Une lecture de CLAUDE LE NOCHERDurant la 2e Guerre Mondiale, le jeune Maurice vit à Vincennes avec ses parents et sa sœur. À Paris, l’occupation allemande est omniprésente. Pourtant, Maurice redoute davantage la police française que les nazis. Car, appliquant la politique de collaboration du maréchal Pétain, ce sont bel et bien des policiers français qui opèrent des rafles dans la population juive. Depuis le 8 juin 1942, l’étoile jaune cousue sur les vêtements désigne d’un signe infamant les Juifs de France. Le 16 juillet 1942, vers cinq heures du matin, Maurice et sa famille sont arrêtés lors d’une rafle. C’est leur ancien voisin policier qui les a dénoncés. Les parents sont bientôt dirigés vers le camp de Drancy ou le Vel d’Hiv’. Maurice et sa sœur Jenny sont relâchés. Âgé de quatorze ans, l’enfant se retrouve seul au domicile de sa famille. Il va devenir apprenti sertisseur-joailler. Souvent chargé de courses à travers la capitale, Maurice observe avec méfiance l’ambiance qui règne. Les contrôles de rue ou dans le métro sont nombreux, surtout envers les Juifs. Dans sa détresse, Maurice a la chance d’être apprenti chez un brave homme qui l’a pris en amitié. Tous deux suivent l’actualité de la guerre qui se poursuit, écoutent Radio-Londres. Mais ils savent que chaque jour d’autres Juifs sont arrêtés en France. Avec les alertes, quand les bombardiers Alliés survolent Paris, les nuits ne sont guère reposantes. Descendre aux abris n’est pas une solution, estime Maurice. Se nourrir, sa chauffer, un problème que Maurice et sa sœur doivent résoudre au quotidien, comme l’essentiel de la population. Lorsque Maurice livre un bijou de grande valeur à un client généreux, il reçoit parfois un pourboire. Cela lui permet d’acheter des livres d’occasion et d’améliorer ses repas. Depuis qu’il porte l’étoile jaune, Maurice n’a droit qu’à peu de loisirs, les cinémas, piscines ou autres lieux publics étant interdits aux Juifs. Dans son malheur et sa solitude, en 1943, Maurice va connaître un véritable jour de chance. Dans la rue, il croit ramasser une blague à tabac. En réalité, c’est un portefeuille contenant des pierres précieux et des bijoux sertis de gros diamants. Il y en a pour cinq millions de francs. L’honnêteté de Maurice va avoir des belles conséquences pour lui. Le courtier ayant perdu le portefeuille et ses associés vont protéger le jeune apprenti, lui offrir des sorties à la campagne. En France, la traque des Juifs se poursuit, toujours menée en priorité par la police. Pire, à partir de janvier 1944, la Milice de Vichy s’installe à Paris. Ceux-là pratiquent le plus haut degré de la collaboration, pourchassant Résistants, s’attaquant aussi aux Juifs. Le déclin de l’Allemagne nazie ayant commencé au printemps 1944, les autorités et leurs hommes de mains font preuve d’une grande nervosité. Pour tenir en attendant les Alliés, Maurice est envoyé dans le Vexin… Pour être précis, plus qu’une bédé, il s’agit d’un récit illustré (par Mario et Michel d’Agostini). Sans doute inspiré de documents d’époque, le dessin permet de recréer la lourde ambiance des années de guerre. Les illustrations complètent parfaitement le témoignage de Maurice Rajsfus. Si celui-ci a gardé pendant toute sa vie une grande antipathie pour la police, on comprend ici la source de cette aversion et de son militantisme. En effet, au cœur de la collaboration, le rôle des la plupart des policiers français ne fut pas glorieux. Simples exécutants de la politique pétainiste ? Cette réponse ne peut suffire, car ces Juifs raflés étaient envoyés dans les camps de la mort. Certains de ceux qui ont vécu ces temps-là restent insatisfaits, tels Maurice Rajsfus. Quant aux rares policiers proches de la Résistance, ils ne furent nombreux qu’après le Débarquement de juin 1944. Ce récit s’adresse sans doute aux plus jeunes. Mais également aux lecteurs de tous âges, car il n’est jamais mauvais de rappeler des faits historiques à travers des cas tels que celui-ci.
CLAUDE LE NOCHER |
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