autochtones, la période électorale de la première présidentielle au suffrage universel, Sangatte qui ne connaissait pas encore les turbulences subies ces dernières années, les souvenirs toujours prégnants des affrontements meurtriers de la dernière guerre mondiale, sans oublier ces démonstrations indécentes qui peuvent marquer les souvenirs d’un enfant confronté au cynisme des adultes. L’épilogue en deux paliers nous propose la double version des procédés utilisés pour endormir la bonne conscience de tout un chacun avec un diabolisme que l’on peut qualifier d’amoral. Mais compréhensible. Enfin l’emploi de ce patois du Nord, le Chti popularisé par Dany Boon, et de métaphores peut-être utilisées dans le Calaisis, donnent une touche particulièrement savoureuse à ce roman. Par exemple : Blond comme du beurre frais… ce qui nous change des sempiternels épis de blé depuis longtemps glanés. |
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