La seule question qui peut troubler Daniel Ferrey, c’est quand on l’interroge sur l’origine de ses revenus. Parier sur les courses hippiques n’est pas illégal. Rares sont ceux qui en tirent l’équivalent d’un salaire. C’est pourtant le cas de Daniel. Financé par son beau-frère Victor, un combinard plus âgé que sa sœur Sandrine et lui, Daniel a organisé son bizness. Manuel lui transmet quelques rumeurs de paddock, mais c’est mathématiquement que Daniel évalue les chances des chevaux, avant que Bruno n’aille miser. Chaque complice en tire un bénéfice selon ses mérites. Officiellement investisseur immobilier, Victor retrouve un peu plus que son apport d’argent. Un système qui convient à Daniel, célibataire dont la seule philosophie consiste à ne pas se compliquer la vie. Pourtant, le soir du 24 août, alors qu’il se trouve près d’un abribus, Daniel est la cible d’un coup de feu. Gravement blessé, deux images entrecroisées l’aident à tenir jusqu’à l’arrivée des secours. Le visage de la jeune femme ayant posé pour une publicité, sur l’affiche de l’abribus. Et celui d’une passante, qui lui parle avec douceur, tel un ange protecteur. Hospitalisé, Daniel s’en sort avec peu de séquelles. Selon le policier Braudel, la méthode du tireur est celle d’un pro. Il reste sceptique sur les activités de Daniel, cherchant à comprendre le pourquoi de l’affaire. Victor préfère éloigner son jeune beau-frère durant quelques jours. Il lui offre des vacances au Maroc. Au retour, Daniel apprend que “son” tueur a été abattu. Cela ne l’aide guère à trouver une explication, pas plus que le pèlerinage inutile qui l’amène près de l’abribus où ne subsiste nulle trace. Daniel réussit à établir le contact avec Anja, la mannequin norvégienne figurant sur cette affiche d’abribus qui l’a tant marqué. Elle accepte de l’accompagner au Prix de l’Arc de Triomphe. Après quelques confidences sur sa vie, Anja envisage de changer de vie. Elle s’installe à Paris. Daniel et elle deviennent peu à peu intimes. Leur relation dure deux mois, avant de se terminer en psychodrame. La jeune femme disparaît. Daniel n’a pas renoncer à retrouver cet ange qui l’aida à attendre les secours. Grâce à une vieille voisine qui fut témoin de l’affaire, il finit par repérer miraculeusement la personne en question. Non, elle n’est pas celle qu’il cherche. Quand Daniel insiste, il s’aperçoit que cette “Clara” est simplement une prostituée, sans doute venue d’un pays de l’Est. Daniel n’en a pas fini avec la police, qui perquisitionne chez lui avant de l’interroger au Quai des Orfèvres. Éternelles questions sur ses revenus. Libre, Daniel voudrait procurer des faux-papiers à Clara. “…Non seulement tu n’es pas le premier à me proposer une autre vie, mais tu n’es pas le mieux armé pour pouvoir m’aider… Ne serait-ce que financièrement” répond-elle, peu convaincue… C’est une bien curieuse histoire que nous raconte David Agrech. Ou plutôt son héros Daniel, narrateur de sa vie quotidienne assez singulière. Ce personnage n’est ni malhonnête, ni vraiment clair. Il ne suit que sa propre logique, sans but affiché, sans exprimer de forts sentiments. Par exemple, ce n’est pas un turfiste passionné, mais un parieur scientifique. De même, il apparaît trop rationnel avec les femmes, et s’enferre dans des situations mal gérées. Il ne s’agit pas d’une histoire balisée, utilisant les codes classiques du polar. Certes, le danger n’est pas absent dans cette intrigue psychologique. Mais, sauf au tout départ et dans la dernière partie du récit, Daniel n’est pas confronté à des scènes périlleuses. Il glisse au fil des évènements vers son destin, neutre, heureux ou fatal ? C’est cette progression qui apporte un charme certain à ce suspense singulier.
