Une lecture de JULIEN VEDRENNEOuvrir un nouvel album de Loustal, c’est avant tout s’assurer d’un certain plaisir : celui des yeux. Chaque planche en est reconnaissable et porte sa signature. Inutile de préciser qu’avec Le Sang des voyous, on n’est guère dépaysé. Près de dix ans après Kid Congo, cet album signe les retrouvailles du génial dessinateur avec son Paringaux de scénariste. Et le résultat est à la hauteur espérée.
Louis est un tueur à gage qui vit ses derniers moments. Louis crache du sang. Alors qu’il est dans un lit d’hôpital, il décide de régler ses comptes une bonne fois pour toute avant de mourir. Son chemin de croix, c’est Paris-Marseille. Et les croix, Louis va les multiplier. Avant de se faire faucher, il égrène et fauche à tour de bras dans la foulée. Louis n’a qu’une idée en tête, et cette idée porte le nom de vengeance. Et puis il y a Lison, sa propre fille, celle qu’il ne laisserait pour rien au monde arpenter les trottoirs de Montmartre comme d’autres l’ont fait pour le proxénète qu’il a été dans une autre vie où il se faisait appeler Luigi pour asseoir sa réputation. La suite est noire, très noire. Lison avait tout pour être une héroïne, mais c’est l’héroïne qui coule dans ses veines. Ou tout comme. Cruel retournement de situation avec ce passé qui revient à la gueule de Louis telle une toupie non contrôlée, mais qui fournira à Louis l’occasion de mourir comme un vrai homme écorché vif.
Comme souvent dans l’œuvre de Loustal, le scénario est très important, mais les bulles sont quasiment absentes. Les dialogues se restreignent au minimum. Et là, en plus, Louis n’est pas un bavard et les gens qu’il croise non plus. La seule chose qui s’échappe de leur bouche, c’est des flots ininterrompus de sang. Ce scénario devait être, au début, un roman de Paringaux. Le vol d’un ordinateur en a décidé autrement. Le roman n’est plus devenu qu’une trame qui a servi à sceller les retrouvailles d’un couple sacré de la bande dessinée. Que dire du travail de Loustal ? Comme à son habitude, et peut-être encore plus, il s’est acharné sur les moindres détails et sur les couleurs. Les bouges la nuit sont parfaitement éclairés et la Méditerranée porte le merveilleux de son bleu. Le Sang des voyous est une belle réussite qui en attend d’autres.
Paringaux (scénario) & Loustal (dessin), Le Sang des voyous, Casterman, août 2006, 68 p. – 14,95 €.
JULIEN VEDRENNE |
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