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GEORGES-JEAN ARNAUD |
Noël Au ChaudAux éditions PLONVisitez leur site |
2153Lectures depuisLe jeudi 9 Decembre 2010
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Une lecture de |
Raymonde Mallet vit dans une petite commune dans la région de Toulon. Veuve âgée de 76 ans, sans enfant, elle habite seule dans sa grande maison bordée d’un vaste jardin. Pour que le projet immobilier du maire aboutisse, il faudrait que Raymonde vende d’abord sa propriété. Elle s’y refuse obstinément. Ce qui irrite le voisinage, tous étant prêts à vendre pour de belles sommes. La rumeur d’une pétition circule, concernant Raymonde, qu’ils prétendent incapable de se débrouiller seule. Elle est harcelée par Mme Hauser, l’assistante sociale. Aller en maison de retraite, c’est hors de question. Même avoir une aide-ménagère, ça ne l’intéresse guère. Après tout, elle reçoit de temps à autre la visite de son amie Augusta Pesenti. Elle loge chez son fils Laurent, sa belle-fille Claire et leur petite Léonie, dans une maison toute proche, de l’autre côté des cyprès. Augusta se montre souvent envahissante et désagréable, voire blessante quand elle qualifie la maison de Raymonde de “baraque froide comme un tombeau”. Il est vrai qu’elle entretient peu les lieux, mais elle ne veut pas habiter ailleurs. La jalousie d’Augusta, qui se flatte d’être heureuse de vivre avec sa famille, crée des tensions entre elles. Une idée fait son chemin dans l’esprit de Raymonde. Elle se renseigne auprès du notaire local, au sujet de location et d’un viager. Il se trouve que, à près de quarante ans, Laurent Pesenti vient de perdre son emploi de mécanicien à Toulon. Pas bien facile de retrouver du boulot en été. Or, Raymonde dispose d’un grand espace où il pourrait sans trop de frais installer un garage automobile. Certes, il a peu de moyens financiers; mais en vendant leur villa actuelle, Raymonde se chargeant de les héberger, ce serait possible. Ce qu’aimerait la vieille dame, c’est rester chez elle sans avoir à s’occuper de sa maison. Elle propose des conditions très favorables à Laurent Pesenti, quand il vient se renseigner soi-disant pour un ami. Elle le sent d’accord. Hélas, Augusta Pesenti ne tenant pas à renoncer à son confort, elle ne cache pas une hostilité féroce. La petite Léonie vient souvent jouer en cachette dans le jardin herbeux de Raymonde. Bien qu’elle n’aime pas tellement les enfants, la vieille dame tente d’amadouer la gamine. Malgré les friandises et les jouets, s’en faire une alliée s’avère encore difficile. Copiant son autoritaire grand-mère, Léonie dit détester la maison de Raymonde. Quand Mme Hauser insiste, il est temps d’agir. La querelleuse Augusta soupçonne les manigances de sa voisine, afin d’attirer Léonie. Éliminer cet obstacle sans être suspectée n’est pas si difficile finalement. Pourtant, d’autres problèmes contrarient encore le plan de Raymonde… La maison (ou le quartier) fut un thème souvent traité par Georges-J.Arnaud, un des meilleurs romanciers populaires du 20e siècle. Il excella dans la description de ces microcosmes, révélateurs de toutes les tares de la nature humaine. Contexte propice aussi à diverses machinations, cruelles et perverses. Ici, c’est le portrait intemporel d’une vieille dame indigne qu’il nous dessine. Car Raymonde n’est pas une gentille mamie, un ange de douceur. Elle a un but, et s’y tiendra sans faillir. La despotique Augusta n’est pas plus agréable, d’ailleurs. Elle domine son fils trop indécis et sa belle-fille taiseuse. Des protagonistes dont les défauts sont soulignés avec une ironie malicieuse, comme le fit souvent cet auteur. Dans cette histoire, on retrouve avec plaisir les grandes qualités de tous les romans d’Arnaud. Sans oublier la fluidité narrative. La clarté du récit n’empêche pas de tisser une sombre intrigue criminelle. Un pur régal !
