|
|
BARBARA ABEL |
Après La FinAux éditions FLEUVE NOIRVisitez leur site |
2304Lectures depuisLe dimanche 16 Fevrier 2014
|
Une lecture de |
Quand c'est fini, ça recommence ? Cela fait sept ou huit ans que Maxime, le fils de Thiphaine et Sylvain est mort, écrasé sur la terrasse en chutant de la fenêtre de sa chambre. Depuis Thiphaine et son mari, qui ont adopté Milo, le fils de leurs plus proches voisins, ont déménagé, le gamin ayant hérité de la maison de ses parents. Ils ont se sont donc installés dans la maison jumelle de celle qui était la leur, ce qui ne manque pas de raviver parfois les souvenirs liés à ce drame. Une nouvelle voisine aménage et Tiphaine, tout autant que Milo, est intéressée par le mouvement provoqué dans la rue par le déchargement des cartons et des meubles. Si Tiphaine fixe plus ses regards sur Nora, la mère, Milo est subjugué par Inès, la fille de treize ans. Nora et Alexis sont séparés, et n'ont la garde de ses gamins qu'une semaine sur deux, mais un autre enfant est présent. Un garçon nommé Nassim, qui a l'âge qu'avait Maxime lorsqu'il est décédé. D'ailleurs Tiphaine a cru comprendre Maxime lorsque le garçon s'est présenté alors qu'il regardait par la haie. Le couple Tiphaine et Sylvain s'est délité progressivement depuis l'accident. Ils ont obtenu d'être les tuteurs de Milo, mais celui-ci pense que s'il aime quelqu'un, s'il s'attache à un être cela ne peut que nuire à cette personne. Pourtant il est attiré par Inès, un sentiment réciproque et la jeune fille tente de l'appâter en communicant par les réseaux sociaux et son portable. Nora trouve un emploi à mi-temps comme assistante maternelle, mais la défection d'une collègue malade l'oblige à changer ses horaires de travail. Elle va s'occuper de la garderie en fin de classe et elle ne peut plus aller chercher ses enfants. Pour Inès ce n'est pas trop grave, mais elle s'inquiète pour Nassim. Elle sollicite son amie Mathilde mais elle-même doit satisfaire à quelques occupations aussi elle se retourne vers Tiphaine, laquelle accepte volontiers. Un jour, alors que Sylvain et Nora discutent ensembles, Alexis, le mari de Nora dont c'était la semaine de garde, arrive en compagnie de Nassim et d'Inès. C'est un homme qui n'accepte pas d'être séparé de sa femme et comme de plus il est jaloux et ombrageux, il se pose des questions. D'ailleurs, ces deux maisons jumelles, il les reconnait. Avocat, il a traité une affaire huit ans auparavant et son client s'est pendu. Il en fait part à Nora, puis rentré à son cabinet, il se rend compte qu'il s'est trompé de numéro. Ce n'est pas la maison de Nora qui est devenue la maison du pendu, mais celle qui est accotée à la sienne. Mais ce qu'il ne comprend pas, en vérifiant les noms sur la boite aux lettres, c'est que le nom de Milo est associé à ceux de Tiphaine et Sylvain. Tout les éléments du drame sont mis en place. Il ne reste plus qu'à Barbara Abel à allumer la mèche et déclencher cette tragédie.
Ce qui suit va peut-être vous interloquer : je vous conseille de ne pas lire le prologue. Un prologue permet de situer les personnages et l'action de l'œuvre et sert en général de préface ou d'introduction à ce qui s'est déroulé antérieurement. Or ici ce n'est pas le cas. Le futur lecteur qui préfère s'imprégner de l'ambiance et de l'atmosphère d'un roman et qui au lieu de se fier à la quatrième de couverture, en lisant les premières pages, va être harponner par ce prologue. D'emblée il entre de plein fouet dans une scène d'angoisse et ce prologue terminé lorsqu'il entame le premier chapitre, toute la montée d'adrénaline qu'il a ressentie retombe comme un soufflé, le ressort se casse. Et en réalité ce prologue est à placer entre le chapitre 53 et le chapitre 54, soit quasiment à la fin de l'histoire. Ceci n'est qu'une mise en garde gratuite, vous faites comme vous voulez, mais je vous aurai prévenu. Les allusions sont comme des rayons laser qui détectent la mauvaise conscience et la font sortir de son trou plus sûrement qu'une carotte devant le terrier d'un lapin. Et ce sont bien les allusions puis l'interprétation qui en est faite qui servent de détonateur. Le lecteur ne peut s'empêcher de penser que les personnages agissent parfois en dépit du bon sens. Il voudrait leur dire, mais non, c'est pas comme ça qu'il faut faire, tu te conduis comme un(e) imbécile, tu cours à la catastrophe. Mais rien n'y fait. Ceux-ci ont décidé de prendre à leur compte cette maxime des Shadocks : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Dans ce roman l'angoisse et le suspense montent en puissance, insidieusement, au fur et à mesure que Barbara Abel dispose ses personnages, les nouveaux et certains de ceux qui ont joué un rôle prépondérant dans Avant la haine, et développe l'intrigue. Tout l'art de jouer avec le lecteur dans un rythme lancinant, fascinant et incidemment de le laisser légèrement sur sa faim, car l'épilogue suppose une suite à cette histoire. Après la haine et Après la fin, pourquoi pas Après les débuts ?
