Une lecture de CLAUDE LE NOCHER La réputation des Corses d’être des régionalistes exacerbés est très exagérée. De Bastia à Bonifacio, d’Ajaccio à Aléria, de Calvi à Porto-Vecchio, jamais on ne voit un natif de l’Île de Beauté qui corresponde à cette caricature. Peut-être que dans quelques villages, la population a-t-elle un esprit indépendant. C’est bien normal, puisqu’on n’est pas sur le continent. Entre soi, au pays, on ne répond qu’à ses propres règles locales, bien sûr. Alors, il faut parfois expliquer au vétérinaire que la prime à la vache s’applique dix-sept fois, aux dix-sept propriétaires d’un unique troupeau. Et si un autre contrôleur se montre trop insistant, on le fatigue en le baladant d’une vallée à l’autre. Quant aux touristes s’attablant sur la terrasse du bistrot du village, ils ont intérêt à vite comprendre les us et coutumes d’ici. Les mêmes touristes louant une habitation sur l’Île peuvent être plongés dans une ruralité qui les surprendra, mais c’est ça, la Corse authentique. Les élections municipales ne sont pas moins agitées qu’ailleurs. Même lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat et deux fois plus de votes que d’électeurs inscrits. On ne peut pas passer sous silence la principale tradition insulaire, les attentats. Bien que généralement artisanaux, parfois l’eau-de-vie remplaçant les explosifs, ils sont en effet assez bruyants. C’est ce petit monde que l’adjudant Pruneau, muté dans une brigade de gendarmerie de Corse, va bientôt découvrir. Faire du zèle, afin que la loi soit ici respectée, ce n’est probablement pas une bonne idée. Pruneau va s’en rendre compte rapidement. Mais il va aussi trouver l’amour, en la personne de la jeune Zapelle. C’est la fille de Pido, le patron du bistrot, un pur Corse s’il en est. Sa fille avec un pinzutu, et un gendarme en plus, on peut comprendre que ça lui provoque un certain énervement bien légitime. Qui pourrait l’inciter au carnage. Pourtant, les circonstances laissent espérer un dénouement moins sanglant. Pour peu que Napoléon s’en mêle finalement, la Corse en sortira grandie… Éric Fraticelli est un acteur vu dans la série télé Mafiosa. Il semble connu en Corse sous le nom de Pido. C’est son scénario humoristique qui est illustré dans cette bédé par Donald Soffritti, “Bienvenue chez les Corses, et bonne chance !” (aux Éditions 12Bis). Soyons clairs, l’histoire du gendarme Pruneau est le mince prétexte permettant d’unifier l’ensemble. Tous les habitants sont héros de cette aventure, au même titre que lui. Bon nombre de scènes (en une ou deux planches) visent juste le gag, par exemple ce bureau des réclamation du FLNC ou ce conducteur qui ne trouvera pas d’indic pour retrouver son chemin. Même les plasticages n’apparaissent que comme un divertissement pour la population. Il s’agit d’un humour aimable sans réelle provocation, servi par un graphisme plutôt simple de bon aloi. Une BD sympathique, qui autorise une agréable parenthèse de relaxation.
CLAUDE LE NOCHER |
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