Une lecture de CLAUDE LE NOCHER Sous les ordres du colonel Koeniguer, les agents secrets Raoul Scopitone et son adjoint Marcel Formica forment un duo de barbouzes assez peu efficaces. Leur dernière mission au Maroc a été particulièrement explosive. Aucune chance que le Vieux leur accorde des félicitations, ni une médaille. Le mieux serait sans doute qu'ils restent au repos sur leur péniche la Paimpolaise, à deux pas du bistrot L'Écluse. Encore que le patron du bar ait fait installer un juke-box pour attirer la clientèle des jeunes. En ce début de la décennie 1960, ils s'éclatent sur la musique des yéyés, notamment sur les chansons de Sonny Brushing. “Twist à Saint-Mandé” est un de ses succès actuels. D'âge mûr, Raoul Scopitone n'aime pas les jeunes. Des vauriens, qu'il ne craint pas de cogner s'ils tentent de s'imposer. Il faut avouer que Raoul Scopitone et Marcel Formica sont des adeptes de la baston. Dans ces conditions, le colonel les charge d'une mission plutôt déplaisante. Des menaces pèsent sur le chanteur Sonny Brushing, ce qui inquiète le patron des disques Raclay. Le duo doit jouer les gardes du corps, afin de protéger l'artiste qui part en tournée avec son groupe. Bien que médiocre musicien, Raoul Scopitone se fait passer pour saxophoniste, tandis que Marcel va jouer au régisseur. La Juva qui transporte le matériel et les musiciens de Sonny Brushing, c'est pas ce qu'on fait de plus confortable, ni de plus fiable. Raoul ne tardera pas à récupérer sa “chariotte”, une solide 4CV, fleuron de l'industrie automobile française. Grande étape à Lyon, avec un gala à l'Eldorado. Il y a foule, l'ambiance est électrique, ce qui peut constituer un danger pour Sonny Brushing. C'est surtout la piteuse prestation de Raoul Scopitone au saxo, qui sert de prétexte à mettre le feu aux poudres. Pas du tout content du saccage provoqué par ses agents, le colonel ! Bien qu'amoché, Raoul Scopitone le rassure. Direction Marseille, où les musiciens vont se produire en gala à L'Alcazar. Là, ce sont quelques “blousons noirs”, motards amateurs de pur rock'n'roll, qui cherchent des noises à l'équipe de Sonny Brushing. Puisque ces jeunes raclures cherchent la castagne, Raoul Scopitone et Marcel Formica n'hésitent pas à les affronter sur leur terrain. Encore un résultat qui risque de déplaire au colonel. C'est ensuite à L'Alhambra de Nice que doit se produire l'artiste. Une des villes où Sonny Brushing compte le plus grand nombre d'admiratrices excitées et mineures, probablement. C'est maintenant que le duo d'agents secrets si peu discrets devrait protéger le chanteur... Les albums bédés de la collection Calandre des Éditions Paquet ("Le retour des capucins", "La femme du notaire", "Été indien pour la Mini") sont prétexte à nous présenter des autos d'antan, des véhicules anciens. Ici, outre la 4CV décapotable du héros et la Juvaquatre des musiciens, on aperçoit des 403 Peugeot, des Estafette de gendarmerie, des Ami 6 Citroën, des Dauphine, et bien d'autres modèles d'autrefois. Évidemment, ces voitures si typiques sont replacées dans un contexte d'époque. Jérôme Lebrun et Philippe Pinard nous font faire un bond de cinquante ans dans le passé, jusqu'en 1964. C'était au temps où une jeunesse insouciante s'enthousiasmait pour les idoles de la chanson. Leurs successeurs sont aujourd'hui des people, les styles et les têtes d'affiches ont changé, mais les jeunes filles s'extasient toujours devant les chanteurs. Le "pop-rock" a remplacé le "yéyé", mais c'est éternellement de la variété à deux balles. Le duo d'agents secrets au centre de cette comédie policière nous rappelle quelques films de ces années-là. Dont pas mal de nanars, il faut le reconnaître, mais aussi ceux qui laissent d'agréables souvenirs. Le camion Berliet rouge de la première scène est celui de Lino Ventura dans "Cent mille dollars au soleil". La grande maison représentée page 20 est le "routier" ou s’arrête Jean Gabin dans "Des gens sans importance" d'Henri Verneuil. Joli nom, Raoul Scopitone. Comme Raoul Volfoni (Bernard Blier dans "Les tontons flingueurs"), et ces juke-box diffusant des clips musicaux, appareils appelés scopitones. Le personnage de Teddy Raclay n'est autre qu'Eddy Barclay, bien sûr. Clins d'œil à la tradition bédé, page 13, devant la célèbre boucherie Sanzot, se promène Gil Jourdan, héros créé par Maurice Tillieux. L'intrigue est mouvementée et amusante. Le dessin et la colorisation, de Jérôme Lebrun, sont très réussis. Une bédé-polar humoristique réellement sympa.
CLAUDE LE NOCHER |
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