Parution 23 novembre 2017. 224 pages. 15,00€. Première édition : Collection Spécial Police N°1479. Editions Fleuve Noir. Parution 1er trimestre 1979. 224 pages. Mais avant de partir, Il faudra bien te couvrir, Dehors tu vas avoir si froid, C'est un peu à cause de moi. Plus tout à fait alerte physiquement, Raymonde Mallet possède encore un esprit vif et alerte. Et si elle marche avec une certaine difficulté, c’est à cause d’une flaque d’eau inopinément présente sur les tommettes de sa cuisine. Elle a chuté, fracture du col du fémur à la clé et à l’hôpital, quelques semaines d’immobilisation puis rééducation. Il lui arrive bien d’avoir de petits oublis entraînant des désagréments sans véritables conséquences mais qui auraient pu tourner au drame, mais elle n’est pas sénile. Pourtant c’est ce qu’aimeraient lui faire croire le maire de ce petit village de l’arrière-pays toulonnais, l’assistante sociale et le promoteur immobilier. Et les voisins, si compatissants qu’ils préfèrent appeler les pompiers plutôt que de se déranger afin de prendre de ses nouvelles. Promis, elle va faire attention, plus que d’habitude. Ne plus allumer un feu d’herbes trop sèches dans son jardin, ou oublier une casserole sur le feu, ce qui provoque des débuts d’incendie. Car sa grande demeure, huit pièces, et son terrain arboré que l’on pourrait presque confondre avec un parc s’il n’était pas à l’abandon, attisent les convoitises. Si elle daignait vendre et aller en maison de retraite, cela pourrait être aménagé en lotissement et amener de nouveaux habitants. Mais Raymonde veut rester chez elle. Elle vit seule, son mari est décédé et ils n’ont jamais eu d’enfant. Si, un, qui est mort à l’âge de trois ans d’une méningite. Et les enfants, elle ne les aime pas. Pas même la petite Léonie qui s’infiltre chez elle en passant sous la haie de cyprès. Ce sont les vacances scolaires estivales et elle aperçoit Léonie ramper dans les herbes hautes, couper des roseaux par exemple. Alors elle dispose dans de petites coupelles des bonbons à son intention, ou des gâteaux, tout en faisant semblant de ne pas la voir. Augusta, sa voisine, son amie, la grand-mère de Léonie, vient lui rendre visite deux fois par semaine. Elles papotent, mais Augusta a la langue acérée, et les piques ne manquent pas lors de leurs échanges aigres-doux. C’est ainsi que Raymonde apprend que Laurent, le fils d’Augusta et père de Léonie, va se retrouver au chômage. Il travaille dans un garage, mais la conjoncture n’est guère favorable. Alors Raymonde imagine lui proposer de monter son propre garage, cela manque dans le village, il aurait des clients, en lui louant sa propre remise qui peut contenir au moins six véhicules. Et comme il est bon bricoleur, il pourrait installer le chauffage central dans sa grande et froide demeure. Il n’aurait qu’à vendre sa propre maison, et il s’installerait avec toute sa petite famille chez Raymonde qui ne garderait qu’une ou deux pièces pour vivre. Après des travaux d’embellissement naturellement. Une sorte de viager qui lui conviendrait très bien. Mais encore faut-il le convaincre ce brave Laurent, et surtout convaincre l’acariâtre Augusta, toujours aussi fielleuse, et s’attirer les bonnes grâces de Léonie. Jusqu’au jour où le drame arrive, soigneusement orchestré par Raymonde qui veut parvenir à ses fins. L’installation du chauffage central dans sa demeure pour Noël.
A la relecture de ce roman, près de quarante ans après sa parution, les personnages d’Augusta et de Raymonde, qui ont à peu près le même âge, Raymonde ayant soixante-seize ans et Augusta un de moins, m’ont fait penser aux Vamps, le duo comique interprété par Dominique de Lacoste, Gisèle, et Nicole Avezard, Lucienne. Augusta, dans le rôle de Gisèle, toujours entrain de tarabuster la maigriotte Lucienne. Mais au-delà de ces deux personnages, c’est la condition des personnes âgées qui prédomine. Dans ce roman on pense à Simenon et à Frédéric Dard, une histoire simple et pourtant tout en subtilité. Un regard acéré sur les convoitises immobilières, la solitude mais en même temps le besoin d’être seul et de gérer ses propres affaires sans être commandé. Le drame du troisième âge avec les affres de la maison de retraite qui se profile inexorablement, l’antichambre de la mort. Une nouvelle version d’un thème cher à Georges-Jean Arnaud, la maison, thème qu’il a exploré sous différentes versions dont La Maison-piège, Le Coucou, mais renouvelé à chaque fois. Et avec très peu de personnages, il instille une atmosphère lourde et pesante. Ce n’est pas à proprement parler un roman policier avec enquête et tout le cérémonial qui en découle, mais un roman réaliste. La référence à Noël s’inscrit dans les désirs, les envies, les besoins de chaleur de la part de Raymonde. Chaleur physique et chaleur humaine, et au début du roman, c’est le mois de juillet qui prédomine, il s’agit presque d’une parabole. Le long déclin de la vieillesse, le passage du temps vers l’hiver…
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