Une lecture de CLAUDE LE NOCHER Quelques années plus tôt, à Bordeaux, Jack Quervellat était un flic de choc, depuis près de deux décennies. Il vivait à Talence avec son épouse Sylvie et leur fille de huit ans, Rachel. Son métier vampirisait sa vie. Il utilisait souvent des méthodes violentes, brutalisant des suspects à coups de batte de base-ball. Son supérieur Philippe Nayrat avait de plus en plus de mal à couvrir ses dérapages. Par ailleurs, il était devenu l'amant de la journaliste Florence. Elle était mariée à un vendeur de vins, peut-être proche de la mafia bordelaise. Après la passion, elle finit par ne plus vouloir poursuivre ses amours avec Jack. Ce qui ruina le moral du flic. Fatalement, il commet la bavure de trop. On le met sur la touche. Un soir, où il passe chez Sylvie, il découvre sa femme et sa fille assassinées. Après avoir été lui-même agressé, une longue convalescence est nécessaire à Jack. Il met le cap sur l'Île d'Ouessant, où personne ne le connaît. À cause de cicatrices disgracieuses, il s'est fabriqué un visage et une allure différents. Avec son chat borgne Raspoutine, Jack retrouve un rythme de vie plus équilibré. Non sans maux de têtes, qu'un magnétiseur du coin essaie de calmer. Jack passe huit mois sur Ouessant, avant de s'installer au Conquet, sur le continent. Il n'y fréquente pas grand monde, à part le facteur Gilles, et sa logeuse, l'aimable Mme Deniaud. Il lui arrive de jouer aux cartes avec le couple habitant la maison d'en face, Patrick et Lætitia Longuet. Ils vivent au Conquet depuis cinq ans. Lui est employé dans une banque brestoise, elle est secrétaire dans un cabinet médical. Ce soir-là, Jack est persuadé d'avoir vu Lætitia Longuet tirer sur son mari Patrick. Ça le surprend peu, car le gentil couple en apparence ne s'entendait pas si bien. Il trouve un prétexte pour approcher de chez les Longuet. Bien qu'enroué, Patrick Longuet apparaît en vie. Quelques jours plus tard, le couple fera même du bateau sur leur voilier. Intrigué, Jack n'a aucune envie de raconter ce qu'il soupçonne à d'anciens collègues policiers. Il mène sa petite enquête, à la banque du mari, et auprès de son copain facteur. Quand même, on peut s'interroger sur le fait que Patrick Longuet ait quitté son emploi, pour cause de maladie. Et que le couple soit prêt à déménager. Jack aura recours à ses vieilles méthodes pour comprendre la vérité. Mais qu'est-ce que la vérité ?… Stéphane Heurteau s'est imposé au fil des albums comme un auteur et dessinateur de très bon niveau. Il a été récompensé par plusieurs prix, notamment au festival polar de Cognac, en particulier comme scénariste de la série Fanch Karadec (dessins de Corbet, aux éditions Vagabondages). Son diptyque “Sant-Fieg” (publié chez Coop-Breizh) a connu un très beau succès aussi, avec quelques récompenses méritées. C'est chez Locus Solus, petit éditeur actif, que sort ce nouvel album en noir et blanc, “Over”. Un roman graphique à la tonalité plus noire que blanche, à vrai dire. Car l'existence de son personnage central a été pour le moins chargée. Heurteau ne fait pas de cadeau à Jack Quervellat, montrant les plus sombres facettes de sa première vie. Sous le ciel finistérien, après des épreuves marquantes et des tourments pas tous effacés, il semble un peu plus apaisé. Le voilà involontairement mêlé à une curieuse affaire, qu'il a peut-être imaginée. Tout ça peut lui ouvrir une porte, vers une renaissance bienvenue. À moins que l'épilogue s'avère moins positif. Le scénario, avec un retour sur le passé du héros, est très habilement construit. Notons que les dernières pages nous offrent en cahier bonus les essais graphiques testés par l'auteur. Une authentique bédé-polar dotée d'une ambiance convaincante, très réussie, pour tous les amateurs de suspense !
CLAUDE LE NOCHER |
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