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LOIC - MATTHIEU ARTIAGA - LETOU |
Fantômas ! Biographie D’un Criminel ImaginaireAux éditions LES PRAIRIES ORDINAIRESVisitez leur site |
789Lectures depuisLe mercredi 21 Aout 2013
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Une lecture de |
En septembre 1913, paraissait la trente-deuxième et dernière aventure de Fantômas, le Maître de l’Effroi, sous la plume de Pierre Souvestre et Marcel Allain. Trente-deux volumes édités chez Fayard à raison d’un titre par mois. L’aventure a commencé, en librairie, en février 1911, et qui pouvait imaginer un tel succès ! Un bandit devenir un héros, cela semble improbable et pourtant… Issu de l’imagination de deux hommes qui ont contractés un mariage littéraire, sous la houlette bienveillante de la compagne de Pierre Souvestre et qui à la mort de celui-ci deviendra celle de Marcel Allain, Fantômas fut favorablement accueilli par un lectorat avide de nouveautés libertaires. La critique, dont le plus virulent représentant est l’abbé Bethléem qui dans son guide Romans à lire et romans à proscrire, vitupérait contre les romans populaires en général, ne sera pas toujours tendre. S’il oublie de répertorier dans son ouvrage les romans de Souvestre et Allain, il réparera son omission dans son périodique La Revue des lectures. Mais il ne pouvait faire moins car il avait classé dans les romans à proscrire la série Zigomar, personnage sur lequel je reviendrai. Fantômas est à considérer comme une mauvaise lecture pour les critiques littéraires de fictions policières qui s’appuient sur des concepts moraux et qui s’inquiètent des effets produits par ce genre littéraire auprès des masses populaires. Une prise de position qui ne peut que susciter l’engouement populaire. Fantômas s’est incrusté dans les esprits et après la guerre de 14-18, en 1927 exactement un contributeur de la Revue des lectures s’indigne en constatant que des lecteurs font relier leur collection de Fantômas et écrit : On fait relier de tels livres, alors que, très certainement, la collection des classiques est donnée en pâture aux rats et aux mites… concluant sa diatribe par : Je donne humblement à M. Edouard Herriot, ministre de l’intelligence française, le conseil de signer un petit décret qui enverrait sans tarder au bûcher tout le papier noirci dans le genre de celui que je signale. Une incitation, sinon au meurtre, du moins à la lecture de ces romans vilipendés. Fantômas, un nouvel héros qui se démarque, même si Arsène Lupin était à classer dans la rubrique des mauvais garçons avec son passé de cambrioleur ? Pas tout à fait car il eut un prédécesseur : Zigomar de Léon Sazie créé en 1910. D’ailleurs il est amusant de remarquer une certaine ressemblance dans la présentation des personnages. Vous savez qui c’est ? Oui. Qui ? Zigomar ! Le détective américain sursauta. Zigomar ! s’écria-t-il… Qui est ce Zigomar ? Paul Broquet tranquillement répondit : C’est Zigoma ! Tom Tweak s’était levé d’un bond. Ça ne me dit pas qui c’est, ni ce que c’est que ce Zigomar… C’est Zigomar… Je ne peux rien dire de plus. A rapprocher de l’introduction de Fantômas : ? Fantômas ! ? Vous dites ? ? Je dis... Fantômas. ? Cela signifie quoi ? ? Rien... et tout ! ? Pourtant, qu'est-ce que c'est ? ? Personne... mais cependant quelqu'un ! ? Enfin, que fait-il ce quelqu'un ? ? Il fait peur ! ! ! Et comme prédécesseurs on pourrait signaler Le mystérieux Docteur Cornélius de Gustave Le Rouge ou encore Fu Manchu de Sax Rohmer. Et si ces confrères en voyoucratie, à part Fu Manchu, sont tombés en désuétude, Fantômas continue à être régulièrement réédité, une notoriété largement entretenue par le cinéma qui dès 1913 c’est intéressé à son cas, Louis Feuillade réalisant cinq films. Et dans les années soixante André Hunebelle en réalisera trois avec Jean Marais et Louis de Funès dans les rôles principaux. L’excentricité de Louis de Funès gommant le tragique des situations. Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux se penchent sur le berceau de Fantômas, narrant la genèse de ce Maître de l’effroi, qui de personnage populaire deviendra rapidement mythe littéraire sous l’influence indéniable de poètes comme Robert Desnos ou Max Jacob. On pourrait croire à une exagération patente des méfaits de Fantômas, pourtant Souvestre et Allain s’alimentaient en faits-divers pour écrire leurs histoires. Ecrire étant une façon de parler car ils travaillaient avec un ancêtre du dictaphone. Si Marcel Allain ressuscita Fantômas en 1926 pour trente quatre fascicules hebdomadaires puis récidiva quelques années plus tard soit par des feuilletons dans des journaux, des adaptations en bandes dessinées ou des feuilletons radiophoniques, c’est bien Fantômas, fils de Souvestre et Allain, qui imprègne les mémoires et alimente les rééditions. Tout ceci et plus vous est expliqué, narré, commenté, analysé, décortiqué dans cet ouvrage dont il serait peu de dire qu’il se lit comme un roman policier, même si cette locution galvaudée est employée désormais un peu à tort et à travers. L’intérêt est sublimé par la nombreuse et riche iconographie et par des documents inédits issus du fonds Marcel Allain, lequel gardait précieusement tous ses documents, notifiant même mois après mois les droits concédés par Fayard pour les éditions initiales et les retirages des Fantômas première génération. Une source inestimable de renseignements. Sérieuse, enrichissante, divertissante, cette étude permet de mieux comprendre l’engouement voué à Fantômas et même si on n’est pas un admirateur sans bornes de ce personnage, on lit avec plaisir ce document remarquable. |