Une lecture de CLAUDE LE NOCHERC’est un nuiteux, un flic désabusé dont la nuit est le sombre royaume. Pas de vie de couple régulière; pas beaucoup d’estime de la part de ses collègues, non plus. On le traite de baltringue, autant dire d’inutile. Ce pochard de Yobe, quasiment le chef du service, le prévient qu’il est en “zone rouge”. Il se concentre sur les sordides crimes nocturnes. Comme la mort de Joséphine, jeune black tuée par balles, ayant un dossier au Mœurs et un autre aux Stups. “Joséphine, technicienne de surface, exécutée à domicile, avait eu droit à une mort qui n’était pas à sa taille. Son meurtre faisait au moins trois ou quatre pointures de trop.” Mais les énigmes ne l’intéressent plus. Son collègue Maurice sait qu’il a détourné un flingue sur les lieux du crime. Mau lui conseille d’éviter d’autres dérapages, de demander une mutation en service de jour. Un sénateur ministrable est retrouvé mort dans un hôtel de luxe, chambre 101. Toutes les allures d’un suicide. Ou peut-être pas. Une affaire pas plus excitante que d’autres pour le flic nuiteux. Il reçoit la visite d’Alexandra Brandt, ex-épouse du défunt sénateur. Pas de franche sympathie entre eux. Elle lui laisse son numéro de portable, “à toutes fins utiles”. La position du flic devient de plus en plus incertaine dans le service de nuit. Selon Mau, il y a au moins quatre bonnes raisons pour l’éjecter. On pense qu’il est “rincé” ? Pas faux, sans doute. Ses abus d’alcool et de clopes, ses cauchemars. Il est hanté par l’image d’une gamine morte, d’une gosse qu’il n’a pas sauvée… L’accident de la Gare de Lyon. S’il devient intime avec Alexandra, il fuit les relations suivies. Il n’est pas vraiment surpris d’être viré du service de nuit. Direction un banal commissariat de quartier, dont le chef n’a pas besoin de lui. Monseigneur a ses méthodes, brutales. Ça ne peut pas durer bien longtemps dans ces conditions. La chute ne tarde pas. Deux mois à s’enliser, avant d’être interné. Pas vraiment le patient modèle. Alors autant tenter sa chance vers le soleil du Sud… Il s’agit de l’adaptation du roman d’Hugues Pagan paru chez Rivages en 1997 (et Rivages/Noir en 2000). Plus que des affaires criminelles, c’est le parcours du flic solitaire que retient Daeninckx dans ce scénario. Il exploite toute la mythologie du loser, du flic hanté par un échec, prématurément usé, sur la mauvaise pente. Selon la tradition, une femme offre un espoir incertain et fragile. Daeninckx utilise largement et à bon escient l’ambiance du roman, nocturne, pluvieuse, et glauque. L’histoire est parfaitement servie par le dessin de Mako. Les visages sont marqués, sans abuser de traits caricaturaux. S’il est avant tout à l’aise avec le décor urbain, les scènes plus champêtres sont fort bien illustrées aussi. Graphisme, découpage et points de vue, donnent un fluidité au récit. Belle complémentarité des auteurs, donc, pour une version BD très convaincante.
CLAUDE LE NOCHER |
|