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ROBERT BARR |
Lord StranleighAux éditions RIVIERE BLANCHEVisitez leur site |
4231Lectures depuisLe dimanche 22 Septembre 2013
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Une lecture de |
Méfiez-vous de l'eau qui dort, ou d'or ! Véritable gravure de mode, l'immensément riche Lord Stranleigh, comte de Wychwood, est un homme placide, nonchalant, transparent, à l'air endormi. Ceux qui le côtoient, le connaissant mal, ne peuvent s'empêcher de penser : Beaucoup d'argent et peu de cervelle ! se disait-il. Un de ces inutiles, qui, ne sachant que faire de leur temps et de leur fortune les emploient en voyage lointains et entreprises baroques. Mais sous son air endormi, Lord Stranleigh est une redoutable machine à penser, anticipant les méfaits que son interlocuteur manigance. De plus c'est lui qui endort ses locuteurs et le plus souvent ses adversaires car c'est un rhétoricien et un dialecticien hors pair. C'est un calme, un pondéré, qui ne dément pas le côté flegmatique attribué aux Britanniques, et de plus il a en horreur tout ce qui a trait à une quelconque envie de combattre physiquement. C'est un pacifiste convaincu qui n'a aucun besoin de distribuer horions en tous genres pour mener à bien ce qu'il entreprend. Et il sait à l'occasion se montrer philanthrope. Mais ce n'est pas pour cela qu'il ne rend pas les coups que l'on tente de lui asséner, et lorsqu'il le faut, il sait se montrer combatif, mais toujours avec élégance. Les paroles, dit-on, ne brisent pas les os, sauf le cas où elles nous incitent à jeter le malappris en bas de l'escalier.
Le bouillant et sanguin Mackeller, ingénieur des mines de son état et fils d'un célèbre agent de change, se présente chez Lord Stranleigh alors que celui-ci s'apprête à sortir. Ce n'est pas un bon début car Lord Stranleigh n'aime pas déroger à ses habitudes. Il est muni d'une lettre d'introduction d'un ami du Lord mais celui-ci la parcourt à peine. Et ce qui l'amène n'est autre qu'une demande de prêt d'argent. Stranleigh l'écoute patiemment débiter son laïus. Mackeller père aurait été spolié par un groupe de sept financiers qui venaient d'acquérir quelques champs aurifères situés sur les bords du fleuve Paramakabou en Afrique occidentale. Mackeller père malgré sa méfiance s'est laissé embobiner et a prêté l'argent dont avaient besoin les financiers pour monter leur entreprise. Mackeller fils s'étant rendu sur le terrain s'était aperçu que l'affaire était viable et rentable. Seulement les Mackeller ont été par la suite écartés de l'affaire et se sont retrouvés quasiment sur la paille sans aucun recours. Lord Stranleigh finit par accepter à apporter son concours et va mener sa barque grâce à des hommes à lui tout dévoués. Il rencontre tout d'abord l'instigateur et promoteur principal de cette entourloupe, Konrad Schwarzbrod, puis décide de se rendre lui-même aux Red Shallows, le fameux terrain aurifère afin de couper l'herbe sous le pied du financier véreux. Les mineurs chargés de récolter le minerai d'or embarquent à bord du Rajah, un steamer qui file sept nœuds à l'heure. Lord Stranleigh prend son temps pour organiser son propre voyage qui s'effectuera à bord d'un voilier qui atteint la vitesse de vingt et un nœuds à l'heure, et ce qu'il prévoyait se réalise. Il arrive sur les rives du Paramakabou bien avant ses adversaires et son équipage, composé de forestiers et de garde-chasses, mettent en œuvre le piège qu'il a prévu pour contrer les hommes de Schwarzbrod. Ceci n'est qu'un avant-goût des aventures décrites dans ce roman, car Lord Stranleigh ne va pas en rester là. Toujours placide et mesuré, il va mettre ses adversaires au tapis sans que ceux-ci puissent trouver un défaut dans la cuirasse linguistique et ils sont obligés de courber l'échine dans une partie d'échecs brillamment menée. Même ses amis ne sont pas toujours dans la confidence ce qui amène à des quiproquo et des reproches de leur part. Quitte à faire amende honorable quelques minutes ou heures après. Si ce roman peut sembler daté, quelques épisodes et faits nous rapprochent toutefois de notre époque. Ainsi le rôle malsain des spéculateurs est-il démontré et les méfaits engendrés par l'appât du gain mis à l'index. Une procédure courante de nos jours mais qui plus est encouragée. Et l'on ne pourra que mettre en parallèle les problèmes financiers enregistrés par la Banque d'Angleterre à cause d'une décision politique qui veut que la réserve d'or soit de cent millions de livres sterlings au lieu des trente millions qu'elle possède dans ses coffres. Une injonction qui ne peut que nous rappeler celles édictées par le FMI et le gouvernement européen de Bruxelles vis à vis de la Grèce et autres pays, leur enjoignant de réduire leur déficit sous peine d'amendes financières. Comme si sanctionner un pays en pleine crise financière en lui faisant payer une amende exorbitante allait contribuer à le sortir du marasme. Comme si un propriétaire triplait le prix du loyer à une personne insolvable ! Une écriture élégante, des phrases bien construites qui ne suintent pas la vulgarité ou l'à peu-près, une histoire que l'on pourrait qualifier de charmante, avec un héros qui serait presque banal hormis sa jeunesse et sa richesse, et surtout ses petites cellules grises qui mettraient KO tous les économistes d'aujourd'hui, Lord Stranleigh est un roman représentatif de la littérature du début du XXe siècle. De ceux que l'on lit avec plaisir, captivé par une intrigue de bon goût. Nous sommes loin des thèmes devenus récurrents de la drogue, de la violence, des problèmes de banlieues et de flics pourris. Seule constante, la finance qui restera l'un des problèmes majeurs de la société, problème qui n'ira pas en s'amenuisant. Un roman pas si futile qu'il pourrait sembler de prime abord. |
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