Une lecture de CLAUDE LE NOCHERAu matin du mardi 5 août 1952, la gendarmerie de Forcalquier est alertée. Des coups de feu ont été tirés la nuit précédente aux environs de la gare de Lurs. Un cadavre gît au bord de la Nationale 96, près du pont de chemin de fer. Très vite, les gendarmes sont sur les lieux. Ce n’est pas un seul corps, mais trois qu’ils découvrent. Jack Drummond, professeur de biochimie à l’université de Londres, et son épouse sont retrouvés mort près de leur voiture. Le cadavre de leur fillette est étendu plus loin dans les fourrés, entre la voie ferrée et la Durance. Le premier témoin du drame est Gustave, le fils aîné de Gaston Dominici. Ils habitent La Grand Terre, tout à côté. C’est en allant constater un éboulis sur la voie que Gustave à trouvé les cadavres des Anglais. C’est la police de Marseille qui va être chargée de l’enquête, confiée au commissaire Sébeille. Sébeille est un policier expérimenté et tenace. Il écarte immédiatement l’idée d’un vol ayant mal tourné. Ses adjoints ne tardent pas à retrouver dans la Durance l’arme du crime, une carabine Rock-Ola. Peut-être un souvenir de la guerre encore récente, bon nombre d’armes ayant été parachutées dans la région. Suite à un courrier anonyme, le policier interroge Clovis Dominici, poseur de rails à la SNCF. Embarrassé, celui-ci dit ne pas reconnaître cette carabine. Sébeille fait effectuer une perquisition à La Grand Terre, ce qui met en rage le vieux Gaston Dominici. Mais c’est Gustave qui intéresse surtout l’enquêteur. Le lendemain, officiellement entendu, il prétend avoir entendu plusieurs fois du bruit lors de la nuit du crime. Apeuré, il ne serait pas sorti. Visiblement, Gustave ne dit pas tout ce qu’il sait. Après l’interrogatoire, il se pose en victime. En septembre, l’enquête a peu avancé. Un témoin désigne la famille Dominici. Cet accusateur n’est peut-être qu’un traître et un menteur, comme le clame Gaston pour leur défense. Mi-octobre 1952, Gustave est condamné à une courte peine pour non-assistance dans cette affaire. Il sort mi-décembre. L’année 1953 n’apporte guère d’éléments nouveaux. Pourtant, les déclarations contradictoires des Dominici finissent par engendrer des hypothèses crédibles. Gustave, restant le principal suspect, et son frère Clovis, accusent maintenant Gaston. Il nie, mais confie à un gendarme une version “accidentelle”. C’est en jouant au martyr que le patriarche signe ses aveux : “Je suis le plus vieux, c’est à moi de me sacrifier ! Je signe, mais je suis innocent.”… Ayant marqué l’opinion publique, ce dossier criminel est bien connu. Il a même donné lieu à des scénarios farfelus ou absurdes. Il est bon de rappeler que le commissaire Sébeille était un policier chevronné, disposant de véritables indices. Il est faux d’affirmer qu’il “harcela” la famille Dominici, mais il releva en effet chacune des multiples incohérences dans leurs témoignages. À juste titre, Pascal Bresson respecte les faits, et s’en tient ici à l’enquête officielle. Le rôle des médias de l’époque méritait sans doute d’apparaître davantage, car les accusés en ont beaucoup profité pour se présenter en victimes. Quoi qu’il en soit, c’est une histoire solide qu’il nous raconte, à travers la vision qu’en eut Sébeille. Le dessin noir et blanc, avec ses nuances de gris sombre, convient évidemment au mystère et à l’ambiance de l’époque. L’illustration suggère en finesse, non sans précision, gardant l’impression de flou qui plane encore sur l’affaire. Cette BD permet de “visualiser” de façon assez originale le cas de Gaston Dominici et de sa famille.
CLAUDE LE NOCHER |
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