Une autre lecture duDeux Mille Kilomètres Avec Une Balle Dans Le Cœurde PAUL MAUGENDRE |
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Prix du roman d’aventures Décerné pour la première fois en 1930 pour le roman de Pierre Véry Le Testament de Basil Crookes, le Prix du Roman d’Aventures est spécifique aux Editions du Masque, nouvelle appellation de La Librairie des Champs Elysées créée par Albert Pigasse. A l’origine ce prix était remis sur manuscrit, mais à la fin des années 60, il est devenu un prix d’éditeur. Certains des récipiendaires ont connu une carrière remarquable au sein même du Masque, ou des d’autres éditeurs. Ainsi Charles Exbrayat, Alexis Lecaye, Jacques Chabannes, Yves Dermèze, Michel Grisolia, Paul Halter, Jean Bommart, pour n’en citer que quelques uns dans le désordre. Certains se sont comportés honorablement, d’autres n’ont effectué qu’un petit tour et puis s’en va, liste que je me garderai bien d’établir par correction envers ces auteurs disparus de la scène littéraire prématurément. Souhaitons à David Agrech qui vient d’obtenir ce prix de pouvoir emprunter la voie de ses glorieux aînés. Daniel Ferrey, qui a tenté de devenir traducteur d’anglais et effectué de petits boulots pour payer ses études, végète dans un quotidien sans relief. Son beau-frère Victor, investisseur immobilier, et sa sœur Sandrine l’hébergent de temps à autre, mais surtout grâce à Victor il peut gagner quelque argent en pariant sur les champs de course. Pas de grosses sommes, mais de quoi rembourser la mise que Victor lui a obligeamment prêtée au départ et en engrangeant de petits bénéfices. Et il ne joue pas à l’aveuglette, mais scientifiquement, étudiant les chances des chevaux participants aux courses, jouant ses favoris placés, ce qui lui rapporte grosso modo du dix pour cent. Mais alors qu’il attend sagement son bus, près d’un abribus où la photo d’un mannequin attire son œil et même les deux, une voiture arrive, et un individu lui tire quelques balles dont une dans le ventre. Alors qu’il gît sur le bitume, son inconscient lui ordonne de ne pas tomber dans les pommes et il croit que la belle de papier est descendue de son support, lui prodiguant des encouragements à survivre jusqu’à l’arrivée des secours. Il se remet tout doucement de ses blessures et lorsqu’il sort de l’hôpital, Victor lui offre un séjour au Maroc dans un hôtel de luxe afin qu’il se rétablisse dans le calme et la sérénité. C’est vraiment sympa de la part de son beau-frère, et Daniel ne peut que le remercier même s’il se demande s’il n’y a pas un coup fourré quelque part. Ce qui lui importe surtout c’est de retrouver son ange gardien et il parvient à obtenir son adresse. C’est ainsi qu’il fait la connaissance d’Anja, Norvégienne, et qu’ils sympathisent. Toutefois elle n’est pas la bonne fée désirée et il continue ses recherches pour enfin tomber sur Clara, une péripatéticienne. Ceux qui souhaitent lire un roman d’action vont être frustrés, mais ceux qui privilégient les histoires de suspense psychologique vont être comblés. Narré à la première personne ce roman est comme un sandwich, deux tranches d’action enveloppant deux histoires d’amour plus ou moins épaisses, pimentées de réflexions sur le système financier des paris hippiques et surtout comment ne pas perdre trop d’argent, la préférence allant aux petits gains assurés, le tout agrémenté des salades de Victor. Parfois on pourrait penser lire une Harquelinade, notamment lorsque les jeunes femmes relatent leur parcours, pourtant je n’ai pu m’en détacher lisant quasiment tout d’une traite. Comme quoi, il suffit parfois de peu de choses pour installer une relation de confiance entre l’auteur et le lecteur et se trouver accroché. Mais j’attends du prochain roman de David Agrech une autre approche du roman policier afin qu’il nous démontre sa capacité à se renouveler.
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