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BERNHARD AICHNER

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Le jeudi 9 Mars 2017

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Bernhard AICHNER




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Voilà bien longtemps qu’elle a décidé d’occulter son prénom qu’elle déteste, ne conservant que son patronyme : Blum. À Innsbruck, en Autriche, elle fut élevée "à la dure" par ses parents adoptifs. Ils possédaient une entreprise de pompes funèbres. Très jeune, Blum fut contrainte de les aider. À l’âge de vingt-quatre ans, elle décida d’en finir avec ce couple tyrannique, et les élimina impunément. C’est ainsi qu’elle rencontra Mark, qui est son mari depuis huit ans. Ils ont deux fillettes en bas âge, et Karl – son beau-père – vit avec eux. Mark est un bon flic, dans la lignée de son père, policier retraité. C’est lui qui fait engager Reza, un réfugié bosniaque, pour assister Blum aux pompes funèbres. Entre-temps, elle a modernisé l’entreprise de ses parents, et ne manque pas d’ouvrage.

Blum a trente-deux ans quand, alors qu’il quitte leur maison, Mark est victime d’un accident mortel à moto. Le chauffard s’est enfui. Blum et ses proches sont sous le choc. Elle peut compter sur le soutien moral de Massimo Dollinger, collègue de Mark et ami du couple. De son côté, son épouse Ute étant stérile et alcoolique, il trouve ainsi l’occasion de changer d’atmosphère. Pilotant la puissante moto réparée de Mark, Blum songe un temps au suicide. À quoi bon survivre après cet amour fusionnel avec son mari décédé ? Dans les archives de Mark, elle découvre le témoignage d’une nommé Dunja, une Moldave sans-papiers. Elle fut employée clandestinement dans un hôtel du Tyrol. Puis elle fut enfermée dans une cave avec deux autres personnes, durant cinq longues années.

Quand Blum retrouve Dunja, elle finit par lui confirmer avoir été victime de violences et de viols, par un groupe de cinq hommes. Le Photographe, le Prêtre, le Chasseur, le Cuisinier, le Clown, c’est ainsi qu’elle les appelait, en fonction des masques qu’ils portaient. Les deux autres personnes avec Dunja sont mortes aujourd’hui. Blum se rend dans le Tyrol, où l’hôtel qui employait la jeune Moldave a été vendu depuis. L’ex-propriétaire est devenu responsable politique. Amer, l’ancien concierge floué n’oublie pas que le fils de son patron se prenait pour un grand photographe. Blum y voit une piste à suivre. Quand elle en parle au policier Massimo, il pense que Dunja n’est qu’une malade mentale ayant tout inventé. Blum se sent parfaitement capable d’agir seule pour punir le Photographe.

Elle approche l’ex-propriétaire de l’hôtel, mais son heure à lui n’est pas encore venue. Il n’est pas très difficile pour Blum de repérer le Prêtre pervers. Séquestrer et éliminer ses cibles n’est pas compliqué quand on opère dans le domaine funéraire. Encore faut-il que les proches de Blum ignorent tout. Peut-être sera-t-il nécessaire d’impliquer Reza, quand même. Lorsque ses adversaires s’attaquent à Dunja, que Blum a recueilli, il est temps pour elle de passer à la vitesse supérieure, de piéger les derniers monstrueux complices…

(Extrait) : “Trois heures plus tôt, Blum avait ouvert la porte de la chambre froide. Il était allongé entre deux cercueils sur la table d’aluminium. Avant de le déposer là, elle l’avait attaché, ficelé comme un paquet, craignant qu’il ne se réveille avant son retour, et caché pour le cas où Karl ou une des filles serait, malgré tout, entré par inadvertance dans la salle de préparation. Blum était seule avec lui.

Le monstre qu’elle avait attrapé était étendu là. Elle l’avait terrassé et tiré hors de la voiture comme un paisible morceau de viande ne présentant plus aucun danger. Elle l’avait emmené en catimini dans la salle de préparation, transféré sans difficulté sur la table d’aluminium, avant de le faire rouler jusqu’à la chambre froide. Un jeu d’enfant ; tout s’était déroulé comme elle l’avait imaginé…”

Même quand on lit intensivement, il arrive que l’on rate des petits chefs d’œuvres à leur publication initiale. Heureusement, une réédition en format poche permet de se rattraper. Bel exemple avec ce “Vengeances” de l’auteur autrichien Bernhard Aichner. “La maison de l’assassin”, son nouveau roman vient d’ailleurs de sortir chez l’Archipel. On y retrouve son héroïne singulière, Blum. Nous faisons sa connaissance dans ce premier opus. Blum n’est pas un personnage cynique, qui tuerait pour s’amuser, animée d’un vice meurtrier. Elle éprouve des sentiments profonds, allant jusqu’à la hantise et aux cauchemars. Blum est compatissante, "ouverte aux autres", employant un Bosniaque, accueillant une Moldave. Forte mais avec ses failles, Blum est de nature humaniste.

Mais la mort hautement suspecte de son mari adoré a changé la donne. Elle légitime une sanction envers chacun des coupables, des actes de vengeance aussi cruels qu’ils l’ont été eux-mêmes. Élevée dans une rigueur excessive, Blum sait garder son sang-froid quand il faut sévir. Cette histoire ne prétend pas justifier la Loi du Talion. D’autant que Blum agit sur des indices et non sur des preuves concrètes. À l’instar des intrigues de William Irish (Cornell Woolrich), c’est la démarche punitive qui guide le récit. Au final, on verra si Blum était dans son droit, ou non. Ajoutons que la narration de Bernard Aichner est à la fois fluide et subtilement écrite. Un suspense de haut niveau, à lire absolument.

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