Une lecture de CLAUDE LE NOCHERDans les années 1920 au Québec, Notre-Dame-des-Lacs est un village rural. Félix Ducharme vient de mourir. Voilà vingt ans qu’il s’occupait du Magasin Général, approvisionnant la population locale qui ne bouge guère d’ici. Il laisse derrière lui une veuve encore jeune, Marie, native de Chicoutimi. Les villageois s’interrogent sur la suite, eux qui ne reçoivent plus leurs commandes depuis quelques semaines. Marie elle-même n’est pas sûre de continuer seule, de jouer ce rôle d’équipeur qui fut celui de Félix. Quand un gamin du village est blessé, c’est à elle qu’on s’adresse pour téléphoner au médecin. Puisque celui-ci ne peut se déplacer, elle le conduit dans sa camionnette jusqu’à la ville de Saint-Siméon. Un peu maladroite à “chauffer son char”, elle en profite pour ramener de la marchandise, toutes les commandes en attente. C’est bien compliqué de servir tout le monde en même temps, tout en vérifiant le stock de ses produits. Si Gaétan est l’attardé mental de la bourgade, il est parfaitement capable d’aider Marie dans son commerce. Le nouveau et jeune curé du village sympathise bientôt avec Noël Poulin, vieux menuisier anticlérical, bien plus agréable que les bigotes âgées qui agaçaient déjà son prédécesseur. Noël projette la construction d’un bateau, mais certains détails techniques lui échappent. Le curé aura de bonnes solutions à lui proposer. À Notre-Dame-des-Lacs, on aime aussi faire la fête au son de la musique, buvant fort. Même si le curé doit s’interposer lors de la bagarre générale qui clôt la soirée, tous se sont bien amusés. Malgré la perte de son Félix et le fait qu’elle ne soit pas d’icitte, Marie parviendra à poursuivre l’activité du Magasin Général… Sans nul doute bien documenté, le scénario retrace des épisodes de la vie quotidienne d’habitants vivant dans la simplicité de leur époque. Adultes et enfants, artisans locaux, fermiers, jeune institutrice enceinte, curé et vieilles paroissiennes râleuses, couple dont la jeune épouse est jalouse d’une jolie veuve, autant de situations qui fleurent bon la réalité du temps passé. L’auteur Jimmy Beaulieu contribue aux dialogues, donnant une tonalité québécoise traditionnelle au langage des personnages. Publiée depuis 2006 chez Casterman, la série “Magasin Général” semble connaître un beau succès. Elle comporte cinq tomes principaux (Marie, Serge, Les hommes, Confessions, Montréal) et trois hors-série (L’arrière-boutique du Magasin Général). Elle est l’œuvre des dessinateurs et scénaristes Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, vivant à Montréal. C’est dans la complémentarité qu’ils construisent cette bande-dessinée. Loisel élabore un story-board déjà très évolué, repris et affiné par Tripp qui joue sur les ombres et les décors. Le choix des plans est assez diversifié et le graphisme apparaît chaleureux, y compris dans des scènes plus tristes. La belle colorisation de François Lapierre tient habilement compte de cette précision des images, des ambiances. Une autre approche du Québec et de son histoire...
CLAUDE LE NOCHER |
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