Un quartier familial et tranquille dans une banlieue d'Île-de-France, où l'on trouve la rue Edmond-Petit, bordée de maisons jumelles. Au n°26, habitent Sylvain et Tiphaine Geniot, avec leur fils adoptif Milo. Le mari est architecte, l'épouse est horticultrice. Voilà quelques années, ils ont perdu leur enfant de six ans, Maxime. Aujourd'hui âgé de quinze ans, Milo était le fils de leurs voisins décédés. Ayant obtenu la tutelle, Tiphaine et Sylvain élèvent ce jeune garçon depuis huit ans. Milo se montre quelque peu rebelle, comme tous les ados. Tiphaine reste marqué par l'épisode dramatique qu'ils ont traversé. Au n°28, une nouvelle famille vient de s'installer, après le décès de la vieille dame qui y habitait. D'origine marocaine, Nora Amrani est une jolie femme de quarante-quatre ans. Après une crise de couple apparaissant sans solution, Nora a fini par rompre avec son mari, Alexis Renard. Ce dernier est avocat, passionné par son métier. Ils ont deux enfants. L'aînée, Inès, a treize ans. Elle a hérité du charme de sa mère. Ce que ne tardera pas à remarquer son nouveau voisin, Milo. L'ado est assez maladroit avec elle, alors qu'Inès ne cache pas être attirée, elle aussi. Son petit frère de huit ans se prénomme Nassim. Nora a réussi à se faire embaucher comme assistante-maternelle à l'école des Colibris. Un travail aussi passionnant qu'exigeant, y compris sur la question des horaires. De Nassim à Maxime, des prénoms ayant la même consonance. Pour Tiphaine, c'est très perturbant, au point qu'elle sent dans un premier temps un rejet envers le petit Nassim : “Tiphaine, quant à elle, réalisa avec angoisse qu'elle allait tout simplement être incapable de supporter la présence de cet enfant.” Néanmoins, elle sympathise bientôt avec Nora. La voisine ne pouvant compter sur son amie Mathilde pour garder son fils quand elle rentre plus tard de l'école, Tiphaine accepte de s'en charger. À plusieurs reprises, c'est chez Nora qu'elle assure la garde du gamin. Gagnant une relative complicité avec Nassim, Tiphaine ressent un certain apaisement par rapport au drame auquel elle fut confrontée. Alexis Renard se souvient d'une précédente affaire impliquant les défunts habitants de ces maisons mitoyennes. Il a toujours cru en l'innocence de David Brunelle, son client. Le fait que Sylvain Geniot semble jouer au séducteur avec Nora incite l'avocat à se renseigner davantage. Au bureau d'état-civil, il parvient à glaner des infos qui lui confirment que tout ça n'est pas clair. Car le fils adoptif des Geniot est, donc, celui de son ex-client Brunelle et de sa femme Laetitia, tous deux morts. En persévérant, Alexis Renard risque de se mettre en danger. Ce n'est pas le tandem de flics ressemblant à Laurel et Hardy qui sauront éclaircir les choses, le concernant. Assez rapidement, la situation va s'envenimer entre Nora et la possessive Tiphaine. Jusqu'au jour où la police est appelée à intervenir… On retrouve ici le contexte tourmenté de “Derrière la haine”. Il ne s'agit pas strictement d'une suite, puisque cette seconde histoire peut se lire sans connaître la première. L'auteure est habile à suggérer quelques points de repère suffisants, relatifs au titre précédent. Le talent de Barbara Abel consiste à nous présenter, dans leur quotidien, des personnages conformes à la réalité. Rien de spectaculaire ni de criminel ne devrait se produire. Sans doute, des maladresses relationnelles et des petits incidents de voisinage ne sont pas à exclure. Bien sûr, le traumatisme de Tiphaine n'a pas été effacé avec les années. Toute à sa nouvelle vie, Nora ne perçoit pas forcément les problèmes à venir. L'attirance entre les deux ados devrait même être facteur de bons rapports entre les deux familles. Pourtant, la tension est perceptible, pour nous qui (comme la mère Bourgeon) sommes témoins des faits. Et des pensées de Tiphaine, en particulier. Maîtrisant de A à Z cette intrigue en apparence limpide mais bien plus perverse, Barbara Abel réussit à nous fasciner. Peut-être parce qu'elle nous donne l'impression que ça se passe tout à côté, chez nos propres voisins. Un excellent suspense. |
Autres titres de |