Une lecture de CLAUDE LE NOCHER - Editions Delcourt - Marié, père de famille, l'inspecteur Robert Maguire est policier à Chicago. Le 21 mai 1956, il est appelé chez lui en pleine nuit pour un homicide. La victime étranglée est une jeune femme, sans le moindre lien avec le gangstérisme. Il s'agit d'une institutrice célibataire, enseignante en maternelle, Carole Shaw. Avec son collègue Pete, Maguire n'espère guère dénicher d'indices sur les lieux du crime, l'appartement de la défunte. Ils interrogent le concierge, ainsi que les voisins dans l'immeuble. On leur parle de l'ex-petit ami de Carole, un professeur de mathématique nommé Martin Kramer habitant Prospect Street. Celui-ci est effronté d'apprendre la mort brutale de Carole. Ils se connaissaient depuis quatre ans. Ils sont sortis ensemble durant six mois. La jeune femme a rompu le 6 avril. Kramer aurait voulu qu'ils se marient, elle n'y tenait pas. Le policier est conscient que Kramer n'est pas leur coupable. Une note de restaurant trouvée dans le sac à main de la victime conduit les enquêteurs au Hannigan's. La serveuse se souvent très bien du couple. Carole Shaw était avec un homme d'une trentaine d'années, grand et séduisant. Une autre piste amène les policiers au musée, le couple ayant visité une exposition sur l’Égypte de Toutânkhamon. Un gardien affirme que l'homme était un ancien militaire. Faute d'élément supplémentaire sur Carole, le duo de policier se lance dans une enquête de proximité fort peu excitante. Ils trouvent quelques témoins, réussissent à délimiter le secteur de huit à dix blocs d'habitations où vit probablement le suspect ressemblant un peu à l'acteur Montgomery Clift. L'inspecteur Maguire n'a pas l'occasion de rencontrer alors Maryanne Shaw, la sœur de la victime. Mais, même ça reste aléatoire, il obtient un portrait-robot pouvant l'aider. Dans un bar, un client reconnaît le peintre en bâtiment qui travaille dans son immeuble. Entre-temps, un autre homme s'est dénoncé à la police. Oui, Lewis Woodroffe ressemble à Montgomery Clift. Il avoue son crime : c'est le meurtrier le plus docile et coopératif du monde. Il n'avait pas l'intention de tuer Carole Shaw, ce fut comme une impulsion. Tout est clair, il n'y aura plus qu'à attendre le procès. Mais Maguire sait que, si les gens honnêtes sont plutôt vagues et indécis, les menteurs ne changent jamais leur version. Il ne parvient à convaincre personne que quelque chose cloche. Lewis Woodroffe se retrouvera donc le 7 novembre 1960 dans la salle d'exécution de la prison. En présence de Maryanne Shaw, sœur de la victime. Elle aurait pu témoigner du caractère volage de la rousse Carole. Mais pour Maryanne, l'heure est à la sanction du criminel. Lewis Woodroffe aurait eu beaucoup de détails à donner, également. Sur son père Ray, un homme violent qui maltraitait sa mère. Sur son jeune frère Eugène, que Lewis protégea contre leur père. Sur l'époque où les deux fils quittèrent la maison. Sur la brune Caroline McCready, évidemment, qui hanta longtemps Lewis. L'inspecteur a raison de douter de la culpabilité de Lewis Woodroffe… Fabrice Colin est un écrivain qui a, depuis 1997, bon nombre de nouvelles, de romans et de scénarios de bédés à son actif. Sans doute une certaine expérience est-elle nécessaire pour adapter un texte de R.J.Ellory, effectivement. À l'origine, il s'agit de trois nouvelles, trois points de vue sur le meurtre de la jeune institutrice Carol retrouvée étranglée dans son appartement, triple témoignage sur les trompeuses apparences de cette affaire, ce qui n'empêchera pas l'exécution du condamné. C'est un sombre suspense, bien qu'il ne porte pas sur la mort de Lewis, mais sur ses secrets douloureux. Et, à travers les images dont se souvient sa sœur Maryanne, sur la personnalité troublante de la victime. Le contexte américain de la fin des années 1950 (ainsi qu'un peu celui des années 1930) n'est pas négligeable dans cette histoire. Le dessinateur Sacha Goerg l'illustre à sa manière, esquissant ou suggérant des décors qui sont reconnaissables, restituant en plans moyens et gros plans les scènes plus intenses, ou certains interrogatoires. Notons avec un sourire l'allure de la vieille Mme Gerrity, à laquelle il ne faut pas de cadeau. Moins amusant, Ray Woodroffe apparaît dans toute sa méchanceté. La belle harmonie entre le scénario et le dessin offre un atout majeur à cet album, un équilibre au service de l'intrigue imaginée par R.J.Ellory. Amateurs de polars et lecteurs de bédés vont assurément apprécier.
CLAUDE LE NOCHER |
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